Intervention de Christine Noiville

Réunion du 22 juillet 2014 à 15h00
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Christine Noiville :

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je vous remercie de me recevoir. Le Gouvernement m'a effectivement fait l'honneur de proposer ma candidature au poste de présidente du HCB, un organisme que je connais bien pour avoir présidé pendant cinq ans l'un de ses deux comités, le Comité économique, éthique et social (CEES). Avant de vous exposer la manière dont j'envisage cette nouvelle fonction, je prendrai quelques instants pour me présenter et pour retracer les grandes lignes de mon parcours.

Juriste de formation, je suis directrice de recherche au CNRS et je dirige l'équipe de recherche « Droit, sciences et techniques » de l'Université Paris I-Panthéon Sorbonne. Je travaille depuis vingt ans sur les rapports entre sciences et droit, à propos de sujets aussi divers que le risque, le principe de précaution, l'organisation de l'expertise scientifique, l'alerte et, bien sûr, toutes les questions induites par le développement des biotechnologies, en particulier l'encadrement des organismes génétiquement modifiés (OGM) et ce qu'il est convenu d'appeler la brevetabilité du vivant.

Ces thèmes d'actualité étant très sensibles du point de vue politique et social, j'ai toujours pris soin de les aborder en chercheur, selon une démarche scientifique, en m'engageant résolument dans la recherche collective, en participant à de nombreux contrats et réseaux de recherche interdisciplinaires. Quant au fond, je me suis efforcée d'analyser la manière dont notre société réagit ou s'adapte aux évolutions scientifiques et techniques contemporaines. Sur ces sujets, je suis l'auteur de nombreuses publications, et différentes institutions ou instances publiques – notamment le Comité d'éthique du CNRS et l'Institut des hautes études pour la science et la technologie – m'ont demandé de leur apporter mon point de vue et mon expertise.

Sans doute est-ce l'ensemble de ces éléments qui a conduit le Gouvernement à me confier en 2009 la présidence du CEES. Au cours de mes cinq années de mandat, j'ai contribué, avec Jean-Christophe Pagès, président du Comité scientifique du HCB, à donner une existence concrète à cette instance. De cette expérience, je retiens deux choses.

D'abord, l'exercice demandé au HCB, bien que moderne, et même très en phase avec l'évolution de la société, est évidemment délicat. En effet, vous le savez, l'on n'a pas affaire avec le HCB à une instance d'expertise classique, mais à une nouvelle manière d'éclairer la décision publique : d'un côté, un comité de scientifiques évalue les aspects environnementaux et sanitaires, de l'autre, un comité de parties prenantes se prononce sur les aspects dits sociétaux. Cette nouvelle expérience ne se fait naturellement pas d'un claquement de doigts. En particulier, elle met à l'épreuve la capacité de ces différents acteurs à dialoguer de manière constructive, ce qui n'est pas simple sur un sujet « polarisé » comme les OGM. En l'occurrence, cela ne s'est pas fait sans remous puisque 5 des 26 membres du CEES ont choisi, il y a deux ans et demi, de quitter le Comité.

Ce que je retiens ensuite, et avant tout, c'est que le bilan de ces cinq premières années est positif. Le HCB a été extrêmement sollicité ; nous avons rendu de très nombreux avis sur des dossiers aussi divers que l'utilisation confinée d'OGM, leur importation, leur mise sur le marché, l'étiquetage, l'information du public, la coexistence. Notre organisme s'est imposé comme un lieu de réflexion et de débat sur des questions qui n'avaient jusqu'alors pas été véritablement analysées ni discutées en termes pluridisciplinaires et contradictoires – je songe en particulier aux questions de propriété industrielle. En outre, grâce à notre double approche scientifique et sociétale, nous avons créé, je l'ai dit, une nouvelle manière d'éclairer la décision publique à l'heure où celle-ci doit justement être particulièrement sensible à la dimension sociétale de questions scientifiques controversées. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si le modèle du HCB suscite l'intérêt de plusieurs pays étrangers.

Pour ces raisons, je fais partie de ceux qui pensent que le HCB a une raison d'être et doit poursuivre sa mission. Voilà pourquoi j'ai envie de continuer de mettre mon énergie au service de cette instance.

Pour quel projet ?

Les cinq ans à venir doivent permettre de consolider les acquis, mais aussi de tirer les enseignements des difficultés apparues pendant le premier mandat et de tenir compte d'un contexte politique et juridique renouvelé, du moins en ce qui concerne la mise en culture de plantes génétiquement modifiées (PGM). En effet, la France a interdit toute culture de maïs transgénique sur son territoire et le droit européen pourrait être très prochainement modifié afin de conforter ce type d'interdictions nationales, mais le Gouvernement français souhaite que le débat se poursuive au sein du HCB, en particulier à propos des effets socio-économiques et agronomiques des OGM, insuffisamment étudiés jusqu'à présent.

C'est ce contexte qui doit déterminer la feuille de route de l'organisme au cours des cinq prochaines années. Celle que je proposerai au Bureau si je deviens présidente du HCB tiendra en quatre points.

