Le renouvellement des dirigeants bénévoles pose des questions immédiates à certaines associations. Il faut qu'elles évoluent, qu'elles conçoivent la professionnalisation comme un complément du bénévolat de responsabilité et qu'elles se préoccupent de limiter la durée des mandats – l'archétype du président est un homme de plus de soixante ans appartenant à une catégorie socioprofessionnelle supérieure, alors que bien d'autres personnes sont capables d'assumer cette responsabilité.
Nous sommes revenus de l'idée selon laquelle toute action pourrait être prise en charge par un salarié, le travail des bénévoles n'étant qu'accessoire. Il faut au contraire rechercher une complémentarité entre des bénévoles qui ont la liberté de dire non, de résister ou de mettre en question la structure, et des salariés qui ne sont pas seulement des subordonnés mais qui peuvent aussi s'engager et être parties prenantes aux décisions. Il y a là des chantiers à mener en interne qui peuvent être profitables.
Faut-il, dans le cadre de la réforme territoriale, attribuer la compétence du financement des associations à une seule collectivité ? Nous trouvons étrange qu'on considère que les financements croisés seraient à bannir par principe. Réunir autour d'une même table des partenaires qui soient complémentaires prend beaucoup de temps : eh bien, les associations sont parvenues à le faire grâce aux financements croisés ; nous cherchons à bien articuler les actions du département, de l'agglomération et de la région dans le cadre d'un modèle économique viable, intégrant bien sûr les ressources propres.
Mais simplifier les procédures, créer un guichet unique, mieux articuler les divers financements, nous y sommes d'autant plus favorables que – vous avez parfaitement raison sur ce point – l'embauche d'un comptable devient quasiment la première priorité de toute association alors que la comptabilité n'est pas vraiment le coeur de notre activité.
Attribuer la compétence du financement des associations à une collectivité poserait aussi un problème aux têtes de réseau : le rôle de celles-ci étant d'aider les petites associations isolées et désorientées à coopérer avec d'autres pour être plus efficaces sans avoir à réinventer la poudre, leur champ d'action débordera toujours le territoire de cette collectivité chef de file.
Arrêter la nouvelle programmation du FSE a pris du temps – les arbitrages ne sont d'ailleurs pas tous rendus. Du coup, les régions, qui vont désormais gérer une part de l'enveloppe, nous expliquent qu'elles ne seront pas en mesure d'instruire nos dossiers à temps pour nous verser les subventions en 2014. Si tel est le cas, il faut à tout le moins envisager qu'un report sur l'année suivante soit voté lors de la dernière séance de la collectivité. Si cette année est blanche sur le plan comptable, nous devons avoir l'assurance d'obtenir un financement double l'année suivante, avant de revenir à une situation normale en 2016, faute de quoi nous courons à la catastrophe. Il est encore possible de trouver une solution, encore faut-il s'en préoccuper.
L'essentiel du financement privé perçu par les associations vient de ressources propres et le mécénat, qui bénéficie pourtant d'un régime fiscal favorable, n'y contribue en effet que pour 5 % avec les dons. Pour autant, cette ressource nous importe à un double titre : ces petits financements permettent souvent de boucler un budget et, d'autre part, leur discussion donne l'occasion d'un rapport à l'entreprise à la fois nouveau et intéressant pour nous – au stade le plus abouti, cela conduit au développement d'un mécénat de compétences qui n'est pas sans produire quelques bienfaits collatéraux : les cadres supérieurs apportent leurs qualifications à l'association où ils trouvent eux-mêmes l'occasion d'une certaine respiration.
Il est compliqué de donner à vos questions sur l'emploi et sur les types de contrats utilisés une réponse qui ait valeur générale. Deux mondes coexistent dans les associations : celui des conventions collectives, du contrat à durée indéterminée et de l'emploi à temps plein ; celui du temps très partiel, étant entendu que des progrès ont été réalisés dans ce domaine grâce aux groupements d'employeurs. Les associations font de gros efforts pour assurer correctement leur fonction d'employeurs. L'Union des employeurs de l'économie sociale et solidaire (UDES) a enfin été reconnue comme organisation multiprofessionnelle et elle est associée à la conférence sociale qui va s'ouvrir dans quelques jours. C'est important car les syndicats de salariés ont besoin de trouver chez nous des interlocuteurs vraiment conscients de leurs responsabilités d'employeurs. Pour notre part, dans le cadre de la grande cause nationale dédiée à l'engagement associatif, nous engageons un vrai travail en faveur de la qualité de l'emploi : nous avons créé un prix pour récompenser l'initiative dans ce domaine et nous mesurons de façon régulière nos progrès.
