J'insiste encore : la nature internationale et immédiate de notre activité et le fait que nous ayons un tissu de PME nous rendent particulièrement sensibles à ces aspects.
Monsieur le député, nous sommes profondément attachés à l'ouverture au monde de notre pays. Nous ne sommes pas dans une logique défensive. Nous sommes extrêmement conquérants, et nous pensons aussi que, dans l'absolu, les jeunes qui reviennent nous apportent énormément.
Maintenant la réalité est que nous sommes passés de 25 000 à moins de 12 000 salariés, pendant que notre marché croissait de 280 %. C'est insensé et extrêmement frustrant.
Nous avons nous aussi réfléchi à des propositions concrètes pour amener les Français expatriés à revenir mais, comme Julien Villedieu l'a dit, s'il n'y a pas de projets en France, ils ne reviendront pas. Notre souhait le plus cher est donc que les entreprises aient la capacité de monter des projets, de faire venir des talents, de les faire prospérer en France, de les envoyer dans des filiales à l'étranger ou dans d'autres entreprises, et qu'ils reviennent.
Nous aimerions également attirer des entreprises étrangères en France. Là encore, pour y parvenir, il y a beaucoup à faire. Pour l'illustrer, j'évoquerai devant vous la question des visas. J'avais fait venir dans une de mes entreprises un directeur général canadien, marié à une Japonaise. Ils durent se lever à quatre heures du matin pour aller solliciter un visa de travail à la préfecture de Paris, où ils furent traités comme du bétail. Pour quelqu'un qui est payé 120 000 euros par an, et dont la femme est très soucieuse du rapport aux autres et de la forme, il y avait de quoi être dégoûté et il est reparti à Vancouver. J'avais fait venir également un ingénieur finlandais d'origine roumaine, à un moment où les Roumains n'étaient pas bien considérés dans les médias. Il n'a pas fait venir sa famille en France et après des difficultés pour obtenir une carte de sécurité sociale, il a démissionné et est reparti à Helsinki. Nous sommes très désireux de faire en sorte que tout se passe bien. Mais c'est la réalité de notre pays.
Enfin, vous avez parlé des normes. Nous sommes dans un écosystème et nos entreprises sont en compétition. Malgré tout, nous nous donnons des coups de main, nous menons des opérations de recherche communes, nous développons ensemble des actions commerciales dans des pays étrangers, les grandes entreprises aident les petites, etc. La taille modeste de notre secteur le permet. Reste que c'est assez exemplaire. Dans les pôles de compétitivité, dans les institutions qui accompagnent l'exportation, des personnes de grand talent nous aident, même s'il est vrai que tout cela manque de fluidité, que tout est parfois plus compliqué qu'il ne devrait l'être. Mais plutôt que les normes en tant que telles, en tout cas dans notre secteur, c'est notre capacité à attirer les grands donneurs d'ordre sur laquelle il faudrait travailler.
Nous sommes prompts à critiquer Microsoft, Google, Facebook, Apple, etc. C'est sans doute parfois légitime – notamment quand il s'agit de la fiscalité. Mais je constate que ces groupes permettent à nos entreprises de prospérer. Nous avons tout intérêt à les aider à collaborer avec notre écosystème, nos entreprises, nos PME, plutôt que de les pointer du doigt à la moindre occasion. Car les effets sont absolument déplorables. Cela ne change pas grand-chose pour Apple, par exemple, qui mettra sans doute davantage l'accent sur Londres et Berlin que sur Paris. Mais pour nos PME qui ne travaillent qu'avec ces entreprises, c'est une calamité ! Ayons conscience que grâce à Google, Apple, Facebook ou Microsoft, nous avons aussi de belles entreprises en France.