Intervention de Marcel Deneux

Réunion du 8 juillet 2014 à 16h30
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Marcel Deneux, sénateur, vice-président :

Je l'ai évoqué précédemment, les aides aux produits, qu'il s'agisse de matériaux ou d'équipements, constituent une barrière à l'entrée pour les produits innovants qui sont, par définition, non compris dans leur champ. Le calage de ces aides sur les avis techniques et les certifications accroît d'ailleurs la tension sur l'obtention de ces signes de qualité.

Mais les aides aux produits ne constituent pas seulement un frein pour l'innovation. Elles ont aussi pour conséquence un gaspillage des ressources publiques d'appui à la rénovation, pour deux raisons : d'abord, en présence des aides, les intermédiaires relèvent leurs prix, ce qui réduit l'effet d'incitation pour le consommateur final ; ensuite, les intermédiaires utilisent les aides comme argument commercial, ce qui provoque, au coup par coup, des décisions d'investissement qui ne sont pas forcément pertinentes.

Ainsi, la France, déjà à la peine pour mobiliser des ressources publiques, disperse en plus ses efforts avec son système d'aides aux produits. Car l'analyse des aides montre qu'elles sont, à hauteur de 60 % au moins, des aides ciblant des produits.

La principale recommandation en ce qui concerne les aides consiste donc à demander qu'elles soient affectées aux projets de rénovation, et non plus aux produits. L'idée est que, au cas par cas, pour chaque bâtiment à rénover, c'est la technologie la plus adaptée qui doit être utilisée, et non pas celle qui est la plus aidée. Il faut rechercher l'utilisation la plus efficace possible des ressources publiques affectées à la rénovation.

Dans cette approche, une difficulté surgit : comment définir la solution la plus efficace ? De fait, l'ADEME a déjà donné la bonne réponse à cette question en imaginant le label « RGE » : « Reconnu garant de l'environnement », entré en vigueur ce 1er juillet. Mais si le principe de labellisation des professionnels pour le conseil en rénovation semble pertinent, la cible choisie apparaît inadaptée : les 385 000 artisans sont très enclins à vendre avant tout leurs propres services. Du reste, les retours que nous avons eus sur les stages permettant d'obtenir le label indiquent que ces formations sont assez superficielles.

La recommandation proposée est donc plus ambitieuse : certifier un groupe d'environ 3 000 ou 4 000 « conseillers en rénovation », qui rempliraient cette fonction d'assistance à la maîtrise d'ouvrage, à la fois qualifiée et indépendante, indispensable pour gérer, de la manière la plus efficace possible, chaque cas de rénovation. L'accès aux aides serait conditionné par l'élaboration d'un plan de rénovation conçu avec l'un de ces conseillers certifiés. Ce plan comporterait un échéancier des opérations successives à effectuer, dont la réalisation serait consignée dans un « passeport rénovation » qui serait attaché au bâtiment.

Ces conseillers certifiés seraient des acteurs privés, payés pour leur prestation. Les aides globalisées, de l'ordre de 5 000 à 6 000 euros par rénovation sur la base des données d'aujourd'hui (2 milliards d'euros pour 300 000 rénovations) couvriraient de fait le coût de ce conseil, de l'ordre de 1 000 euros.

Nous avons découvert à Berlin que ce modèle rejoignait certaines réflexions en cours au sein de la DENA, l'équivalent allemand, semi public, de l'ADEME.

D'un point de vue juridique, il est compatible avec le monopole des architectes, puisque nombre d'opérations de rénovation concernent en pratique des maisons de moins de 170 mètres carrés.

Dès lors, notre idée est de proposer que la certification soit assurée par l'université. Elle s'appuierait sur une formation initiale pour les étudiants, une formation continue pour les ingénieurs thermiciens et les architectes candidats, et une formation professionnelle pour des artisans souhaitant se consacrer à ce nouveau métier. Des filières pouvant délivrer ce genre de compétence hybride se mettent déjà en place, à Grenoble INP, par exemple. Il faudrait réussir des examens, et accepter d'effectuer régulièrement des stages de mise à niveau, eux-mêmes sanctionnés par un contrôle sérieux ; la certification serait retirée en cas de refus d'effectuer les efforts de mise à niveau.

Avec la globalisation des aides et ce dispositif des conseillers à la rénovation, le même niveau d'effort de la collectivité publique permettrait d'atteindre une efficacité plus grande, en supprimant les freins à l'innovation créés par les aides aux produits.

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