Intervention de Marc Laffineur

Réunion du 23 juillet 2014 à 11h30
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarc Laffineur, co-rapporteur :

S'agissant tout d'abord du recours aux instruments de souplesse, qu'il s'agisse de la marge pour imprévus en 2014 ou de l'instrument de flexibilité pour Chypre en 2015, je pense que cela doit se faire dans le respect des règles posées par le règlement fixant le cadre financier pluriannuel (CFP) et par l'accord interinstitutionnel.

Cela signifie en particulier que la mobilisation de ces instruments, auxquels les institutions font appel en cours de gestion pour faire face à des événements imprévus, ne doit pas conduire à dépasser le plafond fixé chaque année en crédits de paiement.

Il y a deux justifications fortes à ce principe.

La première est que les textes européens, qui visent explicitement la possibilité de dépasser les plafonds au titre des instruments de souplesse en engagements, ne le prévoient pas en paiements. D'ailleurs, un amendement du Parlement européen allant en ce sens avait été refusé lors des négociations sur les textes financiers, ce qui prouve bien que telle n'a pas été la volonté des législateurs.

La seconde justification à l'interdiction de mobiliser les instruments de flexibilité au-delà des plafonds en paiements réside dans le fait que cela revient à remettre en cause les plafonds fixés par les chefs d'Etat et de gouvernement et le Parlement européen, qui constituaient un bon équilibre entre les défis que l'Union doit relever en matière de croissance, de compétitivité et de solidarité et les contraintes budgétaires qui pèsent sur les Etats membres.

La proposition de la Commission européenne, qui apparaît comme une réaction parce qu'elle n'a pas obtenu gain de cause sur les plafonds du CFP 2014-2020, revient en réalité à vider de son sens l'accord auquel sont difficilement parvenus les branches de l'autorité budgétaire.

Pour ce qui concerne ensuite le projet de budget pour 2015, il me semble que la proposition de la Commission européenne de saturer le plafond des crédits de paiement équivaut, là aussi, à remettre en cause les plafonds fixés dans le CFP.

En effet, au vu des exercices budgétaires passés, il y aura certainement besoin de mobiliser, au cours de l'année 2015, les instruments de souplesse, ne serait-ce que pour faire face à un événement imprévu comme des inondations, un tremblement de terre ou une autre catastrophe naturelle, et cela ne pourra alors se faire que par dépassement du plafond en paiements, en violation de l'accord.

Afin d'assurer le respect de cet accord, il convient au contraire de voter des budgets annuels comportant des marges suffisantes sous les plafonds qui, je le rappelle, ne constituent pas des objectifs de dépenses. Il s'agit ainsi de permettre de faire face aux aléas qui peuvent intervenir en cours de gestion sans remettre en cause le cadre financier pluriannuel.

Il me semble en particulier que, dans le projet de budget pour 2015, le niveau des paiements doit être revu, de telle sorte qu'une marge puisse être préservée à des fins de mobilisation en cours de gestion.

Cette révision à la baisse des crédits de paiement apparaît d'autant plus justifiée, si l'on compare les évolutions entre le budget européen et les budgets nationaux. Il existe par exemple un décalage très net entre l'évolution des finances publiques européennes et françaises. Ainsi, alors que le projet de budget pour 2015 proposé par la Commission européenne enregistre une forte progression, de 5 %, des paiements par rapport au budget initial pour 2014, le budget de l'État français devrait baisser de 1 % entre la LFI pour 2014 et le PLF 2015, selon les informations transmises par le Gouvernement lors du débat d'orientation des finances publiques.

Il convient d'ailleurs de garder à l'esprit que, dans un contexte de maîtrise des dépenses publiques, la progression dynamique de la contribution française au budget de l'Union contraint d'autant les moyens des ministères, compte tenu de la prise en compte de la contribution au budget européen dans la norme de dépenses de l'Etat.

Au total, il me semble que le projet de budget pour 2015 doit refléter un équilibre entre le besoin de préserver une marge de sécurité en paiements et la nécessité de disposer des moyens nécessaires pour conduire les politiques prioritaires en matière de soutien à la croissance et à l'emploi, y compris dans le domaine agricole. Cela suppose de déterminer précisément le niveau des besoins en engagements et en paiements, en prenant en compte l'exécution budgétaire des deux dernières années et celle en cours ainsi que les capacités d'absorption réelles des programmes.

À cet égard, si les principes de prudence budgétaire prônés par le Conseil me semble plutôt de bon aloi, je m'interroge sur la pertinence et l'ampleur de certaines coupes proposées par le Conseil, notamment sur la rubrique 1A (en particulier sur ITER, Galileo et Horizon 2020) et sur la rubrique 2.

En tout état de cause, j'estime que des efforts supplémentaires peuvent et doivent être réalisés sur les dépenses administratives, au profit des programmes opérationnels.

En particulier, il me semble que l'ensemble des institutions doivent participer à l'objectif de réduction de 5 % de leurs effectifs entre 2013 et 2017 fixé dans l'accord interinstitutionnel.

Or, si la plupart des institutions ont commencé à faire des efforts, la réalisation de l'objectif a d'ores et déjà pris du retard et pourrait même être remise en question.

Ainsi, le Parlement européen a renforcé ses effectifs de 102 emplois en 2013 et 2014, alors que son objectif de réduction est, en moyenne, de – 67 emplois par an.

Par ailleurs, les modalités d'application retenues ne garantissent pas une véritable maîtrise des effectifs.

Ainsi, il n'est tenu compte ni des effectifs liés à l'adhésion de la Croatie en 2013 (soit 635 ETP) – ce qui apparaît logique et est expressément prévu dans l'accord interinstitutionnel –, ni – et c'est plus étonnant – de ceux destinés à accompagner des renforcements de compétence comme c'est le cas pour la Cour de justice de l'Union européenne par exemple.

Ensuite, les effectifs concernés incluent les seuls personnels statutaires, ce qui exclut les agents contractuels, les intérimaires et les experts nationaux détachés. Les institutions ont donc tendance à recourir davantage aux contractuels, afin de compenser la réduction de leur personnel permanent.

Il m'apparaît donc nécessaire de remédier au plus vite à ces faiblesses. Sinon, l'objectif de maîtrise des effectifs fixés par le Conseil européen restera lettre morte.

Pour conclure, je ne pourrai pas voter en faveur des propositions de conclusions qui sont soumises à la Commission aujourd'hui car elles valident le principe du dépassement des plafonds en paiements, même si je suis en accord avec plusieurs points comme, par exemple, les points 2 et 3 relatifs au volet « recettes » du budget.

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