Intervention de Xavier Timbeau

Réunion du 17 juillet 2014 à 11h00
Mission d'information sur le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi

Xavier Timbeau, directeur du département « Analyse et prévision » à l'Observatoire français des conjonctures économiques, OFCE :

Je vais, pour ma part, plutôt m'attacher à décrire les aspects macroéconomiques en m'appuyant pour cela sur des travaux conduits en collaboration avec la DGCIS et le Haut conseil du financement de la protection sociale, avec le concours de différentes équipes, notamment celle de SEURECO-ERASME, dirigée par Paul Zagamé, et celle de la Direction générale du Trésor. Je ne vais pas faire un compte rendu de ces travaux, mais simplement évoquer les éléments que nous en avons tirés, qui ont donné lieu à une publication distincte.

Je commencerai par rappeler un élément de contexte, à savoir ce qui a motivé la décision de mettre en oeuvre le CICE.

Comme le montre le graphique ci-contre, le taux de marge brute des entreprises françaises a chuté de façon spectaculaire lors de la crise qui a commencé en 2007-2008, et ne cesse de se dégrader depuis, à l'exception d'une légère remontée au premier trimestre 2012 ; cette remontée n'est pas attribuable au CICE puisqu'en comptabilité nationale, le CICE n'a pas d'effet sur le taux de marge des entreprises, mais seulement sur leurs résultats.

Le diagramme ci-dessous, qui décrit la décomposition sectorielle de l'évolution du taux de marge entre 2007 et le premier trimestre 2014, montre que la dégradation des taux de marge est largement répartie. Contrairement à ce que l'on entend parfois, l'industrie n'est pas la plus touchée : certains secteurs des services marchands, qui jouent un rôle important en matière d'emploi, le sont eux aussi durement.

La question s'est posée de savoir s'il valait mieux centrer le CICE sur la compétitivité, donc sur les entreprises exposées à la concurrence internationale, comme le préconisait le rapport Gallois, ou plutôt favoriser l'emploi et pour cela cibler les bas salaires et les secteurs de services, comme le pensait la DG Trésor.

Le tableau ci-dessous, qui retrace l'évolution depuis 1949, montre la chute du taux de marge à partir de 2007-2008 ; les mouvements plus anciens tiennent à des causes historiques, notamment les effets de la désinflation.

Reste que l'observation sur une période aussi longue pose une difficulté, celle du changement de nature et de champ de certaines entreprises – notamment dans le service public, mais également dans le secteur agricole –, qui modifie largement la notion de taux de marge et son calcul. En revanche, il est intéressant d'observer que la diminution du taux de marge s'accompagne d'une augmentation des dividendes et autres rémunérations de la propriété, ce qui semble conforter une hypothèse ayant donné lieu à de vifs débats, selon laquelle il y aurait en France un problème de coût du capital, et non pas seulement de coût du travail. Une récente publication de l'INSEE invaliderait cette hypothèse, dans la mesure où elle met en évidence une baisse de la rémunération de la propriété ; cependant, les données sur lesquelles elle s'est basée pouvant être considérées comme insuffisamment précises, on considère que le débat n'est pas encore définitivement tranché, et qu'il ne pourra l'être que lors des prochaines versions de la comptabilité nationale : il subsiste sur le solde exact des revenus de la propriété une incertitude de l'ordre de 20 milliards d'euros, ce qui est considérable.

Autre élément à prendre en considération : l'évolution de la compétitivité. Le graphique ci-dessous montre l'évolution du coût salarial unitaire en France, en Allemagne et dans d'autres pays européens par rapport à la moyenne de la zone euro, marqué par un mouvement de déflation salariale au cours de la grande récession qui a débuté en 2007-2008.

Le graphique ci-dessous, bien qu'il néglige les effets de champ, assez importants, liés au fait que le nombre d'entreprises éligibles à l'impôt sur les bénéfices est évidemment inférieur à celui des entreprises qui paient des cotisations sociales, donne une image assez exacte du cumul et du profil des différents mécanismes d'exonération : allégements Fillon, CICE et allégements supplémentaires de cotisations familiales, introduits dans le cadre du pacte de responsabilité.

La différence entre les différents dispositifs, outre les effets de champ, tient à leur impact sur l'emploi, compte tenu du fait que l'élasticité de l'emploi aux allégements de charges diffère selon le niveau de l'emploi.

Il est intéressant de se pencher sur le ciblage sectoriel du CICE. Sur les 20 milliards d'euros de coût budgétaire du CICE, 4,4 milliards d'euros vont à l'industrie – cela représente 22 %, ce qui est plus que la part de l'industrie dans la valeur ajoutée, estimée à 10 %

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