Intervention de Arnaud Vaissié

Réunion du 16 juillet 2014 à 17h00
Commission d'enquête sur l'exil des forces vives de france

Arnaud Vaissié, président d'International SOS et de CCI France International :

Le problème est que l'écart fiscal existe pour toutes les catégories d'impôt mais il ne touche pas les contribuables avec un salaire intermédiaire. Il concerne donc essentiellement les salaires relativement élevés, ceux qui ont du capital et les start-ups.

Aujourd'hui, celui qui a du capital et veut vendre son entreprise a intérêt à quitter la France avant de le faire. La fiscalité applicable en France est sans commune mesure avec celle qui est applicable en Grande-Bretagne ou dans les autres pays de l'Union européenne. L'écart est fort, au point que l'on peut dire que la fiscalité française sur le capital est décorrélée de celle de l'Union européenne. Or nous avons instauré la libre circulation des hommes et des biens au sein l'Union européenne, et le bon sens voudrait qu'en matière de fiscalité sur le capital, l'écart n'excède pas 20 % par rapport aux Allemands, aux Britanniques ou à la moyenne des pays européens. Dans le cas particulier de la fiscalité des actions distribuées aux salariés, l'écart atteint même 80 % ! Il faut revenir sur les textes, qui ont extrêmement peu d'impact fiscal en France, mais un impact absolument déplorable sur l'attractivité du territoire.

Le raisonnement est le même, s'agissant de l'impôt sur les sociétés. Celui-ci est maintenant décorrélé de celui des Britanniques. Le taux français est de 37 % et atteint presque le double du taux britannique, qui est de 20 %. Un tel écart fait qu'un chef d'entreprise responsable doit réfléchir à la localisation de son groupe. Je le dis d'autant plus facilement que j'ai fait rentrer mon groupe en France – ce qui n'est peut-être pas la meilleure décision que j'ai prise.

Enfin, les charges sociales représentent en France 50 %. La seule chose que regarde une entreprise qui embauche un grand cadre est son coût total pour l'entreprise. 50 % de son salaire partira en charges sociales, ce qui n'existe ni en Allemagne, ni Grande-Bretagne, ni dans les autres pays.

On peut se permettre d'avoir un écart sur un de ces impôts, mais pas sur tous. Or, aujourd'hui, l'écart nous est à chaque fois défavorable. Il faut donc s'attaquer à la fiscalité du capital et à celle des hauts salaires. Je sais que ce n'est pas populaire en ce moment, mais il faut savoir que tous nos grands groupes sont en train de réfléchir à propos de leur implantation. En outre, lorsqu'un départ a eu lieu, le retour est extraordinairement improbable. Il faut donc réagir avant que les groupes ne soient partis. Aujourd'hui, la situation est très préoccupante.

Peu de gens réalisent que depuis trois ans – les douze derniers mois du précédent quinquennat et les deux premières années de celui-ci – l'accroissement de la fiscalité a touché les mêmes catégories, à savoir les entreprises et les hauts salaires, et que ces augmentations cumulées ont abouti à créer l'écart que je viens de dénoncer. Le problème est que le départ des entreprises et des hauts responsables ne peut avoir que deux conséquences : une diminution de l'investissement et une augmentation du chômage.

Le Cercle d'outre-Manche vient de sortir un rapport intitulé « la France et le Royaume-Uni face à la crise ». Il en ressort que la Grande-Bretagne – qui connaissait la crise la plus sévère – a engagé une politique faite de mesures en faveur de l'investissement, de réduction des dépenses publiques, et très prudente face à l'impôt. Les résultats sont aujourd'hui spectaculaires : une croissance de plus de 3,5 % et un taux de chômage de 6 %. Nous avons adopté exactement la politique inverse, pour les résultats que nous connaissons. Je précise que la période étudiée couvre les années 2008-2014.

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