Intervention de François-Michel Lambert

Séance en hémicycle du 22 juillet 2014 à 21h30
Infrastructures de recharge de véhicules électriques — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois-Michel Lambert :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure, mes chers collègues, la proposition de loi facilitant le déploiement d’un réseau d’infrastructures de recharge de véhicules électriques sur l’espace public fait consensus.

Sa rédaction a été améliorée au Sénat. Nous sommes en présence d’un texte quasiment abouti qui, semble-t-il, permettra le développement du véhicule électrique. Ce développement représente un triple défi.

Un défi écologique, tout d’abord, car il contribuera de façon décisive à la diminution de la pollution de l’air et des émissions de gaz à effet de serre – qui ne sont pas corrélées l’une et l’autre, contrairement à ce qui a été indiqué –, tant on sait que le transport et le logement sont les deux secteurs qui produisent le plus de CO2.

Un défi industriel, ensuite, avec la consolidation et la création de filières technologiques françaises d’excellence. À cet égard, je tiens à saluer la vision du ministre de l’économie, qui a choisi, parmi les trente-quatre plans de la nouvelle France industrielle, trois plans qui vont dans ce sens : l’essor du marché du stockage d’énergie, le déploiement des réseaux électriques intelligents combinés et le développement de l’installation des bornes de recharge.

Un défi énergétique, enfin : le développement du véhicule électrique est une condition nécessaire à la réussite de la transition énergétique, qui fera l’objet d’un projet de loi examiné à la rentrée. C’est un bon départ, mais il faudra l’enrichir substantiellement pour répondre aux immenses défis que nous devrons relever.

Nous assistons à des transferts d’usage en matière de circulation : désormais, les Français sont prêts à choisir le véhicule électrique, voire à user d’autres modes de déplacement. Or, sans borne de recharge, cette évolution sera limitée. Ne serait-ce que pour rassurer les utilisateurs qui craignent de ne pas avoir assez d’autonomie, il importe d’assurer une présence suffisante des bornes sur le territoire national. Cette préoccupation est au coeur de la proposition de loi – j’en remercie encore Mme la rapporteure.

Le texte répond donc au besoin d’accélérer le déploiement des infrastructures de recharge et de combler les trous laissés par les initiatives déjà prises. Mais d’autres collectivités territoriales et acteurs privés ne sont pas suffisamment au rendez-vous, notamment dans la métropole d’Aix-Marseille-Provence, territoire où le seuil de pollution atmosphérique est dépassé 200 jours par an, un record en France. Dans ce territoire, qui est un contre-exemple en termes de déploiement de bornes électriques et de politique d’encouragement du véhicule électrique, nous devons faire face à un véritable immobilisme des élus locaux.

Dans l’optique de ce déploiement, j’ai déposé deux amendements, qui, loin de dénaturer l’objet principal de ce texte, permettent au contraire de le renforcer. Car le développement du véhicule électrique doit s’appliquer partout et pour tous. Je veux parler ici des personnes handicapées ou à mobilité réduite, pour lesquelles le fonctionnement des véhicules électriques – une boîte automatique à progressivité souple – est particulièrement adapté.

Or les dispositions réglementaires et légales appliquées aujourd’hui aux places de parking, équipées de bornes de recharge de véhicules électriques, rendent inaccessibles ces infrastructures aux personnes à mobilité réduite, qui en seraient les premières bénéficiaires. Nombre d’entre elles m’en ont fait la remarque. Il convient donc de modifier les textes, afin que les bornes de recharge de véhicules électriques sur l’espace public puissent leur être aussi accessibles.

Par ailleurs, nous avons été rassurés sur le fait que les initiatives des collectivités seront toujours les bienvenues. Elles continueront d’être secondées par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, l’ADEME, qui vient d’ailleurs de sortir une brochure sur le déploiement des bornes électriques.

Nous avons été également rassurés sur le fait que la proposition de loi associe très étroitement les collectivités à l’élaboration des projets. Il va de soi que le déploiement des bornes devra se faire en lien avec les schémas et les documents d’aménagement, notamment les plans de déplacements urbains, les plans locaux d’urbanisme et les schémas de cohérence territoriale.

Cette proposition de loi traduit une politique nationale volontariste quant à l’aménagement du territoire et aux liens qui sont faits entre aménagement et transition énergétique et écologique.

