Intervention de Élisabeth Guigou

Réunion du 2 juillet 2014 à 17h00
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉlisabeth Guigou, présidente :

Je remercie Monsieur le Ministre d'être avec nous et d'avoir accepté que nos deux commissions l'auditionnent, après le Conseil européen qui a eu lieu jeudi et vendredi derniers. La proposition de Jean-Claude Junker à la nomination comme Président de la Commission européenne est évidemment le résultat qui a suscité le plus de commentaires dans la presse. Cette proposition a été faite dès le début avec le soutien de la France, qui plaidait depuis longtemps pour que le chef du parti arrivé en tête aux élections européennes soit aussi le candidat proposé à l'approbation du Parlement européen pour diriger la Commission. La proposition de la candidature de Jean-Claude Junker constitue donc un changement significatif du mode de désignation du Président de la Commission, conformément au traité, avec un poids accru donné au Parlement européen. Vous avez tous noté que le Premier ministre britannique David Cameron a vigoureusement exprimé son opposition à l'occasion de tribunes dans la presse. Il a ensuite été rejoint dans son vote négatif par le Premier ministre hongrois, Viktor Orbán.

Parallèlement à cette décision, contre laquelle aucune majorité ne s'est pourtant dégagée, les conclusions du Conseil européen donnent une feuille de route pour les cinq années à venir, autour de cinq grands thèmes que vous pourrez sans doute expliciter pour nous. Nous avons le sentiment que le Conseil européen évolue dans la direction souhaitée par le Président de la République depuis juin 2012, dans le sens d'une attention plus grande portée à la croissance. Une prise de conscience salutaire s'est affirmée à ce propos, et la réunion le 21 juin des membres sociaux-démocrates du Conseil européen n'y est pas étrangère. De même, l'appui de Matteo Renzi, dont le succès éclatant aux élections européennes a beaucoup impressionné, constitue un soutien important aux positions françaises. Si vous pouvez nous apporter un éclairage détaillé sur les positions françaises dans plusieurs des volets visés dans les conclusions, cela nous serait très utile.

Bien qu'il faille relever une évolution salutaire dans la prise en compte de la question de la croissance économique au niveau des priorités européennes, je regrette toutefois que la rédaction des conclusions n'aille pas plus loin sur ce sujet. Ainsi, même si l'on insiste sur le principe de la création d'instruments spécifiques, il n'est pas fait mention des conditions de leur mise en oeuvre ou de leur financement. En revanche, les conclusions sont beaucoup plus détaillées sur la nécessité, certes indispensable, de réduire les déséquilibres des finances publiques et de poursuivre les réformes structurelles. Il reste donc à mon sens des marges d'amélioration pour la prise en compte de la croissance.

Les recommandations de la Commission pour la zone euro me paraissent également un peu décevantes, au sens où la nécessité de la coordination macroéconomique n'est pas assez soulignée : cette coordination est pourtant l'une des clés majeures pour relancer la croissance au niveau européen.

Certains ont évoqué la création d'un « conseil de l'économie réelle », aux côtés d'un conseil Ecofin traditionnellement plus porté sur les questions de régulation financière : qu'en pensez-vous M. le Ministre ? Quelles sont les mesures concrètes envisageables pour répondre aux objectifs du programme stratégique annexé aux conclusions du Conseil européen ? Ces objectifs évoquent la mise en place dans chaque Etat de « filets de sécurité » : qu'entend-on par là et que peut-on mettre de concret derrière cette intention ?

Quelles sont également les mesures concrètes de financement des investissements à long terme et de la recherche. Est-il envisagé que des fonds publics, ainsi que de l'épargne privée, puissent être mobilisés ? Evoque-t-on la création d'un Fonds européen qui émettrait des obligations de projets ? La création d'eurobonds continue-t-elle à être défendue et discutée, comme celle d'une capacité fiscale propre à l'Union européenne ?

Nous savons en effet que nos budgets nationaux sont très contraints. Face à un budget européen trop faible, il faut évidemment une capacité de financement complémentaire et conséquente pour consolider l'espace économique européen et assurer la croissance et la compétitivité. Il faut pour cela réaliser des investissements importants dans des secteurs d'avenir comme le numérique, les interconnexions dans les transports ou l'énergie. L'énergie constitue véritablement un domaine dans lequel nous devons réaliser de grands progrès pour assurer à la fois la sécurité énergétique de notre continent, dont la crise ukrainienne a illustré les limites, et l'efficacité énergétique. Que pouvez-vous nous dire sur ce sujet alors que nos réflexions commencent avec la préparation de la Conférence sur le climat qui se tiendra à Paris en 2015 ?

Le premier volet des conclusions traite de façon très détaillée de l'espace de sécurité, de liberté et de justice. Ce sujet est particulièrement cher aux Italiens et nécessiterait un soutien plus net encore de la France , tout comme l'Union devrait soutenir davantage notre politique en direction de l'Afrique puisque l'essentiel de l'immigration, à la fois légale et clandestine, vient de l'Afrique et du Moyen orient. Quelles sont les perspectives de renforcement de l'agence Frontex et l'évolution de l'initiative Mare nostrum, soutenue par l'Italie, mais qui pose néanmoins quelques difficultés ?

Tous les éléments que vous pourrez nous apporter sur l'Ukraine sont également très intéressants, puisque la situation connaît chaque jour de nouveaux développements sans que l'on s'approche d'un apaisement.

Enfin, je voulais vous demander d'évoquer le traité intergouvernemental qui a été conclu pour créer le Fonds de résolution unique du nouveau mécanisme de résolution unique bancaire. Il constitue un élément très important de l'Union bancaire, notamment sur les modalités de la contribution des établissements de crédit à ce Fonds, qui n'a toujours pas donné lieu à un accord. Cela ne permet pas d'envisager la ratification du traité pour le moment. Notre commission sera compétente pour la ratification de ce traité et nous aimerions connaître le calendrier envisagé.

Enfin, et ce sera ma dernière question, les cinq grands thèmes annexés aux conclusions du Conseil européen dans les orientations stratégiques préfigurent-ils une architecture possible de la future Commission en grands pôles afin d'organiser son travail selon ces priorités ?

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