Intervention de Nicolas Gaume

Réunion du 18 juin 2014 à 16h00
Commission d'enquête sur l'exil des forces vives de france

Nicolas Gaume, président du Syndicat national du jeu vidéo :

Effectivement, monsieur le député, nous n'avons pas parlé des entreprises françaises qui s'implantaient à l'international. Mais elles existent. Ainsi, Ubisoft, qui est une de nos plus belles entreprises françaises, a créé à Montréal une filiale et a été un des acteurs majeurs de la croissance du nombre de salariés au Québec. De très nombreux Français sont partis travailler chez Ubisoft. Aujourd'hui, il y a à peu près 1 200 salariés en production chez Ubisoft en France, et un peu plus de 3 500 au Québec. De la même façon, Gameloft a des studios de développement dans plusieurs pays. Même de toutes petites PME s'implantent à l'étranger. Cyanide, qui est une très belle entreprise de la région parisienne, a une antenne au Canada. La démarche est logique pour ces entreprises : elles vont au plus proche des marchés tout en tirant parti des écosystèmes existants.

Maintenant, est-ce que les dirigeants d'Ubisoft aimeraient avoir davantage de salariés en France qu'au Canada ? Je peux vous affirmer avec force que oui. Et je vous encourage vivement à recevoir M. Yves Guillemeau, le PDG d'Ubisoft, qui pourra vous en parler. Je tiens d'ailleurs à lui rendre hommage, pour avoir conservé un nombre significatif de salariés en France ; il l'a fait parce qu'il y a chez nous des talents exceptionnels, mais aussi parce qu'il l'a voulu. Et c'est précisément notre rôle d'association professionnelle de souligner que la situation est déséquilibrée et de déplorer que les entreprises n'aient pas davantage envie de se développer en France.

Inutile de répéter ici à quel point nous sommes attachés à notre pays. La France dispense une formation de qualité, très généraliste. L'industrie du jeu vidéo est une industrie de prototypes : à chaque projet que nous lançons, nous devons inventer une chaîne de fabrication, des dispositifs très innovants qui mêlent l'innovation électronique, la créativité et l'ingénierie logicielle dans ce qu'elle a de plus technologique. Or nous avons des ingénieurs qui ont un minimum de culture créative, artistique et générale. À l'inverse, nous avons des créatifs qui ont été confrontés aux problématiques technologiques et scientifiques. C'est une de nos forces. Les pays anglo-saxons, les États-Unis, les pays asiatiques ont des filières beaucoup plus verticalisées. Cette force, il faut la préserver. Évidemment, nous avons aussi des défauts : une tendance à être un peu trop dans la théorie, pas assez dans le pragmatisme et dans les projets ; mais les choses sont en train de changer.

Quoi qu'il en soit, les filières de formation sont très nombreuses. Il serait intéressant que vous puissiez prendre contact avec un certain nombre de dirigeants d'écoles. Je pense notamment à M. Stéphane Natkin, directeur de l'École nationale du jeu et des médias interactifs numériques, établissement public situé à Angoulême, qui dépend du Conservatoire des arts et métiers – CNAM – et de l'Université de Poitiers. M. Natkin pourra vous dire où vont ses étudiants. Mais il y a d'autres écoles consulaires ou privées, également de grande valeur.

Ensuite, nos infrastructures, qu'il s'agisse de la connexion et du haut débit, ou des transports (TGV, avions), sont plutôt de qualité. Il est clair que des géants comme Nexon, NCsoft et tant d'autres, ont pu prospérer en Corée, à Singapour, à Shanghai ou ailleurs, parce qu'ils ont trouvé sur place une infrastructure haut débit, en mobile, autant qu'en internet filaire et câblé. Mais nous ne sommes pas un pays en retard de ce point de vue. Bien sûr, on pourrait espérer avoir mieux.

Enfin, la langue anglaise est une base fondamentale. On pourrait regretter qu'il n'y ait pas de formations en langues asiatiques, notamment en chinois, au niveau secondaire. En effet, aujourd'hui, nos pays de croissance sont la Corée, la Chine, un peu moins le Japon, et l'Asie du Sud-Est. La maîtrise de ces langues permet de comprendre la culture de ces pays et de lier des relations d'affaires. Un certain nombre de nos entreprises se sont installées en Asie. Ubisoft, par exemple, est présente en Chine. Mais, précisément, faute de maîtrise de la langue, les entrepreneurs français qui se sont expatriés ont parfois du mal à embaucher des talents français, ou à guider des entreprises françaises à se développer là-bas.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion