Intervention de David Salas y Melia

Réunion du 16 juillet 2014 à 9h00
Commission des affaires étrangères

David Salas y Melia, responsable de l'équipe de recherche « Assemblage du système Terre et étude des rétroactions climatiques » du Groupe de météorologie à grande échelle et climat, GMGEC :

Avant de laisser M. Jean-Louis Dufresne vous parler de l'avenir, je vous propose de jeter un regard sur les évolutions intervenues dans le passé et leurs conséquences actuelles.

Aujourd'hui, le système climatique retient de la chaleur. Il est comparable à un poids lourd lancé à grande vitesse, dont il s'agit d'interrompre la course ou d'infléchir la trajectoire. 90 % de cette chaleur va dans les océans, qui se sont déjà réchauffés de 6 dixièmes de degré depuis une centaine d'années. D'autres compartiments consomment de la chaleur en fondant : les glaces marines qui flottent sur l'Arctique et autour de l'Antarctique, et fondent aujourd'hui rapidement, surtout du côté de l'Arctique ; les glaces des régions continentales qui stockent de l'eau et fondent également à grande vitesse, ce qui est plus gênant dans la mesure où cette eau vient s'ajouter à celle des océans dont le niveau s'élève de plus en plus vite. Ainsi, le Groenland perd environ 200 milliards de tonnes de glace par an, soit environ 200 kilomètres cubes, c'est-à-dire un gros glaçon de 20 kilomètres par 10 kilomètres par 1 kilomètre : ce volume est massif. La hausse du niveau des océans, qui atteint 3 millimètres par an, est due pour moitié environ à la fonte des glaces continentales et à de l'eau pompée dans le sous-sol qui finit par se déverser dans l'océan, et pour moitié à la dilatation de l'océan sous l'effet du réchauffement.

On entend plus souvent parler du réchauffement de la température en surface. Depuis le début du xxe siècle, celle-ci a augmenté de presque 9 dixièmes de degré à l'échelle mondiale, et d'un peu plus d'un degré en France. Ce dernier chiffre peut ne pas paraître très élevé au regard des échelles géologiques, mais il convient de le rapporter au réchauffement de 4 degrés survenu entre le dernier âge glaciaire et la période actuelle, et qui aura pris dix mille ans !

Le réchauffement climatique fait également sentir ses effets sur les précipitations, mais d'une manière qui n'est pas uniforme : les précipitations ont tendance à augmenter dans certaines régions, par exemple au Nord de l'Europe, mais à diminuer au Sud du continent ou dans des régions semi-arides, ce qui pose aux habitants les problèmes que l'on imagine.

Les événements extrêmes, comme le cyclone Haiyan qui a ravagé les Philippines l'an dernier, sont-ils une manifestation du changement climatique ? À cette question fréquente, nous avons un peu de mal à répondre. M. Jean-Louis Dufresne pourra vous donner quelques éléments concernant l'avenir, mais, pour l'instant, nous n'avons pas l'impression que les tempêtes en France, par exemple, aient été de plus en plus nombreuses au cours des cinquante dernières années : les statistiques de Météo-France ne montrent rien de tel. Le nombre de cyclones ne semble pas non plus avoir augmenté, à la différence peut-être de leur intensité.

Enfin, depuis le début du xixe siècle, nous avons émis environ 1 800 milliards de tonnes de gaz carbonique – le gaz à effet de serre dont l'ajout dans l'atmosphère a le plus d'effet sur le changement climatique – et nous continuons d'en émettre 35 milliards de tonnes par an. 40 % du gaz ainsi émis se retrouve stocké dans l'atmosphère et devrait y persister quelques siècles ; il continuera donc de réchauffer le climat même si nous cessons d'émettre. 30 % est absorbé au niveau des surfaces continentales, et 30 % va dans l'océan qu'il contribue à acidifier – de 0,1 unité de pH –, ce qui est néfaste pour nombre d'organismes marins.

L'émission de gaz carbonique se poursuit donc, à un rythme qui est en train d'accélérer. Que va-t-il se passer à l'avenir ? Pourrons-nous continuer d'émettre à ce rythme tout en maintenant les objectifs actuellement en vigueur ?

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