Nous rappelons que le déploiement des bornes s’inscrit dans une perspective bien plus large, celle de la troisième révolution industrielle, telle que théorisée par l’économiste Jeremy Rifkin, d’ores et déjà engagée dans la région Nord-Pas-de-Calais, future région Nord-Pas-de-Calais-Picardie. En effet, les grandes révolutions économiques de l’histoire se produisent à chaque fois que de nouvelles technologies apparaissent, conjuguées à de nouvelles sources d’énergie – les unes n’allant pas sans les autres.

Des véhicules électriques rechargeables et des véhicules à piles à combustible, capables, à terme, d’acheter ou de vendre de l’électricité en se connectant à un réseau électrique : voilà la direction dans laquelle nous devons aller. Cela permettrait notamment de moduler le tarif des recharges selon l’offre d’électricité, afin d’éviter que l’alimentation des véhicules électriques n’accentue trop les pointes de consommation. Dans certains cas, cela permettrait que les véhicules servent de stockage d’appoint et puissent réinjecter de l’électricité dans le réseau – une voiture utile, même immobile. Cela existe déjà à Lyon, où un quartier conjugue bâtiments à énergie renouvelable et véhicules rechargeables.

Dans une vision d’économie circulaire, la réutilisation en deuxième vie des batteries dans les bâtiments qui produisent de l’énergie renouvelable permettrait d’améliorer l’efficacité énergétique de l’ensemble. En cas de surproduction d’électricité renouvelable, les batteries la stockeraient avant de la réinjecter. Il s’agit d’un projet sur lequel travaillent un grand constructeur français de véhicules électriques – vous l’aurez reconnu – et l’un des leaders français du BTP.

En d’autres termes, le déploiement des bornes de recharge doit s’opérer dans le cadre d’une transition énergétique fondée sur les énergies renouvelables et les smart grids – réseaux de distribution d’électricité intelligents – plutôt que sur le nucléaire.

Cette proposition de loi va donc dans le bon sens, mais ne négligeons pas les autres leviers du développement de la mobilité propre. J’insiste : tout se jouera dans les deux ans ! Nous devons donc prendre dès aujourd’hui – dès hier, même ! – le bon virage : celui du véhicule électrique.

À cette fin, nous devons impérativement accélérer la transformation des flottes d’entreprise et des collectivités. Or rien, malheureusement, n’est prévu à court terme pour encourager les entreprises à transformer leurs flottes, notamment à travers la mise en place d’avantages comptables et fiscaux, stables et cohérents pour instaurer la confiance et l’investissement. Nous dénonçons à cet égard l’avantage fiscal éhonté dont bénéficie le diesel et dont ni les véhicules à essence ni les véhicules électriques ne pourront profiter.

Favorisons également le véhicule électrique à la campagne, à la montagne ou dans les petites villes de province. Les distances parcourues coïncident parfaitement avec le recours à la mobilité propre : ce texte va dans ce sens.

Développons aussi le marché de l’occasion, qui est l’un des principaux modes d’acquisition d’un premier véhicule. À ce jour, en effet, les sociétés privées telles que l’Argus n’ont pas encore clairement défini les critères applicables aux véhicules électriques. Elles ont donc un rôle à jouer et nous devons les y encourager.

Les écologistes croient à la complémentarité et à l’interopérabilité des modes de déplacement. Quelques questions se posent, en particulier celle de déterminer, parmi l’ensemble des moyens de transport, lequel est le plus pertinent selon le secteur géographique et le besoin précis à couvrir.

Comment, par ailleurs, connecter au mieux le véhicule électrique à d’autres modes de transport lorsque l’on passe d’un secteur géographique à un autre ? Cette question relève de l’aménagement du territoire.

Les mesures à prendre sont nombreuses et diverses et ce texte constitue une partie de la réponse, mais une petite partie seulement.

Le groupe écologiste votera cette proposition de loi mais sans perdre de vue qu’elle ne prend tout son sens que dans une vision d’ensemble. Nous devons avoir les idées claires sur le calendrier, les usages privilégiés, la hiérarchisation des investissements car nous avons la responsabilité collective de construire cette cohérence !

Enfin, permettez-moi, en tant qu’utilisateur depuis plus de dix-huit mois d’un véhicule électrique, une Zoé,…

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