Intervention de Jacques Krabal

Séance en hémicycle du 22 juillet 2014 à 21h30
Infrastructures de recharge de véhicules électriques — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJacques Krabal :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, madame la rapporteure, monsieur le président de la commission des affaires économiques, la proposition de loi qui nous réunit aujourd’hui, relative au déploiement d’un réseau d’infrastructures de recharge de véhicules électriques sur l’espace public, arrive en bout de route, au terme de son trajet parlementaire avec l’examen du texte adopté en commission mixte paritaire.

L’examen, ces derniers mois, par les deux chambres a permis d’ajouter au texte des éléments pertinents et permettez-moi de saluer à ce titre le travail de nos collègues sénateurs. Avant de faire le point sur ce texte auquel nous sommes tous favorables, ce qui contraste avec les affrontements de ces derniers jours, rappelons que cette problématique a beau être très actuelle, elle se pose tout de même depuis 1900, époque à laquelle plus du tiers des voitures en circulation étaient électriques, le reste étant des automobiles à essence et à vapeur. La motorisation électrique a ensuite été fortement concurrencée par des coûts de production beaucoup plus faibles du véhicule thermique, par la capacité à remplir en cinq minutes son réservoir de 500 à 1 000 km d’autonomie et par un faible prix du carburant.

Le renouveau de la mobilité électrique s’explique par une conjonction de signaux positifs : hausse du prix du pétrole, développement de batteries plus performantes, renforcement de la sensibilité environnementale, durcissement des réglementations, incitations financières lors du renouvellement des véhicules – bonus-malus. Surtout, il s’agit de relever le défi d’une baisse durable de nos émissions de C02. Dans le sud de l’Aisne, la mise en place du plan climat-énergie territorial nous a permis d’établir que 28 % des émissions de C02 étaient dues aux déplacements.

Il nous appartient par conséquent de mettre en place un cadre législatif pour remplir cet objectif. Ce texte dispose de trois principaux atouts : lutter contre le réchauffement climatique, accélérer la transition vers des transports sobres en énergie et soutenir l’industrie automobile qui en a bien besoin.

Rappelons que la France est le premier marché d’Europe pour les véhicules électriques et hybrides, marqué par une progression de 50 % des ventes de véhicules électriques entre 2012 et 2013.

Certes, ce marché reste encore très marginal puisqu’il ne représente que 0,5 % des immatriculations du pays. Tout un marché reste à conquérir.

On connaît le problème des véhicules électriques aujourd’hui : leur autonomie. Investir dans l’achat d’un véhicule électrique est intéressant pour le consommateur avec des coûts de fonctionnement kilométriques moins élevés, mais présente un risque en matière d’approvisionnement puisque les bornes de recharge de batterie sont rares et inégalement réparties sur le territoire. Résultat : les utilisateurs d’automobiles électriques sont principalement des métropolitains du fait de la présence de bornes de recharge dans les centres-villes, notamment à Paris.

Pourtant, la mobilisation des territoires est essentielle pour que « l’écosystème mobilité électrique » puisse atteindre l’âge de la maturité. À cet égard, le déploiement d’un réseau de recharge de véhicules électriques sur l’espace public permettrait de développer l’utilisation de ce transport décarboné qui doit aussi pouvoir se démocratiser dans nos communes rurales.

Dans son plan automobile annoncé en juillet 2012, le Gouvernement a prévu des mesures pour favoriser l’achat des véhicules électriques et les locations longue durée. Il a été rappelé que le montant de la prime s’élevait à 6 300 euros, mais Mme la ministre Ségolène Royal a annoncé, en présentant la loi relative à la transition énergétique, une subvention de 10 000 euros pour le remplacement d’un véhicule thermique. Où en sommes-nous sur ce point ? Par ailleurs, les collectivités territoriales, malmenées financièrement, pourront-elles bénéficier de cet encouragement afin de décarboner leurs parcs en remplaçant les véhicules thermiques ? Soutenir les collectivités qui, dans le domaine de la transition énergétique, jouent souvent un rôle d’exemple et d’incitation pour nos concitoyens me semble important.

