Intervention de Najat Vallaud-Belkacem

Réunion du 15 juillet 2014 à 16h00
Commission des affaires économiques

Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, de la ville, de la jeunesse et des sports, sur la politique de la ville :

J'ai en effet hérité du travail considérable réalisé par François Lamy pour faire aboutir une réforme attendue depuis des décennies et souvent reportée. Grâce aux critères objectifs et transparents que vous avez retenus, nous pouvons aujourd'hui mieux concentrer nos moyens sur les territoires qui en ont le plus besoin.

Votre commission a beaucoup apporté à ce projet de loi, dont je salue tout particulièrement le rapporteur, François Pupponi. Adoptée à une large majorité, cette réforme n'est pas un énième « plan Marshall » pour les banlieues – formule dont on connaît l'inefficacité. En revanche, elle rendra notre politique de la ville beaucoup plus efficace. Elle entrait dans sa phase opérationnelle lorsque j'ai pris mes nouvelles fonctions. Les 1 300 quartiers prioritaires de métropole sont désormais identifiés, et la liste de ceux des départements et collectivités d'outre-mer sera publiée en septembre. Vous connaissez parfaitement la méthode de carroyage selon le niveau de revenu des habitants qui s'est appliquée.

À partir de cette carte, les élus locaux et les préfets ont engagé un travail de délimitation précise de ces nouveaux territoires, en tenant compte de la réalité fine du terrain. Nous espérons que cette phase s'achèvera en septembre.

Les quartiers qui ne répondent pas aux critères de concentration urbaine de pauvreté et sortent de la politique de la ville bénéficieront, comme vous l'avez prévu dans la loi, d'une veille active. Ils pourront ainsi profiter de l'ingénierie de la politique de la ville pour construire un contrat de ville. Nous nous attacherons tout particulièrement à mobiliser le droit commun en faveur de ces quartiers.

Concentrer les moyens ne signifie pas, en l'occurrence, faire des économies. À cet égard, je suis heureuse de confirmer que les 330 millions d'euros de crédits d'intervention de la politique de la ville seront préservés dans le prochain budget triennal. Ces crédits, je le rappelle, sont consacrés au monde associatif, au lien social, aux programmes de réussite éducative, aux adultes relais, etc. Nous pourrons donc redistribuer davantage aux territoires qui en ont le plus besoin.

Ces financements seront différenciés selon le potentiel financier des collectivités locales concernées. Cette nouvelle cartographie nous a en effet permis d'identifier des poches de pauvreté dans des territoires qui, par ailleurs, se portent bien et devront, de ce fait, apporter un accompagnement plus important.

Mais la politique de la ville consiste aussi à mobiliser le droit commun. Nous enregistrons de ce point de vue des progrès intéressants : les zones urbaines sensibles bénéficient aujourd'hui de 20 % des emplois d'avenir et de 40 % des créations de postes dans l'éducation nationale. Petit à petit, le droit commun se renforce dans les quartiers prioritaires et nous nous emploierons à amplifier ce mouvement. Le périmètre inédit de mon ministère constituera à cet égard un atout : qu'il s'agisse des équipements sportifs, de la vie associative, etc., les élus auront désormais un seul interlocuteur.

Parallèlement à la délimitation des quartiers prioritaires, nous préparons le nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU). Dès le mois de septembre, le conseil d'administration de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) proposera aux territoires présentant les dysfonctionnements urbains les plus importants 200 opérations d'intérêt national. J'ai néanmoins voulu laisser une marge de manoeuvre aux élus locaux qui souhaiteraient mener des opérations d'intérêt local ou régional dans d'autres quartiers. Un milliard d'euros, soit 20 % de l'enveloppe de 5 milliards, seront réservés à ces projets qui seront inscrits dans les contrats de projets État-région. Ces choix s'effectueront entre septembre et décembre prochain.

S'agissant des 1 300 quartiers, la discussion des contrats de ville va s'engager. Nous souhaiterions qu'ils soient signés dès la fin de 2014 ou, au plus tard, dans les trois premiers mois de l'année 2015. Les partenaires du contrat – l'État, chacune des collectivités territoriales, différents services publics comme les bailleurs sociaux, Pôle emploi, la caisse d'allocations familiales, etc. – doivent se mettre d'accord sur le projet de territoire et les objectifs stratégiques avant la fin de l'année, quitte à se donner deux ou trois mois de plus pour signer définitivement les contrats et leurs conventions d'application. Les attentes des habitants sont fortes, nous devons aller vite.

