Intervention de Régis Juanico

Réunion du 18 octobre 2012 à 11h00
Comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRégis Juanico, rapporteur :

Je vais maintenant traiter des politiques de conciliation entre le travail et les responsabilités familiales.

Nous avions fait six préconisations pour un meilleur équilibre des temps, avec une double orientation stratégique : réduire les freins à l'emploi, en particulier lorsque se pose la question de reprendre une activité après la naissance d'un enfant ou à l'issue d'un congé parental ; promouvoir l'égalité entre les hommes et les femmes. Nous avions d'autre part suggéré trois axes de réforme : le congé parental, l'accueil de la petite enfance et la prise en compte de la parentalité en milieu de travail. Le bilan que nous dressons à ce stade du suivi des préconisations est globalement positif.

S'agissant du congé parental, nous avions proposé que l'allocation de congé parental soit versée sur une durée plus courte mais qu'elle soit mieux rémunérée et, pour favoriser l'implication des pères, qu'une période réservée à l'un des parents soit instituée – c'est ce que nous avons appelé les « mois d'égalité ».

Si la réforme préconisée n'a pas encore été mise en oeuvre, du moins la question a-t-elle été clairement posée dans le débat public. À la suite de la grande conférence sociale de juillet dernier, une négociation tripartite sur l'égalité professionnelle et la qualité de vie au travail a été lancée. L'objectif est d'aboutir à un accord avant la fin du premier trimestre 2013, et le Gouvernement a prévu un point d'étape à la fin 2012. À l'issue de la première réunion du comité de pilotage national sur l'égalité, la ministre a annoncé que la question de la durée du congé parental serait posée, ainsi que celle de sa rémunération et de son partage entre l'homme et la femme.

Nous avions préconisé la mise en place d'un accompagnement renforcé vers l'emploi et la formation pour les bénéficiaires du complément de libre choix d'activité (CLCA), ainsi que le renforcement de la coopération entre les caisses d'allocations familiales et Pôle emploi. Aujourd'hui, 98 % des bénéficiaires du CLCA à taux plein sont des femmes : il convient de favoriser leur retour sur le marché du travail.

Dans le droit fil de cette recommandation, la feuille de route sociale de juillet 2012 a prévu le lancement d'expérimentations en matière d'égalité professionnelle, notamment sur « l'accompagnement renforcé et l'organisation de formations adaptées pour les personnes en congé parental ». Ces expérimentations seront menées dans huit régions ; les actions de soutien aux personnes en congé parental comprendront un accompagnement personnalisé, un accès facilité aux formations, ainsi que des actions sur les freins externes au retour à l'emploi : gardes d'enfant, transports. Un fonds d'expérimentation pour l'égalité réelle sera créé et doté de 18 millions d'euros en 2013, avec des aides du Fonds social européen. Enfin, un accord-cadre entre la ministre des droits des femmes et Pôle emploi est en préparation.

J'en viens à l'accueil de la petite enfance et en particulier au bilan d'étape du plan de développement de l'offre de garde, qui prévoyait notamment la création de 200 000 solutions d'accueil supplémentaires pour les enfants de moins de trois ans avant la fin 2012. Sur les trois premières années de mise en oeuvre du plan, on observe tout d'abord une progression de 27 700 du nombre de places en accueil collectif – solde des 40 426 créations et 12 736 destructions –, tandis que le nombre d'« équivalents-places », liés à l'optimisation de l'utilisation des places existantes, a crû de 29 500. Ensuite, on enregistre une progression de 65 700 du nombre d'enfants de moins de trois ans accueillis par des assistants maternels employés par des particuliers.

Des efforts significatifs de mobilisation du réseau de la branche Famille et de ses partenaires ont donc été réalisés. Mais il faut tenir compte d'une part des destructions de places en accueil collectif – de l'ordre de 13 000 sur la période –, et d'autre part du fait que le nombre d'enfants de moins de trois ans accueillis à l'école a baissé d'environ 55 000 dans le même temps.

Nous avions préconisé de mettre un terme à ce mouvement continu de diminution du taux de scolarisation des enfants de moins de trois ans, et le Gouvernement a pris des engagements en ce sens. Ainsi, des moyens nouveaux importants seront consacrés à l'école maternelle et à l'école primaire. La loi de finances rectificative pour 2012 a entraîné le recrutement de 1 000 professeurs des écoles dès la rentrée 2012, tandis que le budget de l'enseignement scolaire pour 2013 prévoit une création nette de 8 000 emplois – dont 7 000 enseignants – ainsi que le remplacement de 22 000 départs en retraite. Cet effort devrait permettre d'accroître à nouveau le taux de scolarisation des enfants de moins de trois ans – tombé de 30 % il y a dix ans à 12 % aujourd'hui –, notamment dans les zones et territoires connaissant des situations de difficulté scolaire particulières, qu'il s'agisse de quartiers urbains ou de territoires ruraux. Un bilan précis concernant la scolarisation de ces enfants sera effectué d'ici la fin de l'année.

