Intervention de Najat Vallaud-Belkacem

Réunion du 15 juillet 2014 à 16h00
Commission des affaires économiques

Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, de la ville, de la jeunesse et des sports, sur la politique de la ville :

Monsieur Jibrayel, je ne demande qu'à travailler avec vous sur les problèmes que vous soulevez. L'arrêt du dispositif des emplois francs appelle bien sûr un accompagnement. Les clubs ambition constituent le meilleur dispositif pour ramener vers l'emploi des jeunes qu'en éloigne un manque d'opportunités ou un blocage, une autocensure. Un coaching intensif de trois mois les aidera à lutter contre ces mécanismes psychologiques. Nous développerons 500 à 700 clubs dans les quartiers prioritaires.

Madame Troallic, je ne minimise pas le problème des communes qui sortiront en même temps du programme de réussite éducative et de la politique de la ville. Les élus locaux devront nous signaler les territoires qui méritent de bénéficier d'une veille active. Nous pérenniserons les dispositifs qui ont fait leur preuve – notamment la réussite éducative et les adultes-relais – en les finançant sur une autre enveloppe. Je les soutiendrai en tant que ministre chargée de la vie associative. Le travail se fera en lien avec les préfets, qui se tiennent à votre disposition pour vous recevoir et répondre à vos questions. Le contour exact des quartiers et la définition des territoires nécessitent toute notre vigilance.

Si la commune de Lavelanet, citée par Mme Massat, n'entre pas dans la politique de la ville, elle peut sans doute bénéficier des mesures en faveur des bourgs-centres, qui dépendent du ministère du logement et de l'égalité des territoires. Pour la mise en oeuvre de la réforme, j'ai laissé une importante marge de manoeuvre aux préfets et aux élus locaux. N'hésitez pas à en profiter.

Le montant des interventions de l'État ne peut être identique dans tous les territoires. Il sera d'autant plus élevé que le potentiel fiscal de l'agglomération est faible. C'est un des éléments que définira le contrat de ville. Sur ce point, nous lancerons rapidement la négociation.

Il est fréquent, monsieur Goldberg, qu'on constate une différence entre les mots et la réalité. Les sommes effectivement décaissées au titre du PNRU, qui a été prorogé jusqu'à fin 2015, sont inférieures de 6 milliards d'euros aux prévisions. Cela signifie que le gouvernement ajoutera cette somme aux 5 milliards qu'il apportera jusqu'à 2020 pour financer le nouveau PNRU.

Je vous remercie d'avoir introduit dans la loi sur la ville un amendement destiné à combattre les discriminations géographiques. Au cours de la grande conférence sociale des 7 et 8 juillet derniers, nous avons décidé, avec les partenaires sociaux, de nous attaquer enfin au problème, en traitant en priorité les modes de recrutement – qui pourront s'effectuer par simulation et sans curriculum vitae – et en définissant une action collective contre les discriminations au travail.

Un groupe de travail, en cours de formation, sera opérationnel en septembre. Si vous voulez y participer, vous êtes le bienvenu, mais, sans attendre ses conclusions, nous financerons des actions de testing, aux différentes étapes du parcours des jeunes, car la discrimination intervient aussi lors de l'apprentissage ou de la recherche d'un stage. En cas de dysfonctionnement, le testing pédagogique débouchera sur des actions de formation et de sensibilisation des recruteurs ou des intéressés.

Peut-être ai-je été un peu lapidaire en vous répondant, madame Allain. Je n'ai pas voulu dire qu'il ne fallait proposer aux femmes des quartiers que des emplois dans le secteur associatif ou les écoles. Récemment, le Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes m'a remis un rapport sur la situation des femmes dans les quartiers. Le taux d'emploi de celles-ci est très faible. Elles ne bénéficient de la clause d'insertion dans les marchés publics que dans 6 % des cas, ce qui est dérisoire, même si ces marchés concernent surtout le secteur du bâtiment. Il faut que les dispositifs en faveur de l'emploi profitent autant aux femmes qu'aux hommes. Cette dimension doit être prise en compte dans le soutien à l'entrepreneuriat.

Si les femmes sont sous-représentées dans l'entreprise, elles sont nombreuses à jouer le rôle d'adultes-relais, emplois de médiation que la politique de la ville soutient depuis des années. Avec le ministre du travail et la ministre des affaires sociales, nous réfléchissons au moyen de professionnaliser les métiers de médiation. De ce fait, ceux qui les occupent bénéficieraient d'une formation régulière et d'un avancement, et ils sortiraient du système des contrats aidés.

La politique de la ville, menée depuis trente ans, et la rénovation urbaine, commencée il y a dix ans, ont échoué à produire de la mixité sociale, seule manière de sortir les quartiers de leurs difficultés. Pour favoriser le mélange des populations, on pense désormais la rénovation en termes de performance supérieure. S'ils veulent attirer une population aisée qui ne viendrait pas s'y installer spontanément, les quartiers rénovés doivent offrir de meilleures prestations que les autres. C'est pourquoi nous avons travaillé avec l'ANRU sur la clause du quartier le plus favorisé. Les 200 quartiers qui bénéficieront de la rénovation urbaine, ou tous ceux qui feront l'objet d'une opération d'intérêt local ou régional disposeront d'une valeur ajoutée liée à la performance énergétique des bâtiments, à la connectivité ou à l'environnement. Ces critères permettront de mélanger des populations de différents niveaux sociaux.

