Intervention de Marie-Françoise Bechtel

Réunion du 22 juillet 2014 à 15h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-Françoise Bechtel :

La visée de ce projet, faire obstacle à la facilitation de l'action terroriste au sens large et en particulier lorsqu'elle est véhiculée par Internet, ne fait pas en elle-même l'objet de discussions. Aussi ne reviendrai-je pas sur les nombreux faits relevant de l'émotionnel qui ont défrayé la chronique et conduit à interroger les pouvoirs publics.

Le présent projet de loi fait-il la place à tout ce qu'il est possible de faire en matière d'incitation au terrorisme ? On ne peut malheureusement pas insulter l'avenir mais l'on peut néanmoins évoquer un avenir noir. On ne peut hélas prévoir quel dévoiement nouveau pourrait se manifester, notamment par le biais d'Internet, véhicule qui permet à l'imagination, fût-elle la plus mal orientée, de se déployer. En tout état de cause, il convient d'éviter la précipitation et l'anticipation fébriles. Depuis le vote de la loi de décembre 2012 et l'examen récent d'une proposition de loi sur le sujet, on constate qu'une réflexion est en cours et qu'il est nécessaire de trouver des points d'équilibre.

Le texte que nous propose ici le Gouvernement repose précisément sur le souci d'un équilibre entre les libertés publiques auxquelles nous sommes tous attachés et la nécessité de prévenir voire de réprimer les comportements ou actes pouvant favoriser le terrorisme. Nous y reviendrons notamment à propos des articles 1er et 9. Il conviendra d'éviter que l'utilisation de mécanismes nouveaux tels que le blocage des sites n'ait des effets pervers, en altérant la liberté de communication sans aboutir au moindre résultat. Il me semble néanmoins qu'avec l'article 9, le Gouvernement a trouvé un point d'équilibre.

D'un point de vue plus global, le projet de loi est utile, sous réserve de modifications qu'il serait normal que la procédure parlementaire puisse apporter. D'ores et déjà, de nombreux amendements ont été déposés par le rapporteur et par certains membres de l'opposition. Comme le texte comporte plusieurs points délicats, comme il a fallu arriver à un équilibre sur des notions parfois équivoques, il serait opportun que d'autres amendements puissent être déposés au nom du groupe majoritaire d'ici à la rentrée parlementaire, avant l'examen du texte en séance publique. Dans cette perspective, je vous demanderai l'autorisation, monsieur le président, de prendre la parole sur les articles 1er, 5, 9 et 13.

Internet n'est pas l'alpha et l'oméga de l'apprentissage du terrorisme. Ne renonçons pas à poursuivre notre réflexion sur les modalités et les lieux de propagation terroriste, collective ou individuelle – notamment l'univers carcéral –, même si elle ne débouche pas nécessairement sur l'élaboration de dispositions législatives. Il nous faudra aussi nous interroger sur les moyens de mieux sanctionner l'exposition des mineurs à des images ou à des messages faisant l'apologie du terrorisme, peut-être en les alignant sur les sanctions prévues en matière de violence sexuelle, d'initiation au commerce de la drogue ou de pornographie.

Enfin, monsieur le ministre, vous avez évoqué la concertation européenne sur la question de la responsabilité des fournisseurs d'accès à Internet et des hébergeurs – point auquel vous nous aviez déjà sensibilisés lors de votre précédente audition devant nous. J'aurais souhaité en savoir plus mais je comprends que la concertation se poursuit. Et je me félicite de ce que vous ayez évoqué la possibilité pour les responsables européens d'engager une franche discussion avec les autorités américaines – qui font aujourd'hui fortement obstacle à toute action préventive ou répressive sur les contenus. À l'heure où s'engagent les négociations transatlantiques en vue de conclure un nouveau traité de commerce, comment comprendre qu'un objectif lié à la marchandisation des contenus violents ou attentatoires à la dignité ne puisse être pris en compte dans le cadre d'une négociation parallèle avec les autorités américaines ? Il nous faut absolument adopter une politique européenne en la matière. La France pourrait être un aiguillon de cette politique. En ayant perçu quelques prémices dans votre propos introductif, je serais heureuse d'en avoir la confirmation.

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