Intervention de Olivier Andrault

Réunion du 16 juillet 2014 à 9h00
Commission des affaires économiques

Olivier Andrault, chargé de mission agriculture-alimentation à l'UFC-Que Choisir :

Depuis 2008, les prix alimentaires ont subi de violentes augmentations. Les produits alimentaires représentent 13,5 % des dépenses des ménages – 17 % pour les ménages les plus modestes –, ce qui en fait le troisième poste budgétaire après le logement et les transports. C'est d'autant moins négligeable que ce poste est incompressible.

Après une grande stabilité pendant des décennies, les prix des produits agricoles ont explosé : entre août 2007 et août 2008, l'inflation moyenne dans le secteur alimentaire a atteint 7 %, soit une augmentation quatre fois et demi supérieure à la hausse habituelle – c'est énorme.

En 2009, tout aussi brusquement, les prix des matières premières agricoles se sont effondrés. Pour autant, ceux des produits alimentaires n'ont pas suivi la même tendance et sont restés relativement stables. C'est à partir de ce moment-là que nous avons décidé de communiquer.

En 2010, une deuxième augmentation considérable des prix agricoles est intervenue – de 84 % pour le soja, 100 % pour le blé, 132 % pour le maïs –, suivie d'une deuxième hausse des prix alimentaires : 3,5 % pour le pain, les oeufs et le porc ; 5 % pour le lait ; 10 % pour la volaille, tout cela venant s'ajouter à la hausse précédente.

Depuis un peu plus d'un an, dans une période de déflation molle, les prix des matières premières alimentaires ont tendance à baisser. Cela dit, il ne faut pas trop se concentrer sur les évolutions globales, car chaque produit alimentaire a sa propre logique de prix.

Nous avons réalisé nos premières études sur la base des éléments disponibles à l'époque, puis l'Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires, avec le concours de FranceAgriMer et de l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), a apporté un peu plus d'éclairage sur l'évolution des prix par produits. On peut ainsi établir une typologie en fonction de la marge brute de la grande distribution – la marge brute étant la différence entre le prix acheté et le prix vendu.

Il y a les produits sur lesquels la marge brute de la grande distribution est relativement modérée, de l'ordre de 20 %. Dans le prix d'un yaourt, par exemple, la part de la matière première agricole pèse 20 %, la fabrication 60 %, et la distribution 20 %. Pour le lait, la marge brute est de 23 % ; pour le porc, de 20 %

Sur d'autres produits, une marge plus élevée est appliquée sans qu'on comprenne pourquoi : de l'ordre de 30 %, pour les marques nationales de camembert, jusqu'à 35 % pour les MDD (marques de distributeurs), contre 5 % pour les premiers prix. La marge brute est encore plus élevée pour le jambon et le poulet : 42 %. Pourquoi sur ces produits ? On se le demande.

Du point de vue de l'évolution, on observe que la marge brute est restée globalement stable en amont, dans les filières de transformation, parfois un peu moins dans l'industrie. En revanche, dans la grande distribution, elle a notablement augmenté.

Prenons le prix du lait demi-écrémé entre 2001 et 2014 : alors que la marge globale a augmenté de 4 % pour l'éleveur, passant de 25 à 26 centimes et qu'elle a gagné 13 % dans l'industrie, passant de 23 à 26 centimes, dans la grande distribution elle a atteint 112 %, passant de 8 à 17 centimes. Sur certaines viandes, la marge brute de la grande distribution a quasiment doublé en dix ans, passant de 1,80 euro à 2,60 euros le kilo pour le poulet et de 1,80 euro à 2,50 euros le kilo pour la côte de porc.

Selon nos estimations, sur les dix dernières années, cette augmentation de la marge brute représente pour les consommateurs un surcoût de 1,6 milliard d'euros sur le lait de consommation et de 7,7 milliards sur le poulet.

À partir de là, nous avons dégagé plusieurs pistes d'amélioration.

D'aucuns préconisent l'interdiction des comparateurs de prix, arguant que, dans ce rapport de force entre la grande distribution, l'amont agricole et les fabricants, une focalisation sur les prix aurait tendance à exacerber la pression. Pour autant, je pense intéressant d'avoir des « thermomètres ». Le tout est de bien prendre la température en échantillonnant correctement le panier de produits et en comparant des produits qui sont comparables.

Surtout, il faut donner les moyens à l'Observatoire de la formation des prix et des marges de nous apporter maintenant des informations sur les marges nettes, c'est-à-dire sur les bénéfices de la grande distribution, totalement inconnus aujourd'hui. Des chiffres globaux nous ont été fournis par rayons, mais il serait intéressant d'avoir des informations par types de produit et sur l'évolution de ces marges nettes.

Cela suppose également des moyens pour la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF). Au-delà des chiffres globaux fournis par les administrations, comme FranceAgriMer, ce sont les enquêtes conduites par la DGCCRF qui ont permis de constater que le niveau de marge varie considérablement entre les produits de marque nationale, les produits de marque de distributeurs et les produits « premiers prix ».

Il serait aussi intéressant de mieux connaître la répartition des marges à l'intérieur de filières très intégrées, comme la filière volaille.

Enfin, il faut veiller à la bonne mise en oeuvre des nouvelles obligations de la grande distribution, vérifier qu'il n'y a plus de facturation exagérée de prestations, de droits d'entrée, de pénalités de retard, de délais de paiement exagérés, de reprise obligée des invendus, de ristournes rétroactives et bien évidemment de clauses de révision à sens unique, de celles qui prévoient, par exemple, la baisse du prix en cas de coût des matières premières à la baisse, mais pas de répercussion en rayon si celui-ci est à la hausse. Les consommateurs ne demandent pas le prix le plus bas à n'importe quel coût social : ils veulent un prix qui soit le reflet transparent de l'évolution des matières premières.

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