Je crains malheureusement que cela n'ait pas eu d'effet. Ni vous ni votre collègue de Villeneuve-Loubet ne semblent avoir eu de retour.
J'ai inscrit GSX au MEDEF et j'ai rencontré la directrice de la fiscalité, Mme Marie-Pascale Antoni, que je voudrais remercier ici personnellement. Elle a passé une vingtaine de minutes à me poser des questions techniques très précises pour savoir s'il y avait ou non établissement stable. Elle a contacté le nouveau directeur du contrôle fiscal qui a eu la gentillesse, et je voudrais également le remercier, de rouvrir le dossier.
Notre dossier a donc été réétudié. Même si je n'ai pas eu la possibilité de discuter sur les faits, sur les pièces, dans l'esprit de loyauté qui ressort des différents documents qu'on m'a envoyés, on m'a proposé de me redresser sur un montant d'environ 4 millions d'euros et, surtout, de me donner le quitus complet sur mon entreprise depuis que j'y suis arrivé. Cela signifie que les montants redressés correspondent à l'activité de mon prédécesseur.
J'ai accepté cette proposition, bien que je conteste le montant qui m'a finalement été notifié. Car je n'avais pas d'autre choix. En effet, il eût été logique, à la suite d'une telle procédure, d'aller au contentieux. Or, pour aller au contentieux et faire intervenir un juge administratif indépendant, il faut pouvoir déposer des garanties, dont le montant correspond à celui des droits. Une entreprise de 40 personnes, dont le redressement atteint 2,5 fois son chiffre d'affaires, en est incapable. Ces décisions successives de redressement sont de véritables condamnations à mort. Accepter cette proposition de 4 millions était pour moi la seule façon de survivre.
L'autre raison est que j'ai vécu quatre ans et demi de pur cauchemar.
Au niveau de mon entreprise, j'ai dû consacrer 50 % de mon temps à répondre à l'administration, soit deux ans sur les quatre ans de la procédure, alors que j'aurais dû les passer à développer mon entreprise. Et je n'ai même pas eu l'impression que les centaines de documents que j'ai transmis à l'administration aient été correctement appréciés. Quoi qu'il en soit, je suis très reconnaissant à la nouvelle équipe d'avoir réétudié mon dossier et de m'avoir permis de ne payer « que » 4 millions, même si je considère que ce n'est pas justifié.
Nous avons calculé, avec mes équipes, les produits que nous aurions pu développer si l'on n'avait pas dû acquitter autant de frais d'avocat. Nous en avons conclu que l'entreprise aurait doublé, et qu'il y aurait aujourd'hui deux fois plus de personnes chez GSX en Suisse, aux États-Unis, en France et en Chine – où nous venons de nous installer. En conséquence de quoi, les rentrées fiscales nettes que l'État percevrait si j'avais pu passer mon temps et mes ressources à travailler seraient infiniment supérieures aux misérables 4 millions d'euros qu'il va récupérer.
Au niveau personnel, ces années ont été terribles. Et je voudrais, puisque je pense qu'ils visionneront cette audition, m'excuser auprès de mon épouse et de mes enfants de ne pas avoir eu la disponibilité et l'égalité d'humeur dont j'avais l'habitude, et qu'ils sont en droit d'attendre.
Je voudrais également insister sur le fait que, selon moi, les pouvoirs des inspecteurs du contrôle fiscal – qui sont conformes aux lois que vous-mêmes, mesdames et messieurs les députés, avez votées depuis vingt ans – sont disproportionnés. Non seulement ils ont pu procéder à un redressement qui s'apparentait à une condamnation à mort, mais, au cours de l'année 2011, par deux fois, ils ont eu une attitude que je considère comme particulièrement inadmissible.
