La question des budgets est évidemment essentielle. Météo-France travaille sous l'autorité du ministère, et signe avec l'État un contrat d'objectifs et de performance qui fixe les orientations stratégiques à cinq ans et conditionne la mise à disposition de ses moyens. Pour demeurer à la pointe de notre activité au niveau international, nous recherchons aussi en permanence des financements extérieurs notamment européens et locaux. Le programme Copernicus de la Commission européenne vise, par exemple, à mettre en place des services opérationnels à l'échelle de l'Union. Nous y participons même s'il ne s'agit pas pour nous d'une démarche originale, car la mutualisation des services météorologiques se pratique depuis très longtemps. Les contrats de plan État-région peuvent aussi apporter des cofinancements.
La question de la géo-ingénierie sera posée dans le cadre des négociations internationales. Pour la traiter de façon efficace, les équipes françaises devront impérativement disposer des moyens leur permettant de prendre une position. Lorsque des « Géo Trouvetou » nous proposerons demain de modifier la composition de notre atmosphère et d'y ajouter des composants, elles devront en effet être capables de mesurer les risques encourus, les dommages collatéraux potentiels et les bénéfices à en tirer.
Nous découvrons progressivement les conséquences du changement climatique, et nous sommes en permanence confrontés à de nouveaux sujets d'une redoutable complexité. Pour y faire face, nous avons besoin de toujours plus de moyens humains et financiers.
Les divers organismes scientifiques travaillent ensemble et partagent leurs ressources, en particulier au niveau européen. Nous cherchons ainsi à développer des services agro-hydro-climatiques qui permettraient de surveiller de façon coordonnée la production agricole, les intrants chimiques dans les sols, la qualité des eaux, la température de celles qui servent au refroidissement des centrales nucléaires…
Des pas de géants ont été accomplis collectivement par les divers organismes scientifiques pour informer sur les données climatiques – nous appelons le transfert de ces informations « services climatiques ». Le portail DRIAS participe de notre volonté de diffuser l'information le plus largement possible. Les divers scénarios climatiques ont ainsi été mis librement à disposition, et les données du passé sont en passe de l'être intégralement. Nous répondons aussi aux questions des collectivités locales pour que les diagnostics ne soient pas remis en cause et que chaque territoire comprenne les enjeux climatiques qui le concernent. Quoi qu'il en soit, tous les travaux actuels confirment que la réduction des émissions de carbone et l'adaptation doivent constituer les deux volets indispensables de notre action collective.
Les scientifiques sortent désormais de leurs laboratoires pour rencontrer la population. Il nous faut en effet passer de nos modèles théoriques au vécu de terrain des agriculteurs ou des élus. Nous en venons alors rapidement au constat que le climat, c'est le monde dans sa complexité avec ses enjeux politiques. Nos discussions commencent par porter sur la calotte polaire, puis les élus finissent par nous expliquer que, tandis qu'ils versent le RSA aux ébénistes qui ne travaillent plus, ils voient passer des camions chargés de billes de bois qui se dirigent vers Fos-sur-Mer et d'autres en revenir remplis de meubles. Ces rencontres nous aident à rendre plus utiles les données que nous élaborons. Après avoir constaté que les tempêtes de décembre 1999 avaient causé plusieurs décès sans être à l'origine d'aucun accident industriel, les météorologues ont décidé d'adopter un langage compréhensible par le public : plutôt que de parler de paramètres météorologiques, les schémas de vigilance utilisent désormais les niveaux de risque et des codes couleurs. De la même façon, nous devons traduire pour le grand public les informations relatives au changement climatique. Les données que nous fournissons aujourd'hui le laissent en effet trop souvent dubitatif parce qu'elles ne lui parlent pas – après tout, une augmentation de quelques degrés peut paraître relativement insignifiante.
J'indique enfin que les pays du Sud, qui rencontrent déjà des difficultés considérables, verront ces dernières exacerbées par les effets du réchauffement climatique. Cela dit, comme Mme Lignières-Cassou a sans doute pu le constater, les Chinois évoluent déjà très rapidement pour la simple et bonne raison qu'ils prennent conscience que leur modèle de développement n'est pas durable.