La dernière partie du rapport concerne les familles monoparentales, qui représentent un véritable défi pour les politiques publiques, dans la mesure où elles sont particulièrement exposées au risque de pauvreté. Le taux de pauvreté est de 32,2 % chez ces familles, contre 14,1 % pour l'ensemble de la population. Il est particulièrement élevé quand le parent unique ne travaille pas, alors qu'il est dans la moyenne quand il travaille. Soutenir leur accès à l'emploi est donc un levier stratégique de lutte contre la pauvreté.
Certains pays d'Europe, dont la Suède, ne développent aucune action spécifique à destination des familles monoparentales, mais toute leur politique est fondée sur l'égalité des genres, et leur stratégie, très différente de la nôtre, n'est pas transposable à l'intérieur de nos frontières. En France, nous devons développer les politiques visant à soutenir l'emploi des parents isolés – des femmes en général –, et parallèlement, apporter un accompagnement adapté – social et professionnel – aux parents isolés en situation de vulnérabilité.
Trois axes de réformes peuvent être suggérés : favoriser l'accès au revenu de solidarité active – RSA –, en luttant notamment contre le non-recours ; renforcer l'évaluation des pratiques et améliorer l'information des familles ; soutenir l'accès à l'emploi en développant notamment les coopérations entre collectivités locales, organismes sociaux et acteurs de l'emploi.
Le RSA est une prestation conçue pour lutter contre la pauvreté, mais aussi pour inciter au retour à l'emploi. Or une partie des bénéficiaires potentiels ne le perçoivent pas, parce qu'ils n'en ont pas fait la demande. Nous avions donc suggéré – c'était notre recommandation n° 18 – d'étudier plus finement le phénomène. Depuis, des travaux d'évaluation effectués par la DARES – Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques – et par le Comité national d'évaluation du RSA nous ont permis d'en savoir un peu plus. Ainsi, près de la moitié des bénéficiaires potentiels du RSA n'en feraient pas la demande, cette proportion passant à 68 % pour le RSA activité seul. Les bénéficiaires de toutes les formes de RSA étaient 1 834 000 fin 2010, mais le nombre de non-recourants est estimé à 1 736 000 ! La perte financière n'est pourtant pas négligeable pour ces derniers. Au total, le montant non distribué du fait du non-recours aurait atteint 432 millions d'euros.
Le non-recours concerne davantage les couples, les hommes seuls et les foyers sans enfant. Un tiers des personnes concernées ne demandent pas le RSA par méconnaissance du dispositif ; un quart le refusent par principe, parce qu'ils ne veulent pas dépendre de l'aide sociale ; 3 % ont peur de perdre d'autres droits et 3 % estiment que l'apport financier est trop faible.
La faible connaissance du dispositif est donc la raison principale de l'absence de recours à cette prestation. C'est pourquoi il serait nécessaire d'engager de nouvelles campagnes d'information – les précédentes semblent avoir été peu efficaces –, mais aussi des actions ciblées en direction des bénéficiaires potentiels. C'est ce que font certains départements comme la Gironde. Le CNLE, le Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale, recommande d'ailleurs de telles actions.
L'amélioration de l'accès au RSA passe également par la poursuite des travaux de simplification des formulaires et des courriers administratifs. Un guide de recommandations sur la participation des bénéficiaires du RSA au dispositif a d'ailleurs été publié, à destination notamment des conseils généraux. Il aborde la question des courriers.
De même, dans le prolongement du plan de simplification du RSA de 2010, on a recensé l'ensemble des courriers et documents envoyés aux allocataires par les caisses. Ce recensement servira de base à la poursuite des travaux de simplification, pour s'assurer notamment que les informations transmises sont facilement comprises et qu'elles correspondent aux décisions prises par les conseils généraux. Il s'agit donc de mobiliser des bénéficiaires du RSA et des conseils généraux, ce qui pourrait être fait sur un échantillon de territoires volontaires.
L'évaluation systématique du non-recours aux droits est une étape incontournable dans la compréhension du fonctionnement des dispositifs. Elle a donc été entamée par le Gouvernement, pour lequel la réduction du non-recours est un objectif prioritaire. Ce dernier entend faire le bilan du RSA dans le cadre de la préparation de la Conférence nationale de lutte contre la pauvreté, en décembre 2012. Un plan pluriannuel sera mis en place d'ici 2013.
Il est par ailleurs indispensable d'améliorer l'accompagnement social et professionnel des parents isolés disposant de faibles ressources. Jusqu'à présent, c'est plutôt l'accompagnement social qui a été privilégié, au détriment de l'accompagnement vers l'insertion professionnelle, notamment dans le cadre du RSA majoré.
Dans ce but, nous devons renforcer l'évaluation des pratiques. Le Haut conseil de la famille a ainsi saisi la CNAF d'une demande d'évaluation de l'accès des allocataires de minima sociaux aux établissements d'accueil des jeunes enfants. En effet, pour un parent, l'accès à l'emploi dépend de la possibilité de bénéficier d'une offre de garde – et c'est encore plus vrai, bien entendu, pour un parent isolé. De même, l'offre globale de services à destination des familles pauvres et modestes devra faire l'objet d'une évaluation dans le cadre du bilan de la convention d'objectifs et de gestion. Il convient de poursuivre l'analyse sur ces questions, dans le sens de nos préconisations : étude sur les travailleurs sociaux, leur nombre, la formation et les pratiques actuelles en matière d'accompagnement.
Il convient également de poursuivre les efforts entrepris en matière d'information des familles pour mieux faire connaître l'ensemble des aides, par exemple en publiant un guide destiné aux familles monoparentales.
En matière de coopération entre les CAF et les collectivités territoriales – et notamment les départements –, des progrès sont réalisés, non seulement dans le cadre de la mise en oeuvre du RSA, concernant en particulier l'offre d'accompagnement des familles monoparentales, mais aussi dans celui des conventions territoriales globales. Des expérimentations permettent de renforcer la coordination entre les CAF et les niveaux communal et départemental. La Caisse nationale des allocations familiales propose aux départements une offre sur trois niveaux : un socle de base d'information et de conseil pour favoriser l'insertion, un appui social au référent emploi et un accompagnement à l'insertion sociale, première étape vers une insertion professionnelle.
Des expérimentations sont réalisées pour mieux accompagner les parents isolés vers l'emploi. Nous avions notamment préconisé d'accroître les aides à la garde d'enfant – sachant que les crédits consacrés à l'aide à la garde d'enfant pour parent isolé, l'AGEPI, ne sont pas entièrement consommés –, mais aussi d'améliorer l'accès à la formation et de sensibiliser les agences de l'emploi à ces questions. Encore faut-il que les personnes concernées – notamment les bénéficiaires du RSA majoré – soient en contact avec Pôle emploi, ce qui n'est pas toujours le cas.
Ces questions devraient être traitées plus largement dans le cadre de l'évaluation du RSA et des dispositifs d'accompagnement de ses allocataires. La conférence nationale de lutte contre la pauvreté et l'exclusion, prévue en décembre 2012, sera l'occasion d'établir un diagnostic partagé avec les acteurs concernés. Il est notamment prévu un groupe de travail sur les minima sociaux ainsi qu'un atelier sur l'emploi, qui abordera la question de l'insertion professionnelle des jeunes et des personnes les plus éloignées de l'emploi. La situation des travailleurs pauvres et l'emploi précaire seront également étudiés.