Ainsi que je l’avais déjà démontré en première lecture, rien dans le texte n’apporte d’éléments de réponse quant aux économies qui pourront être réalisées dans les années à venir, ni aucun gage concernant l’équilibre financier du futur groupe intégré SNCF. Nous prenons date et, lors du premier anniversaire de la promulgation de la loi, le groupe UMP demandera une mission d’information parlementaire, monsieur le président, pour que le Gouvernement puisse nous expliquer les économies réalisées à l’occasion de la constitution de ces EPIC. Nous sommes impatients.
Nous craignons réellement que les économies réalisées restent marginales ou, pire, que la fusion ait, dans un premier temps, l’effet inverse en raison de coûts non maîtrisés issus du nouvel établissement public. La remise d’un rapport au Parlement relatif aux solutions qui pourraient être mises en oeuvre pour traiter le problème de la dette n’est malheureusement pas une mesure suffisante pour maîtriser l’endettement de notre système ferroviaire.
Votre réforme reste également décevante sur le volet de la gestion des gares. Nous ne comprenons toujours pas comment SNCF Réseau pourra exercer de façon autonome et non discriminatoire ses compétences de gestionnaire indépendant du réseau sans pouvoir gérer directement l’affectation des voies en gare, l’ensemble des équipements et des bâtiments d’accès voyageurs au réseau ferroviaire.
Pourquoi se limiter à la remise d’un rapport au Parlement sur la possibilité d’un transfert des gares à SNCF Réseau ? Pourquoi ne pas avoir anticipé sur les travaux de la Commission européenne qui risquent très probablement d’exiger l’intégration des activités de « gares et connexions » au sein de SNCF Réseau ?
Qu’en est-il de la place et du rôle exact des régions en matière de politique des transports ferroviaires ? Sur cette question, le projet de loi ne nous apporte, une fois encore, pas de réponse claire. Les représentants des autorités organisatrices régionales des transports ferroviaires ne disposeront que d’un seul siège au sein du conseil de surveillance de l’EPIC, alors que les régions apportent tout de même, mes chers collègues, les deux tiers des ressources, soit environ 5,8 milliards d’euros sur 9 milliards dans le financement du système ferroviaire, au moment où cette majorité s’apprête à découper les régions et à leur donner plus de pouvoir !
Vous en conviendrez, la place donnée aux régions dans cette réforme est loin d’être satisfaisante. C’est aussi une occasion manquée.
En outre, l’adoption d’un amendement visant à octroyer à la région le pouvoir de définir la politique tarifaire des services d’intérêt régional dans le respect d’un cadre tarifaire national, reste en deçà de nos attentes. Cet échelon territorial ne peut, en effet, pas maîtriser l’ensemble de la politique tarifaire des TER.
Par ailleurs, nous craignons fortement que les dispositions relatives au rôle des régions ne nécessitent une révision à l’issue des travaux sur la réforme territoriale et le redécoupage des régions. Tous mes propos ont été illustrés par les nombreux amendements que vous avez rejetés et qui provenaient des représentants de l’Association des Régions de France – régions dont 20 sur 21 sont dirigées par vos amis…
Pour d’autres raisons que celles invoquées par les syndicats, nous nous sommes immédiatement opposés au projet de loi portant réforme ferroviaire, compte tenu notamment des ambiguïtés du texte sur la création d’un grand groupe public ferroviaire composé d’un EPIC de tête appelé SNCF et de deux EPIC « filles » : un gestionnaire d’infrastructure unifié, SNCF Réseau, et un exploitant ferroviaire, SNCF Mobilités.
Le dispositif tel qu’il est proposé ne permet pas au gestionnaire des réseaux d’assurer dans de bonnes conditions d’indépendance et d’équité le traitement de tous les opérateurs qui pourraient entrer – et qui rentreront systématiquement – sur notre marché à l’avenir.
En adoptant un amendement qui prévoit que la SNCF sera l’employeur unique pour l’ensemble des salariés des trois EPIC, avec des conditions sociales et des représentants syndicaux communs, vous avez pris le risque, monsieur le ministre, chers collègues de la majorité, d’introduire une disposition qui posera sans nul doute problème vis-à-vis de la législation européenne.
Votre réforme ne va pas non plus dans le sens des attentes de la Commission. Le groupe industriel public intégré n’assure pas l’exercice d’une concurrence saine et ouverte du système ferroviaire, telle qu’elle devra être mise en oeuvre au niveau européen en 2019, notamment concernant l’attribution des sillons.
En outre, les mécanismes prévus pour s’assurer que l’indépendance du gestionnaire d’infrastructures soit effective ne sont toujours pas suffisants. Le projet de loi maintient, en effet, que le président de la SNCF sera aussi le président de SNCF Mobilités et que le vice-président de SNCF sera président de SNCF Réseau.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, monsieur le ministre, pour toutes les raisons que je viens de vous exposer, nous voterons à nouveau contre cette réforme, qui, en l’état, reste floue quant aux relations entre les trois EPIC, qui n’assure pas efficacement l’indépendance entre le gestionnaire d’infrastructures et l’opérateur ferroviaire, et qui risque de ne pas être conforme à la législation européenne en faussant la concurrence et en ne garantissant en rien l’ouverture des marchés.
Surtout, et c’est ce qui au fond est le plus grave, elle ne régle en rien le problème de la dette abyssale de notre système ferroviaire.