En France, la place de la culture scientifique ne cesse de régresser. Dans les ministères et les directions des grandes institutions publiques, les ingénieurs et scientifiques sont maintenant en nombre insignifiant. Il s'ensuit parfois des décisions qui pèchent par un manque d'objectivité flagrant vis-à-vis des connaissances scientifiques reconnues par la communauté scientifique mondiale.
S'il est un sujet qui constitue un défi scientifique, assorti d'une dimension sociale, c'est bien le cancer. Jusqu'à présent, la France a essayé de tenir son rang dans la lutte contre les maladies identifiées comme les premières causes de mortalité dans notre pays. Moyennant quoi, nous avons beaucoup progressé dans la prévention contre les maladies cardiovasculaires et dans leur traitement. Les difficultés sur lesquelles nous buttons maintenant ne pourront être identifiées et résolues que par la science.
Monsieur Breton, la dimension scientifique n'est que peu présente dans votre parcours et votre formation. Cela peut être un atout comme un handicap. Ce sera un handicap si vous vous laissez aller à l'émotion, si vous cédez aux lobbies ou aux groupes qui, de façon tout à fait légitime, pensent que la maladie cancéreuse est essentiellement liée à des raisons de société ou d'exposition à certains agents cancérigènes. Vous pouvez en faire un atout si vous vous entourez de scientifiques reconnus, de haut niveau, qui vous éviteront bien des erreurs en vous incitant à peser vos décisions à l'aune du bénéficerisque. Force est de reconnaître que, depuis l'émergence du principe de précaution, nous avons perdu, en France, le regard objectif et équilibré qui nous permettait de prendre distance et hauteur vis-à-vis de ces questions. Certaines questions posées ici sont révélatrices de ce qu'aujourd'hui on a tendance à soulever des problèmes d'ordre scientifique sans prendre d'abord l'avis des scientifiques. Les médias relaient beaucoup plus les expressions émotionnelles, parfois dans le but de faire peur. C'est très inquiétant.
La lutte contre le cancer passe par la prévention, mais aussi et surtout par la recherche, fondamentale et thérapeutique. Elle doit évoluer dans le domaine de l'innovation et du progrès. Or la France est sous-équipée pour le dépistage, ce qui devient un vrai problème. Quant aux traitements qui promettent des progrès spectaculaires et suscitent de grands espoirs, ils méritent qu'on prenne à la fois des risques et des engagements financiers.
Ces questions doivent être appréhendées de façon scientifique et les décisions étayées et prises sur des bases objectives, hors de toute considération émotionnelle, arbitraire, voire dogmatique, et encore moins politique. Comment entendez-vous respecter ces impératifs ?