Intervention de Jean-Yves Le Déaut

Réunion du 8 juillet 2014 à 16h30
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Yves Le Déaut, député, premier vice-président :

La procédure d'intégration au moteur de calcul est la partie la plus problématique du parcours d'une innovation, car c'est, de loin, la partie la moins transparente. Nous lui avons consacré une audition publique spécifique, le 13 février 2014, dont le compte-rendu figure dans le rapport.

D'abord, on ne sait pas vraiment qui est l'interlocuteur, puisque on ne le voit pas : en théorie, c'est la DHUP car il s'agit d'obtenir une adaptation partielle de la réglementation thermique, par arrêté ministériel ; en pratique, c'est le CSTB, qui est l'auteur de l'ensemble des modélisations constituant le moteur de calcul, et qui en gère la transcription logicielle sous la forme d'une boite noire, dont lui seul a la clef.

La procédure avance par des échanges écrits et progresse au rythme des examens successifs du dossier par la commission dite « du titre V » au rythme d'un examen tous les deux mois ; il peut y avoir cinq, six passages en commission ; à chaque fois, il faut répondre par écrit à de nouvelles questions. Lorsqu'on a la chance d'être convoqué, ce qui est rare, on est entendu par un jury d'une quinzaine de personnes dont on ignore les noms, et qui limitent strictement leurs échanges aux questions posées. C'est un peu comme si l'on avait affaire à une sorte de société secrète.

Nous avons écrit à la ministre pour connaître la composition de la commission. On nous a répondu que le secret de leur identité garantissait l'indépendance de ses membres.

Nous avons ensuite obtenu cette composition par une voie détournée et constaté que le CSTB y est dominant à travers ses filiales de certification ; et, à côté des représentants des bureaux d'études, il y a des personnes rattachées à des grands groupes.

C'est un point critique : l'absence de transparence masque à la fois la décision arbitraire d'un très petit nombre de personnes au CSTB, probablement même d'une seule, et l'influence de certains grands groupes. Le directeur de la DHUP a ainsi reconnu, en audition publique, qu'il accueillait dans ses services un employé détaché de GDF Suez.

La recommandation proposée est simple : créer, à la place de cette commission secrète, une instance transparente sur le modèle du « Haut conseil pour la transparence et l'information sur la sûreté nucléaire », c'est à dire une instance composée de collèges représentatifs des différentes parties prenantes du secteur du bâtiment ; c'est cette instance qui gérerait les demandes d'évolution du moteur de calcul, en tout transparence, en émettant un avis que le ministre ne pourrait contester qu'en le justifiant. Faudrait-il aller jusqu'à confier à cette instance le pouvoir de décision, en la transformant ainsi en une sorte d'autorité administrative indépendante ?

L'important serait de ramener la DHUP à un rôle de secrétariat et le CSTB à une position de partenaire parmi d'autres. Toutes les décisions de ce « Haut conseil de la construction » à propos des innovations bénéficieraient alors de la légitimité que confère une procédure transparente. On se rapprocherait ainsi, en France, de la situation d'autres pays d'Europe comme la Suède et l'Allemagne, où c'est la communauté professionnelle qui définit elle-même ses bonnes pratiques.

Par ailleurs le logiciel transcrivant les 1 377 pages du « moteur de calcul » passerait en mode de gestion ouverte dite « open source ». Cela en faciliterait les corrections et les évolutions. Le CSTB animerait le réseau des contributeurs, et éditerait les versions successives.

Sur ces bases renouvelées, notre pays pourrait alors reprendre sa marche en avant pour conquérir une position de pointe dans la physique du bâtiment. J'y reviendrai.

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