Pour améliorer la participation des habitants, la réforme introduit également les conseils citoyens. Nous avons travaillé ces dernières semaines, en lien étroit avec l'Association des maires de France, l'association Ville & banlieue et la coordination citoyenne des associations de quartier, à la construction d'un cadre de référence à destination des collectivités locales. Ce document que nous diffusons actuellement laisse beaucoup de latitude. Il n'introduit aucune obligation nouvelle par rapport à ce que vous avez inscrit dans la loi. Il s'agit surtout de proposer des outils méthodologiques aux communes pour constituer ces conseils et former les habitants qui en feront partie.

Nous souhaitons aussi que la réforme soit l'occasion de préciser le rôle des bailleurs sociaux. Nous avons décidé de reconduire l'abattement de taxe foncière dont bénéficient les organismes HLM dans les quartiers prioritaires, mais en fixant une contrepartie, acceptée du reste par l'Union sociale pour l'habitat : la signature, au mois de septembre, d'une charte par laquelle les bailleurs sociaux prennent de vrais engagements quant à la qualité du service rendu aux usagers. Il existe en effet de réelles difficultés en termes de gestion urbaine de proximité.

Les nouveaux contrats de ville donneront une place privilégiée à l'activité économique et à l'emploi. Nous réservons une enveloppe de 600 millions d'euros pour soutenir l'investissement dans les quartiers. Ces crédits permettront de lever des investissements privés, de co-investir dans des projets structurants, des pépinières d'entreprises, des maisons de santé. Ils se répartissent en 400 millions venant de la Caisse des dépôts et consignations et 200 millions au titre du programme d'investissements d'avenir.

Pour ce qui est de l'avenir des zones franches urbaines (ZFU), j'ai pris connaissance avec beaucoup d'attention du rapport du député Henri Jibrayel. Depuis, un rapport du Conseil économique, social et environnemental (CESE) est venu le compléter.

Les ZFU représentent un coût important dans le budget du ministère : 360 millions d'euros, montant à comparer aux 330 millions de crédits d'intervention de l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances. Il est indispensable de s'assurer que cette dépense publique est utile et produit les résultats souhaités.

Or tous les rapports montrent que les effets réels des ZFU sur l'emploi sont difficiles à apprécier et variables d'un territoire à l'autre, mais que, pour autant, les ZFU sont un atout là où les acteurs locaux ont su bien les gérer.

De mon point de vue, compte tenu du contexte économique et social que l'on connaît et de la faiblesse de l'activité dans les quartiers, il serait très compliqué de mettre un terme brutal à ce dispositif à la fin de l'année, comme l'avait prévu la majorité précédente. Mais on ne peut simplement proroger un système qui n'est pas entièrement satisfaisant : il faut le remettre à plat et rechercher un meilleur rapport coût-efficacité. Je propose à votre commission que nous y travaillions ensemble.

S'agissant des exonérations sociales, il est proposé d'y mettre fin comme cela était prévu, dans la mesure où elles sont rendues sans objet par les exonérations de droit commun que le Gouvernement a introduites par le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) et le pacte de responsabilité. Les mesures font doublon à 90 %.

S'agissant des dépenses fiscales, en revanche, deux options se présentent. La première serait de les proroger au-delà de 2014, mais en les optimisant – le CESE suggère ainsi de réduire la durée des exonérations et d'abaisser le plafond des bénéfices exonérés – et en les resserrant sur les quartiers prioritaires. La seconde serait d'y mettre fin, mais en conservant les moyens pour mettre en place un dispositif plus efficace de soutien aux commerces de proximité dans les quartiers prioritaires. Il s'agirait d'offrir un abattement de taxe foncière, à l'instar de celui dont bénéficient les bailleurs sociaux, à des boulangeries, épiceries, bars-tabacs, pharmacies, etc.

Mon opinion n'est pas faite entre ces deux pistes. Si vous le voulez bien, monsieur le président, nous pourrions constituer un groupe de travail réunissant des membres de votre commission, les services de mon ministère et ceux du budget, afin de co-construire un dispositif.

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