En mai, alors que j'étais en discussion avec les interlocuteurs du contrôle fiscal de Nice, que les premières conclusions n'avaient pas encore été consignées par écrit et que je n'avais pas eu la possibilité d'y répondre, des saisies conservatoires ont été faites. Le service du contrôle fiscal a envoyé à une dizaine de mes clients des constats ou des lettres d'huissier, demandant de ne pas me régler parce que GSX avait manifestement un comportement fiscal douteux et avait tenté d'éluder l'impôt. D'une part, cela n'avait aucun sens de prétendre que GSX avait eu « manifestement » un comportement fiscal douteux, alors même que la détermination de l'établissement stable, qui demande beaucoup de travail, ne peut être quelque chose de manifeste. D'autre part et surtout, ma réputation auprès de ces clients a été perdue. Je vends sur un microcosme. Envoyer de telles lettres à une dizaine de clients ne pouvait qu'avoir de très lourdes répercussions. Nous avons demandé l'accord du médiateur du ministère des finances pour que cela s'arrête. Nous l'avons obtenu mais en octobre, une dizaine de ces lettres sont reparties. Les services de Nice ne se sont pas excusés et se sont contentés de me dire qu'il s'agissait d'une erreur. Les pouvoirs et le cadre juridique dans lequel travaillent les inspecteurs sont totalement disproportionnés.
Troisièmement, les solutions.
On pourrait se demander ce qu'il faut penser du contrôle fiscal français. Cela nous amènerait deux réponses : la première, assez simpliste, consisterait à diaboliser les services ; la seconde, tout aussi simpliste, consisterait à dire que ce sont des gens très bien et que je n'ai pas eu de chance. Selon moi, il faut se poser d'autres questions : d'abord, que vaut le système de gouvernance ? Ensuite, y a-t-il suffisamment de contrôleurs capables de suivre les dossiers de façon efficace ? Enfin et surtout, sont-ils suffisamment formés ? Ce dernier point est en effet particulièrement important. Les personnes que j'ai eues en face de moi ne connaissaient pas suffisamment, ni la technique fiscale, ni le fonctionnement des entreprises. Je peux vous en donner des exemples précis.
Les premiers calculs de notification qui m'ont été transmis, qu'il s'agisse de la partie TVA, de la partie pénalités ou de la partie retards, étaient faux. Mon avocat et moi avons dû les appeler pour les amener à corriger leur copie, alors même que quatre niveaux hiérarchiques avaient probablement revu les calculs. Il a fallu que mon avocat explique à quelqu'un de l'équipe de Bercy ce qu'était un contentieux international, car il ne le savait pas. Le plus surprenant sans doute est que le directeur du contrôle régional de Marseille ait « mouché » devant moi ses équipes parce qu'elles s'étaient trompées dans les calculs de TVA sur la partie américaine. Donc, même sur la partie technique qu'ils devraient connaître, les services n'avaient pas le niveau de formation nécessaire.
Et ce n'est pas tout. En dehors du fait qu'ils pensaient qu'une pâtissière pouvait diriger une entreprise d'informatique, ils ont fait sur mon groupe des commentaires qui n'avaient pas lieu d'être, s'étonnant que je n'aie pas de patrimoine immobilier, contrairement à l'hôtel qu'il venait de contrôler, alors que je crée des logiciels, ou que je n'ai pas de stocks, comme un garage, alors même que je travaille sur de l'immatériel. En conclusion, ils ne savaient pas ce qu'était une entreprise.
Qu'avez-vous donc fait pour vérifier les connaissances de ceux qui ont la possibilité de demander une perquisition et de faire des saisies conservatoires ? Voilà ce que vous devez faire – et je suis tout à fait sérieux :
Je travaille avec de nombreuses entreprises de services en informatique, qui disposent de modèles de compétences très précis pour leurs ingénieurs, qu'ils affectent aux différents projets sur lesquels ils travaillent. Je vous conseille donc – reprenant ma casquette d'entrepreneur – de charger une commission, ou un groupe formé de gens venant du public et du privé, par exemple des cabinets d'audit, de dresser des référentiels de compétences minimales pour établir une grille et une cartographie des compétences de vos agents. Cela vous conduira à écarter les agents du contrôle fiscal qui n'ont pas les compétences nécessaires, car leur capacité de nuisance est trop importante, et à mettre en place une formation pour ceux qui en tireraient profit. Mais surtout, vous ne devez plus jamais lancer un seul contrôle sans avoir vérifié que vous pouvez y affecter les bonnes personnes disponibles en temps et en heure. C'est bien ainsi que procèdent que les sociétés de services informatiques avec qui nous travaillons comme partenaires. Inspirez-vous donc de leurs pratiques pour les adapter au contrôle fiscal.
