Intervention de Guillaume Larrivé

Réunion du 22 juillet 2014 à 15h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGuillaume Larrivé :

Je me réjouis que notre Commission examine ce projet de loi dans le cadre de la procédure accélérée.

Nous avons un triple devoir : de vérité, d'unité et d'efficacité.

Devoir de vérité, car la menace est très sérieuse en effet. Il faut nommer notre adversaire, incarné par les tenants de l'islamisme radical, connecté à des voyous de droit commun. Il n'y a pas d'étanchéité totale entre les terroristes et des délinquants de droit commun s'agissant notamment du financement et de l'armement, ni entre la sécurité extérieure et la sécurité intérieure. Il faut raisonner et agir globalement.

Nous avons aussi un devoir d'unité : la sécurité nationale est un bien commun. Le rassemblement de tous les responsables publics sur tous les bancs nous paraît être une nécessité évidente. Il est vrai que l'opposition en 2006 s'était abstenue sur la loi relative à l'antiterrorisme présentée par Nicolas Sarkozy. L'actuelle opposition a su, au contraire, prendre ses responsabilités en approuvant la loi antiterroriste de 2012 présentée par Manuel Valls et c'est dans cet état d'esprit que nous abordons la discussion de ce projet de loi.

Enfin, nous avons surtout un devoir d'efficacité. Il faut utiliser plusieurs leviers. Au plan diplomatique et militaire, on peut se réjouir de la récente réorganisation des forces françaises en Afrique avec l'opération Barkhane, qui doit être saluée comme une avancée. Au plan opérationnel et budgétaire, sans doute faut-il veiller à ce que le renforcement des moyens d'expertise et d'intervention des services de renseignement extérieurs et intérieurs soit une priorité du projet de loi de finances pour 2015, dans la continuité des efforts réalisés ces dernières années. Au plan juridique, ce projet de loi va dans le bon sens en réussissant à sauvegarder le nécessaire équilibre – auquel nous sommes tous attachés – entre la préservation de l'ordre public et le respect des libertés.

Je souhaite saluer à titre liminaire trois mesures clés. Vous avez raison de tenter de mieux appréhender, en les qualifiant d'actes de terrorisme, les actes préparatoires isolés relevant d'une entreprise terroriste individuelle. Vous poursuivez ainsi la démarche engagée par la loi Debré de 1996 sur l'association de malfaiteurs en vue de la commission d'actes terroristes. Vous avez également raison de tenter de limiter les sorties du territoire en vue de rejoindre un théâtre djihadiste extérieur, ce qui permet par définition de s'assurer du non-retour. Vous avez enfin raison de vouloir créer ainsi une police administrative, comme c'est le cas en Allemagne et au Royaume-Uni, cette police permettant une diligence et une adaptation au plus près de l'évolution des faits.

Je pense néanmoins qu'il faut améliorer le dispositif. Je présenterai donc un amendement tendant à autoriser l'autorité administrative à retirer non seulement le passeport mais aussi la carte nationale d'identité. Cela est nécessaire pour limiter les déplacements dans les pays de l'Espace Schengen et dans certains pays tiers comme la Turquie, qui acceptent l'entrée de nos ressortissants sur simple production d'une carte d'identité. Sans doute faut-il prévoir la délivrance d'un récépissé pour que le ressortissant puisse continuer à justifier en France de son identité.

Mais il faut être conscient que le dispositif ne sera pas parfait puisqu'il ne règle pas la question du déplacement des binationaux qui, alors même qu'ils seraient privés de leur passeport ou de leur carte d'identité français, auraient toujours la faculté de voyager grâce à un titre d'identité étranger. Cela ne doit pas pour autant nous convaincre qu'il ne faut pas voter ce texte, qui est déjà un premier pas nécessaire.

Je veux saluer aussi votre effort de lutte contre la provocation à des actes terroristes ou à l'apologie de ceux-ci sur Internet. Et j'approuve l'article 9 du projet, qui est équilibré et proportionné, dans une rédaction très proche de celle de la proposition de loi que j'avais présentée le mois dernier avec mes collègues Éric Ciotti et Philippe Goujon.

Le rapporteur a raison de dire que la nécessaire recherche du blocage de l'accès par les fournisseurs d'accès ne doit pas nous dispenser de tenter d'obtenir le retrait des contenus par les hébergeurs ou les éditeurs lorsque c'est possible. Mais comme il peut être parfois impossible d'obtenir ce retrait, notamment lorsque les hébergeurs ne sont pas identifiés ou qu'ils sont localisés à l'étranger, cela doit nous inciter à bloquer le canal, c'est-à-dire l'accès aux sites par l'intermédiaire des fournisseurs d'accès.

Je présenterai par ailleurs d'autres amendements, dont un notamment pour consolider le régime des perquisitions informatiques.

Notre devoir d'efficacité est aussi un devoir de cohérence tant au niveau international que national. Prenez garde, monsieur le ministre, à ce que des initiatives latérales ne viennent pas contrarier la sécurité nationale ! À cet égard, j'appelle votre attention sur les récentes déclarations de Mme Adeline Hazan, nouvellement nommée Contrôleure générale des lieux de privation de liberté, qui s'est dit favorable il y a quelques jours sur France Inter à la légalisation de l'usage du téléphone portable dans les prisons, précisant que « faire en sorte que les détenus ne coupent pas les ponts avec l'environnement est un moyen de préparer dans de meilleures conditions leur sortie ». Je forme le voeu que, dans le dialogue interministériel que ne manquera pas de susciter cette proposition, votre ministère fasse entendre la voix de la raison et s'oppose fermement à une telle évolution.

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