Intervention de Nicolas Gaume

Réunion du 18 juin 2014 à 16h00
Commission d'enquête sur l'exil des forces vives de france

Nicolas Gaume, président du Syndicat national du jeu vidéo :

Il faut également être conscient que nous sommes dans un marché d'offres, un marché où les productions, l'innovation et la recherche-développement exigent des financements assez lourds, contrairement à d'autres secteurs du digital et du numérique qui tournent autour des services. Les sites de e-commerce, par exemple, peuvent se développer et prospérer avec la consommation et les dépenses de leurs clients. De notre côté, nous devons investir de façon conséquente. Aujourd'hui, les jeux pour consoles Play Station 4 ou X Box one coûtent entre 30 et 60 millions d'euros à concevoir et réaliser, et autant à fabriquer et à « marketer ». Des entreprises comme Ubisoft ou Focus Home Interactive doivent investir, pour les très grosses productions, plusieurs millions ou plusieurs dizaines de millions d'euros. Pour les entreprises qui font des jeux pour mobiles ou des jeux en ligne, les dépenses sont sans doute plus lissées, et les montants initiaux plus bas. Néanmoins, les exigences de financement atteignent facilement plusieurs millions d'euros.

Une des raisons pour laquelle nous avons su développer une industrie en France est que nous avons eu à notre disposition, dans les années 1990, des outils de financement assez remarquables. Malgré des défauts, le nouveau marché et les outils de « capital-risque » qu'ont mis en place un certain nombre de ministres, dont M. Dominique Strauss Kahn, ont eu un effet positif sur notre secteur. Après l'explosion de la bulle internet, au début des années 2000, les capitaux ont délaissé la France. Dans notre secteur, ils sont allés en Allemagne, en Angleterre, et ils ne sont pas revenus en France. Cela a permis à certains acteurs de se développer et d'attirer des talents. Mais nous parlions du téléphone mobile au début de cette audition : si Helsinki a su développer une activité assez forte, c'est parce que, dans le sillage de Nokia, une société finlandaise, se sont créés des fonds et des financements dans le domaine du mobile.

Aujourd'hui, comme d'autres secteurs du numérique, nous connaissons un désastre en matière de financement. Mais nous, nous ne trouvons pas de capitaux. En France, les fonds de l'espace public nous sont interdits car notre secteur est considéré comme trop volatil par les dirigeants et les responsables de la Banque publique d'investissement (BPI), comme par les ministres à Bercy – M. Montebourg et d'autres. Il y a une part de vrai, dans la mesure où nous sommes liés au domaine de l'entertainement. Pour autant, nous trouvons absolument criminel que nos talents – ingénieurs, créatifs – et nos entreprises n'aient pas accès à ces financements.

Enfin, les financements internationaux ne souhaitent pas aller en France. Ils ont une image désastreuse de notre écosystème français en termes de stabilité, de productivité, de compétences – compétences collectives. Ce sont sans doute des préjugés. Mais préjugés ou pas, quand un fonds américain, anglais ou asiatique, veut investir en Europe, il va plus volontiers en Allemagne ou en Finlande qu'en France. Nous rencontrons donc un vrai problème de financement.

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