Dans le cadre du programme des investissements d’avenir, 50 millions d’euros lui ont été alloués. Ce soutien de l’État a impulsé une nouvelle dynamique du déploiement des infrastructures de recharge dans les territoires, ce qui fait de la France le premier parc de bornes de recharge en Europe, et le troisième mondial selon l’association Avere-France. Cependant, l’objectif du doublement du parc de points de charge ouverts au public nécessite d’être encore à l’offensive. Ce texte prévoit d’exonérer de redevance l’État ou l’opérateur de l’État qui implante, dans le cadre d’un projet national, des infrastructures de recharge de véhicules électriques sur le domaine public.

Le texte promeut l’État comme principal acteur de ce dispositif. Cela me paraît justifié pour deux raisons : il y va de l’uniformité du réseau de transports sur le territoire national et de l’égalité des territoires face à l’innovation. La transition vers une économie décarbonée est un objectif majeur et il faut veiller à ce que l’ensemble de notre pays participe à ce projet. Je sais que dans cette assemblée nous veillons à ce que l’innovation ne soit pas le fait des seules métropoles ; 14 000 bornes électriques doivent être installées d’ici à 2015, selon ERDF.

Plutôt que sur la dimension nationale du projet, j’insisterai sur les problématiques territoriales. Dans le département de l’Aisne, département ô combien rural, les analyses de déplacement menées par l’Union des syndicats d’électricité du département de l’Aisne ont abouti à l’installation de 200 bornes de recharge d’ici à 2016 pour un coût total de 2,4 millions – 50 % pour l’État et une participation de 40 % pour les collectivités locales, mais sans avoir mobilisé les fonds européens et régionaux. Les coûts de fonctionnement ont été un point d’interrogation s’agissant du réseau national mais au niveau local, nous sommes également soutenus par l’Union des syndicats d’électricité du département de l’Aisne.

Enfin, et plus généralement comme je le disais en introduction, le développement des véhicules électriques est aussi un enjeu industriel. Stratégique pour l’économie française et pour l’emploi en France, la filière automobile connaît actuellement quelques difficultés. Dans ce cadre, il est important d’accélérer les évolutions industrielles induites par l’exigence écologique et porteuse de création d’emplois. La filière française du véhicule électrique est relativement performante. Cette proposition de loi envisage de l’épauler afin d’assurer son développement sur notre territoire.

Mais au-delà du maillage des bornes de recharge, nous devons garder à l’esprit que nous sommes bel et bien en train de mettre en place un écosystème de la mobilité électrique qui doit dépasser largement la simple voiture. L’électrique ne doit pas concerner le seul véhicule personnel mais bien tous les types de transport pour tout le monde, y compris les personnes handicapées : collectif, deux roues, utilitaires, véhicules de livraison ; nous devons favoriser les transports intermodaux.

Cette nouvelle mobilité nous conduit à poser la question du découplage entre la possession et l’usage, non seulement de la batterie mais aussi de la voiture elle-même à travers l’autopartage qui génère une utilisation plus intensive des véhicules électriques permettant ainsi d’amortir la phase de fabrication. Cette réflexion que nous avons engagée au sein des territoires a été pilotée par l’ADEME de Picardie.

Le groupe RRDP est donc favorable au texte tout en souhaitant que ce déploiement se fasse rapidement et dans les meilleures conditions. Beaucoup de retard a déjà été pris, tâchons de ne pas en accumuler davantage. Comme l’écrivait Jean de la Fontaine dans Clymène : « Il me faut du nouveau, n’en fut-il point au monde. » Oui, madame la secrétaire d’État, avec ce réseau d’infrastructures, nous sommes à l’offensive en France, en Europe et dans le monde. C’est pourquoi le groupe RRDP soutient cette belle proposition de loi.

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