Intervention de Jacques Creyssel

Réunion du 16 juillet 2014 à 9h00
Commission des affaires économiques

Jacques Creyssel, président de la Fédération des entreprises du commerce et de la distribution, FCD :

S'agissant de la réunion de demain, j'ai bien compris l'attente de M. Girard quant à la répression. Les contrôles existent, c'est normal. Nous considérons que l'amende administrative n'est pas un bon système mais nous sommes tout à fait prêts à des évolutions.

La seule chose qui m'intéresse, et en cela nous nous rejoignons, c'est l'avenir. Pour le construire, il faut nous mettre autour d'une table. Cela fait un an et demi que je le propose, un an et demi que cela n'avance pas. Accélérons au lieu d'écrire des lettres polémiques, auxquelles nous répondons sans esprit polémique. Je vous ferai parvenir notre réponse afin que vous constatiez par vous-même la différence de ton.

Au sujet du CICE, on a le sentiment qu'il y a plusieurs catégories d'emplois dans notre pays. La grande distribution représente 750 000 emplois, une fois et demi plus que l'industrie agroalimentaire. Très souvent, elle est le premier employeur privé dans vos territoires. Nous sommes le secteur qui recrute le plus de jeunes peu qualifiés dans ce pays. Nous en sommes un des ciments sociaux. En période de crise, jusqu'à présent, nous étions un amortisseur social formidable. Depuis deux ou trois ans, cet amortisseur n'est plus aussi efficace parce que nous subissons la crise, plus fortement même que l'industrie agroalimentaire : nos emplois ont reculé de 5 % entre 2010 et 2012, soit une perte de 30 000 emplois. Le CICE va permettre – les résultats de 2013 montrent déjà une inflexion de tendance – de redresser la barre et de redonner de l'espoir sur les territoires.

Dire que le coût d'un salarié peu qualifié peut baisser s'il travaille dans l'industrie mais qu'il ne le peut pas dans les services ou le commerce, c'est une vision de l'économie complètement datée. Tous les emplois se valent. Le sujet majeur est bien d'arriver à faire baisser le nombre de chômeurs dans ce pays.

Je signale au passage, sur un sujet qui me tient particulièrement à coeur, qu'une mesure a été votée en catimini dans le cadre du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale, annulant purement et simplement, pour les secteurs de main-d'oeuvre, l'effet du pacte de responsabilité en réintégrant les temps de pause. Dans les discussions avec les syndicats sur les contreparties, nous n'avons plus rien à proposer, car l'effet des nouvelles baisses de charges a été annulé par cette mesure. Je compte sur la représentation nationale pour rectifier le tir lors de la nouvelle lecture du projet de loi.

Monsieur Benoit, on dénombre une dizaine de centrales d'achat en France. Elles sont plus nombreuses qu'en Allemagne ou en Angleterre. La concurrence est, au contraire, une caractéristique française. Vous ne pouvez pas à la fois vous plaindre d'une concurrence excessive qui pèse sur les prix et plaider pour plus de concurrence. Le problème n'est certainement pas aujourd'hui dans le nombre de centrales.

Vous dites qu'on détruit l'économie avec des prix trop bas. Non. C'est le résultat d'une situation économique dégradée. On ne la redressera pas en stigmatisant certains acteurs.

Monsieur le président, le rachat des entreprises industrielles que vous avez évoqué n'est qu'un retour de l'histoire. Historiquement, le groupe Casino s'est construit à partir de la fabrication de certains produits par les distributeurs. Aujourd'hui, les distributeurs sont parfois en même temps des industriels, et les industriels deviennent parfois distributeurs. L'un des principaux distributeurs non alimentaires au niveau mondial s'appelle Apple. N'oublions jamais que nous sommes dans un monde où la révolution numérique impose au commerce et à l'industrie de changer du tout au tout : tous nos réflexes et toutes nos habitudes sont bouleversés. Le défi que doivent relever aujourd'hui l'industrie comme les distributeurs, c'est d'investir pour continuer à exister demain. C'est sur ce plan que le CICE doit être considéré.

Monsieur Piron, les marges brutes ne tiennent pas compte des coûts. Ce qu'il faut prendre en considération, ce sont les marges nettes, ce qui reste. Imagine-t-on d'apprécier un salaire indépendamment des dépenses qu'il couvre ? C'est absurde. Nos comptes, qui sont consolidés, font apparaître les marges. Les données fournies à l'Observatoire des prix et des marges ont été vérifiées par des cabinets d'audit. Il en ressort que les marges nettes de la grande distribution se situent autour d'1 % après impôts ; sur certains rayons, notamment la viande et la marée, elle perd de l'argent mais elle répond à la demande des clients.

Les marges sont-elles meilleures ailleurs ? Nous le saurons le jour où les industriels français accepteront de communiquer leurs marges nettes en France. Nous avons donné nos marges nettes, les producteurs agricoles aussi mais les industriels s'y refusent toujours. Ce débat est assez controversé. Pendant longtemps, la France a été considérée comme le pays dans lequel les marges étaient les plus importantes. La transparence totale sur ce sujet me paraît importante.

Mme Marcel a évoqué les marques de distributeur. Contrairement à ce qui a été indiqué, la part des MDD est plutôt plus faible que dans les autres pays, de l'ordre de 30 % en valeur et 40 % en volume. Depuis quelques années, elles sont un moyen de mettre en avant des produits spécifiques aux régions et de mettre en place des contractualisations sur des filières de qualité. C'est très positif.

Sur la notion de déséquilibre significatif, la jurisprudence se construit progressivement. Il est encore trop tôt pour en tirer des conclusions.

Un mot sur l'urbanisme commercial. Avec l'évolution du monde du commerce, nous avons besoin d'un minimum de souplesse pour être en mesure de nous adapter. Or les mesures contenues aussi bien dans la loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové que dans la loi sur l'artisanat et le commerce rigidifient le système, au point qu'on ne sait pas comment les appliquer. À terme, c'est très dangereux, car si nous ne sommes pas capables de nous adapter, tout le monde y perdra. Quand les distributeurs se portent mal, c'est mauvais pour l'ensemble de la filière.

Nous avons des accords avec les banques alimentaires, les Restos du coeur, le Secours catholique et d'autres organisations très actives dans le domaine caritatif. La grande distribution fournit 35 % des dons alimentaires en France. Dans l'ensemble des hypermarchés, tous les produits à deux jours de la date de péremption sont automatiquement donnés à ces organisations. Nous travaillons beaucoup ensemble pour résoudre les difficultés spécifiques à certains endroits : dans les plus petits magasins où la collecte est plus difficile et plus coûteuse, mais aussi en Île-de-France où nous nous heurtons à un manque d'entrepôts. Ce sujet majeur pour nos concitoyens en difficulté doit mobiliser non seulement les distributeurs, mais aussi les collectivités territoriales.

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