Ce n’est pas ce que je dis ! Ce que je dis, c’est qu’il y a en Europe des peuples, des États, avec lesquels nous pourrions nous unir pour dire non à la concurrence qui est en train de tout tuer sur notre continent.
En second lieu, nous vous avions alerté, il y a plus d’un an déjà, à propos de la nécessité de ne pas vous contenter d’une simple réforme de la gouvernance du système, et d’aller plus loin aussi bien en ce qui concerne le périmètre du service public que les financements. Sur les financements, la seule avancée – modeste – a été obtenue au Sénat : il s’agit de l’adoption d’une mesure relative au versement transport au profit des régions. Concernant l’ambition d’un service public renforcé, le projet ne répond pas à l’objectif partagé de rétablir un grand service public ferroviaire, je l’ai déjà dit.
Cette rupture avec les intentions affichées de ce projet de loi ne s’explique pas seulement par l’exigence d’euro-compatibilité. Le projet stratégique et industriel de la SNCF s’accorde avec cette rupture. Quel est ce projet ? Il s’agit de faire du groupe SNCF un groupe de services multinational par le renforcement de la diversification des activités hors ferroviaire et la recherche de performances et de marges financières supplémentaires. Ainsi, la SNCF deviendrait un champion de la mobilité dont le principal relais de croissance serait le développement de ses activités commerciales, l’essor de ses filiales de transport routier de marchandises, le covoiturage ou le transport urbain. Cela me conduit à penser que ce projet de loi, dans sa version issue des travaux de la CMP et que nous allons voter, ne doit pas particulièrement aller à l’encontre du projet de développement de la SNCF.
L’articulation entre ces ambitions et la réponse aux besoins et missions de service public ne va pas de soi. Les contradictions sont flagrantes entre les orientations affichées par le groupe et la poursuite de missions de service public comme le développement du fret, le maintien d’un maillage territorial et des lignes d’équilibre du territoire. Je pense qu’au cours des mois et des années à venir, nous pourrons juger sur pièces.
Dans ce contexte, comment ne pas comprendre les inquiétudes des cheminots, qui savent que les gains de performance et de productivité se traduiront, comme toujours, par une dégradation des conditions de travail et d’emploi, et par un recours toujours plus important à la sous-traitance ? Faute d’un renouvellement de moyens de financement, ce sont non seulement l’emploi, les salaires et les conditions de travail qui se trouveront menacés, mais aussi le service aux usagers. Ces derniers sont pourtant déjà confrontés à la désertification des gares et aux graves conséquences des manquements observés en termes de rénovation de l’infrastructure et de développement du réseau.
D’autant plus, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, que ce texte ne propose pas de solutions pour le remboursement de la dette du système ferroviaire, dont le montant dépasse 40 milliards d’euros.