Vous connaissez mon avis sur Luzenac, mais l'État – fort heureusement – n'a pas son mot à dire sur le sujet.

Monsieur Potier, je suis favorable aux campus de l'éducation, dont nous reparlerons ensemble. C'est un dispositif que nous pourrions soutenir davantage. De même, nous aimerions faire monter en puissance les écoles de la seconde chance.

Vous m'avez interrogée sur la collaboration du rural et de l'urbain. La réforme de la politique de la ville, celle de l'éducation prioritaire et les mesures relatives aux contrats de bourgs centres arrivant en même temps, il est facile de les synchroniser. Le dispositif mis en place par Sylvia Pinel s'inspire de la politique de la ville, puisqu'il vise à identifier une ingénierie et à nouer des partenariats.

Je vous répondrai par écrit sur la possibilité de préempter les biens en société.

Monsieur Laurent, un décret, en cours de rédaction, installera à l'automne la nouvelle version du Conseil national des villes. Celui-ci exercera des missions plus importantes, à commencer par l'évaluation des politiques. Je réponds ainsi à la question de M. Hammadi sur l'appréciation de la réforme en cours. Le CNV animera également les démarches participatives. Sa composition sera modifiée. Un collège réunissant des représentants des habitants et des associations de proximité siégera désormais à côté des élus.

Le Président de la République vient d'annoncer qu'un effort budgétaire permettrait que, en 2017, 100 000 jeunes bénéficient du service civique, qui constitue un excellent dispositif. Selon le bilan d'étape que m'a remis François Chérèque la semaine dernière, seuls 15 % des jeunes issus des quartiers prioritaires demandent à l'effectuer. Nous visons le taux de 25 %. Cela dit, il est important que le service civique offre, comme autrefois le service militaire, une occasion de se mélanger. Nous travaillons sur son financement. La somme qu'y consacre mon ministère augmentera de 100 millions. Pour compléter l'enveloppe, nous envisageons de signer des partenariats privés et de solliciter d'autres ministères, également concernés par ces missions.

Monsieur Hammadi, le critère du revenu, qui vous semble contraint, ne constitue qu'un point de départ. Nous travaillons avec les acteurs locaux pour définir des périmètres et comprendre une réalité que le carroyage ne permet pas toujours d'identifier. Je l'ai dit : nous disposons d'une marge de manoeuvre importante, pourvu que la population des communes ne dépasse pas de 10 % le seuil que nous avons fixé.

La réalité, vous l'avez dit, se joue sur un territoire plus vaste que la ville. La réforme vise à faire des intercommunalités des acteurs de notre politique. En tant que Lyonnaise, j'ai constaté que les intercommunalités peuvent beaucoup quand elles se mobilisent. La politique de la ville appartient désormais à leurs compétences. En outre, elles possèdent une échelle qui permettra de favoriser la mixité sociale et d'assurer la fluidité des fonctions et des populations. La commune continuera à jouer son rôle, mais elle ne se retrouvera plus seule face au problème de la précarité.

Comme vous, monsieur Hammadi, je considère que, pour favoriser l'entrepreneuriat, il ne suffit pas d'accorder des aides à la création d'entreprise. Il faut offrir, dans un même bloc, de la formation à la création d'entreprise, du coaching, de l'accompagnement financier, du suivi à moyen et long terme. C'est pourquoi, avec la BPI, des écoles de commerce et des acteurs de l'accompagnement, nous construisons un nouveau modèle d'école de l'entrepreneuriat, que nous implanterons dans les quartiers prioritaires.

Pour éviter le décrochage scolaire, vous proposez, monsieur Kemel, d'interdire l'exclusion. Je vais à nouveau faire état de mon expérience d'élue locale. Certains centres sociaux – d'autres acteurs pourraient porter le même projet – veillent à ne jamais laisser un collégien exclu dans la rue, et le font accueillir par une autre structure. C'est le type même de projet que doivent soutenir la vie associative et l'éducation populaire. À Lyon, j'ai constaté le succès de solutions proposant, en cas d'échec scolaire, un projet alternatif à l'école. Sur ces sujets, nous devons travailler avec l'éducation nationale.

Je terminerai par votre question, monsieur le président. Pour éviter que la réforme territoriale, dont on ne connaît pas précisément les contours, ne freine la politique de la ville, j'ai reçu le président de l'Assemblée des départements de France (ADF) et celui de l'Association des régions de France (ARF). Nous avançons sur la base des compétences actuelles des collectivités, quitte à amender les contrats par la suite, car nous ne pouvons pas nous permettre de perdre du temps.

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