Intervention de Denis Colombi

Réunion du 24 juin 2014 à 16h00
Commission d'enquête sur l'exil des forces vives de france

Denis Colombi :

Je dois d'abord préciser que j'utilise le terme d'« expatrié » en partie par facilité, car il ne recouvre pas que des personnes ayant ce statut juridique. Il est, en fait, assez compliqué de trouver un terme générique facile à manipuler. On parle de Français installés à l'étranger, mais certains se déplacent ; on pourrait parler de migrants ou d'immigrés mais je préfère le terme de skilled migrants – migrants qualifiés – plus proches de ceux que j'ai observés. En outre, le terme d'expatrié est parfois utilisé par les personnes elles-mêmes sans qu'elles en aient le statut. C'est une facilité de langage.

Quant aux profils qui seraient concernés par le statut au sens strict, ce peut être des personnes diplômées ou occupant des positions à haute valeur ajoutée. S'agissant des emplois, vous avez raison de rappeler que les entreprises ont tendance à réduire de plus en plus leur recours à l'expatriation. Les entreprises françaises ont même tendance à réduire le « package » d'avantages associés, du moins à en rationaliser les différents éléments. Les emplois ciblés sont généralement liés, d'abord, à des contraintes de production : certaines activités industrielles, notamment, n'existent plus ou ne peuvent exister en France – comme une plateforme pétrolière. Il est alors nécessaire d'envoyer des employés à l'étranger. Il peut s'agir aussi d'envoyer des compétences rares. Je pense par exemple à une entreprise ayant besoin, pour son activité, d'un ingénieur spécialisé dans les boulons. Elle ne l'a trouvé qu'en France. Dans ces cas, il faut parfois offrir des packages plus larges, ces experts n'ayant pas forcément envie de se déplacer. Cela peut être aussi pour conquérir des marchés, développer une activité dans un pays où l'entreprise n'est pas encore installée. Ce sont alors des personnes dans lesquelles l'entreprise peut avoir confiance, qui connaissent ses processus – process –, ses façons de travailler et sa culture. Une dernière raison d'envoyer un expatrié - la plus rare mais qui s'avère fondamentale – est la volonté de construire la carrière de certaines personnes à haut potentiel en les mettant en contact avec l'international. Cela peut se réaliser par leur affectation sur un poste les obligeant à traiter avec d'autres pays, mais cela passe souvent par une expatriation.

Comme je l'ai dit, on a des entreprises ayant vocation à être internationales et qui ont besoin de personnes qui sont internationales. Elles les forment ainsi. C'est aussi pour elles l'occasion d'avoir des employés qui, ayant vu comment les choses se passent à l'étranger, ayant vu d'autres façons de travailler, sont capables de porter le changement, d'introduire de meilleures solutions et de légitimer des transformations. Ce qui fait que les emplois à l'étranger restent séduisants et que sur les marchés du travail français, les salariés gardent l'envie de partir car ils voient que le passage par l'international est la clé pour les carrières les plus belles. Aussi, même si la population des expatriés, au sens précis du terme, est relativement peu nombreuse, elle exerce un effet d'entraînement fondamental sur l'ensemble des travailleurs et sur l'ensemble des carrières.

S'agissant des enjeux éducatifs, il est clair que pour les personnes que j'ai rencontrées, les lycées français à l'étranger sont une institution très importante, pour l'éducation de leurs enfants, parfois aussi pour trouver de l'aide à l'installation – faute de communautés de français sur place –, mais également pour rencontrer d'autres personnes, pas seulement françaises. Dans ces lycées, on rencontre en effet des personnes d'autres nationalités. Cette dernière dimension peut représenter un véritable atout pour un certain nombre d'expatriés. Une spécialiste des ressources humaines m'indiquait que ce qui avait changé dans les motivations de ces départs, c'est le fait qu'ils sont ne sont plus seulement motivés par la carrière d'un des parents, mais aussi par le désir de faire bénéficier ses enfants d'une éducation internationale. Cela peut être un élément d'attractivité des emplois à l'étranger. Dès lors, les lycées français à l'étranger sont importants autant par leur fonctionnement que par les opportunités qu'ils offrent.

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