Globalement, nous ne sommes pas mauvais et il faut combattre certaines idées reçues : le niveau des qualifications dans le secteur associatif est plutôt plus élevé qu'ailleurs et nous sommes un secteur d'avenir puisque, sous le seul effet de la pyramide des âges, 500 000 emplois seront renouvelés d'ici à 2020. Il y a donc bien des motifs pour que l'emploi associatif suscite l'intérêt.
Les associations ont répondu favorablement à la création des emplois d'avenir puisque nous sommes les premiers utilisateurs de ce type de contrat, ex aequo avec les collectivités. Nous y avons recouru de manière volontariste, désireux que nous étions de prendre notre part de l'effort fait pour résorber le « noyau dur du chômage des jeunes », pour reprendre l'expression de Michel Sapin.
Mais nous avons regretté que vous n'ayez pas aussi inventé avec nous un dispositif de soutien à l'emploi associatif, au titre de l'innovation sociale dans des métiers d'avenir. Nous agissons dans les secteurs des services, de l'éducation et de la culture, qui sont appelés à se développer. Le dernier rapport de France Stratégie souligne d'ailleurs que les emplois de proximité vont bien résister – et durablement –, même dans un contexte d'économie mondialisée. Nous sommes les acteurs de cette proximité, aux côtés d'entreprises, notamment de PME. Incarnant la capacité des citoyens à se prendre en main et à répondre par eux-mêmes aux besoins, les associations ont vocation à créer durablement de l'emploi, et pas seulement de l'emploi d'insertion. Je sais qu'il est mal vu de vouloir ressusciter des dispositifs passés, mais le programme « nouveaux services, nouveaux emplois » a produit des effets durablement bénéfiques dans les associations.
Si nous n'avons pas explicitement parlé du projet de loi sur l'économie sociale et solidaire, c'est parce que nous avons l'impression d'y être immergés – et avec bonheur – depuis deux ans. Tout le travail de concertation effectué en amont nous a beaucoup aidés à réfléchir sur les évolutions du monde associatif et à nous projeter dans l'avenir. Il nous a permis de rediscuter avec les mutuelles, les coopératives, les entrepreneurs sociaux et à reformuler plus clairement nos spécificités respectives. Nous voulons construire progressivement une « révision associative » pour que les associations s'interrogent régulièrement sur leur complémentarité vis-à-vis de la puissance publique et des entreprises, sur l'action bénévole, sur le rapport à l'usager – qui peut toujours devenir bénévole puis dirigeant. Pour nous, une association ne peut jamais être réduite au service qu'elle rend ; elle représente d'abord la liberté d'intervenir soi-même en s'organisant collectivement.
Ce texte comporte aussi des dispositions décisives, en particulier la définition juridique de la subvention : c'est le point d'appui qui nous permettra de revenir vers les collectivités pour leur soumettre le type de partenariat que nous souhaitons construire avec elles dans la durée. D'autres mesures concernent le titre associatif, le régime de faveur pour les fusions ou le volontariat. À ce dernier égard, le projet de loi ESS nous a aussi permis de commencer à travailler sur des questions qui restent devant nous – ainsi sur le fait que la prise en charge des frais de repas et de déplacement expose à une requalification de la relation de bénévolat en contrat de travail.
La définition du périmètre de l'économie sociale et solidaire figurant dans la dernière version du texte nous donne le sentiment d'avoir été mieux entendus. En effet, s'il faut prendre en compte de nouvelles formes d'entrepreneuriat social, il est très important de ne pas diluer l'identité de l'économie sociale et solidaire au point d'y intégrer des entreprises capitalistiques qui cherchent un accès à des financements publics via des opérations en fait de simple marketing. Cela ne rendrait service à personne – et surtout pas aux finances publiques.