Dans ce domaine, les orientations du Gouvernement s'appuieront notamment sur les résultats des travaux réalisés dans le cadre de la consultation sur la refondation de l'école et de la mission confiée au Haut conseil de la famille.

Améliorer l'accueil de la petite enfance implique également de procéder à l'analyse des besoins, de l'offre et des disparités territoriales. Nous avions donc demandé que des travaux soient menés pour renforcer le pilotage des politiques publiques en la matière. Il fallait notamment améliorer les connaissances sur la petite enfance et évaluer finement les besoins ainsi que les disparités territoriales concernant la qualité et l'offre des modes de garde.

Des travaux ont été lancés cette année dans le prolongement de cette recommandation. Fin juin, le Haut conseil de la famille a été saisi par la ministre déléguée chargée de la famille de la question de la diversité de l'offre et des disparités d'accès territoriales en matière de modes d'accueil des jeunes enfants, mais aussi d'accueil de loisir des enfants et des adolescents. De leur côté, la Caisse nationale des allocations familiales – CNAF – et la Direction des recherches, des études, de l'évaluation et des statistiques – DREES – ont engagé des études sur les modalités de recours aux établissements d'accueil des jeunes enfants, leurs disparités, les profils des familles demandeuses, les taux d'occupation, ainsi que sur l'évolution de l'offre d'accueil et sa répartition.

Pour le ministère, la priorité consiste aujourd'hui à affiner la connaissance des besoins au niveau local. Des premiers travaux concernant la couverture territoriale ont été menés par la CNAF, en collaboration avec l'INSEE. Nous devrions bientôt disposer d'un indicateur pour mesurer la répartition communale de l'offre d'accueil chez les assistantes maternelles et en établissement d'accueil des jeunes enfants au regard de la demande potentielle.

En ce qui concerne l'amélioration de l'accueil de la petite enfance, les efforts devront être poursuivis dans la durée, dans le cadre de la prochaine convention d'objectifs et de gestion entre l'État et la CNAF pour 2013-2016. Il faudra une politique reposant aussi sur une amélioration de la gouvernance, tant à l'échelon national que local, en particulier par une meilleure intégration de la question de la préscolarisation.

Parmi les grands objectifs qui se sont dégagés lors de la conférence sociale de juillet 2012 était notamment soulignée la nécessité de mieux prendre en compte la parentalité dans l'entreprise. Cela rejoint précisément notre analyse : nous avions formulé deux séries de propositions visant à renforcer la négociation collective et à soutenir les bonnes pratiques.

Sur le premier point, il n'y a pas eu de modification législative du code du travail pour inscrire la question de l'articulation entre le travail et les responsabilités familiales dans le champ de la négociation triennale de branche sur l'égalité. En revanche, la négociation qui s'est engagée entre partenaires sociaux sur l'égalité et la qualité de vie au travail doit conduire à la constitution d'un groupe de travail sur la question des négociations collectives obligatoires.

Sur le deuxième point, plusieurs mesures positives concernent le soutien aux bonnes pratiques en matière d'égalité professionnelle et d'articulation des temps de vie. Ainsi, à l'issue de la conférence sociale, les partenaires sociaux et l'État ont convenu d'engager des actions de sensibilisation auprès des entreprises concernées pour conforter la promotion des femmes dans l'encadrement supérieur et dans les comités de direction. Concrètement, une action sera engagée avec un groupe d'une quinzaine de grandes entreprises.

La négociation sur l'égalité et la qualité de vie au travail lancée en septembre dernier traitera notamment de l'articulation des temps professionnels et personnels et de la prise en compte de la parentalité dans l'entreprise. L'articulation des temps fera l'objet d'une attention particulière, via la mise en place d'un site internet et l'accompagnement des entreprises qui participeront aux programmes territoriaux d'excellence en matière d'égalité professionnelle.

Toutefois, aucune évaluation approfondie du crédit d'impôt famille – CIF – n'est actuellement programmée. Rappelons que ce crédit d'impôt, accordé aux entreprises qui réalisent certaines dépenses permettant à leurs salariés de mieux concilier leur vie professionnelle et leur vie familiale, représenterait environ 50 millions d'euros cette année.

La question d'une évolution des missions de l'Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail – ANACT – demeure posée. Elle pourrait par exemple se voir confier une mission de diffusion des bonnes pratiques et d'accompagnement des entreprises dans le domaine de l'articulation entre travail et responsabilités familiales.

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