La proposition de nomination de Jean-Claude Juncker à la tête de la Commission européenne constitue un progrès démocratique important, puisqu'elle démontre la force du vote des citoyens européens. Mais les citoyens n'ont sans doute pas considéré que le dernier Conseil européen constituait un événement majeur, car les questions qui y ont été abordées sont déjà sur la table depuis bien longtemps. Il va donc s'agir maintenant d'avancer beaucoup plus vite sur les différents sujets mis en avant par ce Conseil.
Ma première question porte sur la composition de la future Commission. Chaque pays va-t-il, comme cela a été le cas jusqu'à présent, imposer son commissaire, ou des discussions préalables aux nominations vont-elles avoir lieu avec le Président de la Commission ce qui me paraîtrait plus normal ? Par ailleurs, quel portefeuille la France entend-elle revendiquer pour son commissaire ? La France doit être exigeante.
Notre pays pourrait également soulever la question de l'éclatement et de la dissolution des responsabilités entre les 28 commissaires si nocives pour l'Europe. Certains proposent que la Commission soit réorganisée autour de grands pôles centrés sur des vice-présidents, les commissaires se répartissant entre chacun des pôles. Quelle est la position de la France sur cette proposition ?
Par ailleurs, les conclusions du Conseil européen relatives à la croissance économique sont assez décevantes, car elles ne présentent pas d'éléments nouveaux. Monsieur le Ministre, vous avez dit qu'il existait une totale convergence de vues entre la France et l'Italie, mais il me semble qu'elle est plus fragile que ce que vous affirmez. Je crois savoir en effet que le Président français souhaite, à l'inverse du Président du Conseil italien, un nouveau report des délais pour respecter les engagements sur le déficit.
Enfin, sur la question de l'immigration, il devient urgent de réformer Schengen en prenant ce problème à bras le corps. Le fonctionnement de Schengen est actuellement défectueux ; gauche et droite se retrouvent pour le dire. La France devrait faire de cette question une priorité à Bruxelles.
Jean-Philippe Mallé. Ma première remarque porte sur la séquence politique récente qui a abouti à la proposition de nomination de Jean-Claude Juncker à la présidence de la Commission européenne par le Conseil européen. Les dirigeants sociaux-démocrates européens réunis à Paris ont appelé à la désignation de M. Juncker, alors-même que celui-ci est un conservateur. Une explication s'impose car les sociaux-démocrates s'étaient, avant les élections, prononcés pour Martin Schulz et n'avaient parfois pas ménagé leurs critiques à l'encontre de M. Juncker.
Pour en venir au fond, l'analyse des conclusions du Conseil européen et des « recommandations » qui ont été faites à la France met en avant une batterie de mesures telles que la réduction des dépenses de sécurité sociale, le gel provisoire des retraites, la diminution de la dépense publique au sens large et du coût du travail. Or, la France est un grand pays qui n'a pas à être chapitré par l'Union européenne sur la politique qu'elle doit mener. Notre pays possède une culture administrative et politique marquée par un État présent et un haut niveau de sécurité sociale, et les Français se sont donné ce modèle de façon démocratique.
Il convient certes de travailler sur la compétitivité de notre pays, mais l'excellent rapport Gallois de 2012 a bien montré que celle-ci ne se réduit pas à une question de coût du travail. A l'heure où les inégalités sociales augmentent fortement, comment le gouvernement entend-il desserrer le carcan technocratique et budgétaire européen qui pèse sur notre pays, et mettre la monnaie au service de l'économie ?