Intervention de Jacques Creyssel

Réunion du 16 juillet 2014 à 9h00
Commission des affaires économiques

Jacques Creyssel, président de la Fédération des entreprises du commerce et de la distribution, FCD :

La FCD regroupe, entre autres enseignes, Carrefour, Casino, Auchan et Cora.

Nos amis de l'ANIA, de Coop de France et de la FNSEA ont écrit au Premier ministre une lettre polémique. Nous avons essayé d'y répondre de manière argumentée et en faisant des propositions.

La situation de type déflationniste dans laquelle nous nous trouvons est dangereuse pour tout le monde : les producteurs, les industriels, les distributeurs – on ne peut pas dire que la grande distribution elle-même se porte à merveille. Il faut donc sortir des postures habituelles.

La baisse des prix ne touche pas seulement l'alimentation, elle concerne la plupart des produits. Pourtant, selon un sondage récent, 83 % des Français pensent que les prix alimentaires augmentent, 17 % qu'ils sont stables et 0 % qu'ils diminuent. En cette matière, c'est le ressenti du consommateur qui compte. Il faut arrêter de rejeter la faute sur les autres. Dans un enchaînement déflationniste, tout le monde adopte une attitude rationnelle : le consommateur cherche le prix le plus bas, le distributeur à lui offrir le prix le plus bas, et le fabricant à conserver ses parts de marché ou à les accroître en proposant des prix plus bas également.

Cette situation déflationniste est due à trois facteurs : le recul du pouvoir d'achat, pour la première fois depuis trente ans ; la politique monétaire, dénoncée par plusieurs ministres récemment ; la baisse des prix des matières premières – de 14 % pour le riz, 22 % pour le sucre, 9,7 % pour le blé, 12 % pour le maïs, 11 % pour le soja, 13,5 % pour le colza, selon les derniers chiffres. C'est là une situation très particulière dans laquelle la baisse des prix contribue à maintenir les volumes, tout en favorisant un phénomène de valorisation, dit « mix positif », qui voit les gens acheter des produits de meilleure qualité. Contrairement à Philippe Girard, je ne considère pas la situation en Angleterre ou en Allemagne comme une référence. Si les prix ont augmenté dans ces pays, les ventes de produits alimentaires y ont baissé, au premier trimestre 2014, respectivement de 5,6 % et de 2,5 %. La situation difficile que connaît tout notre pays n'est pas du tout une guerre des prix.

Partant de ce constat, nous avons trois propositions à formuler.

Premièrement, il faut passer de l'ère de la loi à l'ère du contrat et des codes de bonne conduite. Nous avons travaillé ces derniers mois sur le projet de label « Relations fournisseur responsables ». Il est aujourd'hui bloqué, alors que nous souhaitons signer la charte le plus rapidement possible. Nos amis de l'ANIA ne veulent pas d'une distinction entre PME et grandes entreprises ; trouvons une solution, nous y sommes prêts.

Deuxièmement, nous avons proposé, comme une réaction symbolique à la situation déflationniste, d'interdire la publicité sur les comparateurs – et non les comparateurs eux-mêmes. Selon nos interlocuteurs de l'amont, la multiplication de ces publicités incite le consommateur à toujours rechercher le prix le plus bas. Nous sommes tous d'accord sur ce point – sauf un –, mais je ne désespère de le voir se rallier à l'intérêt général à l'issue de cette table ronde.

Troisièmement, il faut arrêter de penser à court terme. Des sujets majeurs sont devant nous, qui demandent une réflexion à long terme. Je pense au budget que les jeunes Français consacrent à leur alimentation, si faible qu'ils se nourrissent plus mal que les jeunes Américains ; à la volatilité des matières premières ; aux arbitrages qui, au regard des évolutions, devront nécessairement être faits entre animal et végétal ; à la sécurisation des approvisionnements, par exemple, à notre capacité future à fournir en produits animaux nos magasins en France et à l'étranger afin de promouvoir les produits français. Sur tous ces sujets, rassemblons-nous pour discuter, sortons des postures habituelles : c'est ainsi que nous pourrons avancer et construire.

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