Je remercie le ministre des affaires étrangères et du développement international, M. Laurent Fabius, de s'être à nouveau rendu disponible pour la commission des affaires étrangères et la commission de la défense de l'Assemblée nationale, ainsi que pour la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat, puisqu'il s'agit d'une audition conjointe aux deux assemblées. Je remercie également Patricia Adam, présidente de la commission de la défense, d'en avoir accepté le principe.
L'audition est ouverte à la presse et se tient alors que les congés parlementaires ne sont pas encore terminés. Il m'a semblé cependant particulièrement utile d'entendre le ministre même si nous sommes encore hors session.
Monsieur le ministre, vous avez été particulièrement actif cet été, notamment en étant le premier parmi les responsables occidentaux à vous rendre à Erbil, le 10 août, et en provoquant, grâce à votre insistance, une réunion des ministres des affaires étrangères de l'Union européenne le 15, avant de vous rendre le 17 à Berlin à une réunion sur l'Ukraine qui était organisée en format Normandie, c'est-à-dire à quatre entre l'Allemagne, la France, la Russie et l'Ukraine.
Les groupes UMP et UDI ont également manifesté le souhait de vous entendre. Par ailleurs, je vous informe que nous auditionnerons le ministre de la défense mercredi prochain à 12 heures 15, ce qui permettra d'assurer un contrôle parlementaire continu. Nous sommes convenus avec Patricia Adam d'une nouvelle audition conjointe à cette occasion.
Monsieur le ministre, nous serons heureux de vous entendre sur l'Irak, mais peut-être aussi sur l'Ukraine, puisque cette réunion de Berlin s'est tenue le 17.
La crise irakienne a franchi une nouvelle étape au début du mois, avec une nouvelle offensive des forces se réclamant de l'État islamique, qui avaient avancé jusqu'à Mossoul et en direction de Bagdad en juin. Ces forces s'en prennent maintenant au Kurdistan irakien, ce qui provoque un nouvel afflux de réfugiés, en particulier des membres des communautés yézidi et chrétienne, lesquelles subissent des exactions épouvantables.
Les peshmerga kurdes ont bénéficié de l'appui des frappes aériennes conduites par les États-Unis – vous nous en direz sans doute davantage sur l'ampleur de ces frappes, sur leurs cibles et sur leur contribution à l'évolution du rapport de forces. La presse fait état d'une contre-offensive qui aurait été menée par une vingtaine de tribus sunnites dans la province d'Al-Anbar. La situation paraît également s'être améliorée dans le djebel Sinjar, lieu de refuge de la communauté yézidi où des éléments du PKK se sont regroupés et auraient contribué à une évacuation des réfugiés. Depuis hier soir, nous savons que le barrage de Mossoul est repassé sous le contrôle des forces irakiennes et kurdes. Cette prise de contrôle est-elle confirmée ? Peut-on parler d'un début de retournement de situation ? La reprise de la ville de Mossoul elle-même est-elle possible ?
Sur le plan politique, la nomination de M. Al-Abadi au poste de Premier ministre, en remplacement de M. Maliki, le 11 août dernier, a été très largement saluée, y compris par l'Iran et par l'Arabie saoudite. C'est un pas en avant, mais il reste beaucoup de chemin à parcourir, puisque le nouveau gouvernement n'est pas encore formé. Sans un gouvernement d'union, véritablement inclusif, et sans un partage du pouvoir plus équilibré entre les différentes communautés, la donne risque de ne pas changer de manière significative au plan interne. Pouvez-vous donc faire le point sur l'évolution du processus politique ? Les Kurdes ont annoncé qu'ils étaient prêts à participer au nouveau gouvernement. Qu'en est-il des responsables politiques sunnites ? Quelle est la probabilité que le Kurdistan irakien parvienne à l'indépendance ? Tout laisse à penser que les Kurdes eux aussi ont leur propre agenda. Jusqu'où ont-ils l'intention d'aller ? Il semble qu'un référendum doive être organisé, sans qu'on puisse préjuger des réactions de la communauté internationale.
Ici ou là dans la presse, on lit souvent que les islamistes seraient dans l'incapacité de gouverner les territoires dont ils ont pris le contrôle. Cependant, il semblerait que l'État islamique consacre des moyens financiers et humains croissants au maintien de services aux populations – électricité, eau, police, services hospitaliers – et que les fonctionnaires locaux seraient en partie maintenus en poste. Cela fait dire à certains commentateurs que l'État islamique, dont les moyens sont considérables, aurait la capacité de s'implanter durablement et de rallier une partie de la population. Quelle est votre appréciation ? Il s'agit d'une question majeure.
Enfin, nous sommes tous conscients du fait qu'une crise d'une telle ampleur, et si profonde, ne pourra être surmontée que par les Irakiens eux-mêmes et qu'elle nécessite une solution politique. Nous devons néanmoins apporter tout notre soutien aux populations civiles directement confrontées à une situation humanitaire catastrophique. Quelle est votre évaluation des besoins en Irak, à la fois au plan humanitaire et au plan militaire ? Je sais que vous avez assisté personnellement à une première livraison à Erbil. La commissaire européenne Mme Katalina Georgieva était également sur place. Comment l'Union européenne contribue-t-elle ?
Notre pays s'est mobilisé pour l'adoption, lundi dernier, d'une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies contre l'État islamique –, ainsi que sur la nécessaire coordination au plan européen. J'ai eu l'occasion de dire à quel point j'étais consternée et choquée par l'absence d'expression et d'action de l'Union européenne dans la crise irakienne début août. Selon vous, dans quelle mesure le Conseil « Affaires étrangères » extraordinaire qui s'est réuni vendredi dernier, à l'instigation de la France, permettra-t-il d'avancer ?
Il serait notamment utile que vous nous expliquiez où en sont nos principaux partenaires européens, en particulier l'Allemagne et le Royaume-Uni, dans leur réflexion sur l'aide qu'ils pourraient apporter aux populations en péril dans le Nord de l'Irak, à la fois au plan humanitaire et en matière de fourniture d'armes. Je sais que beaucoup soutiennent notre démarche, sans pour autant s'y associer.
La France, pour sa part, a annoncé qu'elle prenait des dispositions pour livrer rapidement des armes aux forces luttant contre l'État islamique, comme le demande le président du Gouvernement régional du Kurdistan irakien, M. Massoud Barzani. Où en sont nos partenaires sur cette question ?
Les livraisons d'armes aux combattants kurdes recueillent-t-elle le complet assentiment des autorités centrales irakiennes ? Le Président de la République a assuré qu'elles se faisaient avec leur total accord. Ne craignent-elles pas que ces livraisons encouragent les aspirations indépendantistes des Kurdes d'Irak ?
Vous nous ferez part également de votre appréciation sur la situation en Ukraine. Alors que les populations civiles souffrent de plus en plus des affrontements, des destructions et des combats qui se poursuivent en provoquant de nombreux morts, le président Porochenko a annoncé un changement de sa stratégie militaire qui consistait à encercler les villes pour se concentrer sur le contrôle des frontières. Sur le plan diplomatique, deux pays européens s'impliquent fortement, la France et l'Allemagne. Quel bilan tirez-vous des discussions à quatre engagées avec la Russie et l'Ukraine ? Quel rôle la France et l'Allemagne peuvent-elles y avoir ?
Par ailleurs, les sanctions économiques occidentales se mettent en place, provoquant des contre-sanctions russes qui atteignent durement nos agriculteurs, en particulier les producteurs de fruits et légumes.