Il faut d'abord – c'est le plus urgent – redonner de l'élan au HCB. Pour y parvenir, deux actions s'imposent. D'abord, faire revenir tout le monde à la table en réintégrant au CEES les organisations qui en ont démissionné. Plusieurs éléments laissent penser que le contexte est favorable : un nouveau décret régissant le fonctionnement du HCB va paraître, Stéphane Le Foll a fait part de sa volonté de rouvrir le débat et de nouvelles présidences au sein de l'organisme pourront imprimer à celui-ci une nouvelle dynamique. Ensuite, il faudra fixer au HCB un cadre clair, auquel tous ses membres puissent entièrement adhérer, en précisant son rôle, ses missions et ses règles de procédure.

En deuxième lieu, le HCB devra développer ses compétences dans des domaines d'expertise nouveaux et complexes. En effet, la crédibilité de l'organisme tient en grande partie à l'expertise qu'il apporte au décideur public. Il me paraît donc important qu'il se dote d'une compétence nouvelle en matière agronomique et socio-économique, surtout à l'heure où l'Europe reconnaît la nécessité d'évaluer les effets économiques, sociaux et agronomiques des OGM, comme leur sécurité, afin de mieux déterminer leurs avantages et leurs inconvénients pour l'ensemble de la société. L'Europe reprend d'ailleurs ainsi la démarche dont vous, parlementaires, vous étiez faits les pionniers en créant le HCB. Celui-ci doit prendre la part qui lui revient dans cette nouvelle dynamique en produisant des évaluations socio-économiques robustes ; nous avons commencé de nous y employer depuis dix-huit mois.

Troisièmement, le HCB devra fonctionner de manière plus « proactive ». Durant le premier mandat, en effet, nous avons essentiellement travaillé en réaction aux saisines ministérielles, le plus souvent au cas par cas, sur des dossiers de demande d'essai, d'importation ou de mise en culture de PGM. Le HCB doit évidemment continuer à assumer ce rôle de conseil, mais de façon renouvelée. D'abord, nous devrons autant que possible travailler de manière générique, par types de dossiers – maïs Bt, maïs tolérant aux herbicides, etc. –, en définissant une doctrine sur certains points récurrents. Cela nous permettra de gagner du temps, de ne pas « rejouer le match » chaque fois, mais aussi de ne pas démobiliser les membres du HCB et son secrétariat, qui ont parfois le sentiment de s'épuiser. Parallèlement, nous devrons mieux nous positionner comme organisme de veille au service des pouvoirs publics et comme instance de réflexion sur des questions transversales qui sont au coeur des débats relatifs aux biotechnologies. Le large écho dont ont bénéficié les autosaisines auxquelles nous avons procédé au cours des dernières années, sur l'accès aux données brutes des pétitionnaires ou sur les problèmes de propriété industrielle, ainsi que le colloque que nous venons d'organiser sur la brevetabilité des gènes, confirment que les attentes sont grandes en la matière.

Quatrièmement, il faudra accroître la visibilité du HCB et la lisibilité de ses travaux. Nos avis sont parfois complexes : souvent très techniques, ils se composent d'un avis du Comité scientifique et d'une recommandation du CEES ; ils abordent de multiples registres et font volontairement état des divergences qui ont pu s'exprimer au sein des comités, ce qui peut les rendre difficiles à comprendre. Il importe donc de clarifier nos messages, sans nier, naturellement, les divergences de vues.

Nous devrons aussi rendre le HCB plus visible dans le paysage institutionnel, d'abord en France, notamment en travaillant avec vous, parlementaires, ensuite en nous impliquant encore davantage dans les débats européens en cours, auprès du Bureau socio-économique européen récemment installé par la Commission européenne, des instances d'experts étrangères, et par le biais de journées d'échanges régulièrement organisées sous la houlette du HCB.

Élan, compétence, proactivité, lisibilité et visibilité : tels sont les grands axes d'évolution que je développerai si je suis nommée à la présidence du HCB. Il me semble que j'ai la légitimité et les capacités requises pour ce poste. Je connais bien l'institution, ses points forts, les améliorations auxquelles elle doit travailler. Comme présidente du CEES, je crois avoir fait preuve d'écoute, d'autorité et de ténacité ; j'y ai fait vivre le débat sans jamais être étiquetée ni considérée comme partiale – du moins je le crois ; j'y ai fait preuve d'énergie en ouvrant des dossiers difficiles, ce qui a permis des progrès dans certains domaines, tout particulièrement en matière de propriété intellectuelle ou industrielle ; j'ai toujours accompagné avec mesure les évolutions scientifiques. C'est sur cette voie que je continuerai, pleinement investie dans ma mission, en veillant à ce que l'organisme produise des expertises robustes et respectées et à ce que le débat au sein du CEES soit de bonne tenue et constructif.

Tel est le souffle que je souhaite donner au HCB ; j'espère que vous serez à mes côtés dans cette entreprise.

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