Par ailleurs, et je reprends cette fois ma casquette de dirigeant de PME, vous devez être conscients que les processus de contrôle fiscal ne sont absolument pas adaptés aux groupes de quarante personnes évoqués par M. Gérard Pélisson – qui est probablement la référence pour de très nombreux entrepreneurs français – devant cette commission.
D'abord, quand un grand groupe fait l'objet d'un contrôle fiscal, le service juridique travaille plus un peu plus tard, on rajoute un juriste, mais les opérations ne sont pas affectées. Quand c'est le cas d'une PME, son dirigeant doit y consacrer 50 % de son temps. L'impact de ce contrôle fiscal est tout simplement énorme.
Ensuite, un grand groupe adore les contentieux. Il sait qu'au bout de dix ans, il va gagner et récupérer les droits qu'il aura déposés, assortis d'importants intérêts moratoires. Mais moi, je ne peux pas aller au contentieux. Imaginez que j'aille voir un banquier pour lui demander une ligne de crédit, que je lui précise que j'ai un contentieux qui va durer dix ans, pour lequel j'ai dû déposer des droits très élevés, mais que je vais gagner. Pensez-vous que je serai entendu ?
Enfin, le soutien de la classe politique n'est pas le même, selon qu'il s'agit d'un grand groupe ou d'une PME. Par exemple, on ne peut pas savoir si les ministres d'État qui ont promis de regarder mon dossier ont ou non fait quelque chose. En revanche, je doute que Bill Gates, qui est reçu par le Premier ministre lorsqu'il vient à Paris, n'ait pas parlé avec lui de la perquisition très médiatisée dont Microsoft a fait l'objet. Et moi, quand je viens à Paris, je parle devant un petit nombre de députés, et je ne suis pas reçu par le Premier ministre.
Vous pouvez agir tout de suite.
Il faut séparer les équipes – et donc les procédures – entre celles qui s'occupent de grands groupes et celles qui s'occupent de PME. Il faut restreindre les risques sur les saisies conservatoires.
Il faut limiter la capacité des inspecteurs de fixer des montants de redressement faramineux qui vont fondre par la suite, parce qu'ils pensent que les contentieux vont durer dix ans. Il faut adapter les recours à la taille des PME, le plus important étant de limiter la durée totale du contrôle fiscal à six mois – et pas deux ans, comme pour GSX. Si, au bout de six mois, les inspecteurs n'ont rien trouvé dans une PME, c'est qu'il n'y a rien à trouver.
Je discute régulièrement avec des patrons de PME installés à Genève. Certains ont vécu une expérience équivalente à la mienne, suffisamment douloureuse en tout cas pour décider de se déplacer en Suisse. Vous devez le prendre en considération.
Cependant, je ne voudrais pas rester sur une note trop négative. Il est en effet très encourageant que tous les talents qui sont dans cette commission travaillent sur ce sujet – même s'ils ont été peu nombreux aujourd'hui à venir écouter un patron de PME qui a pris le temps de venir leur parler.
Vous essayez de comprendre ce qui se passe, à partir de cas concrets, sans limiter vos auditions à des présidents d'université ou à des personnes plus généralistes. Mais ne faites pas un énième rapport, mettez en place sans attendre ce que je vous ai conseillé. Faites-le et faites-le savoir. C'est ce qui permettra de faire revenir la confiance. Et croyez-moi, je connais les entrepreneurs qui se sont déplacés et les entreprises qui doivent investir en France, tout se remettra en place.