Intervention de Frédéric Lefebvre

Réunion du 16 juillet 2014 à 10h00
Commission d'enquête sur l'exil des forces vives de france

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrédéric Lefebvre :

Le dispositif de l'exit tax a été mis en place par le précédent Gouvernement et poursuivi voire durci par l'actuel. Nous sommes donc censés avoir un consensus au sein de notre assemblée sur une telle mesure.

Mais lorsque j'étais membre du précédent Gouvernement, je m'étais inscrit en faux contre cette démarche, que je réprouve dans son principe. En effet, vous venez de le dire : l'administration fiscale invente en permanence avec le Parlement des mesures contraignantes alors que nous sommes dans un champ concurrentiel et qu'il ne serait pas absurde de réfléchir à des dispositifs attractifs, notamment quand il s'agit d'acteurs économiques, comme c'est le cas pour l'exit tax. Je rencontre ainsi régulièrement par exemple des jeunes Français créateurs de start-up, qui ont décidé que ce n'était plus en France qu'il fallait faire prospérer leurs idées et leurs entreprises afin de ne plus réaliser leur plus-values en France. Or cette déperdition pour notre pays n'est pas mesurable et vous ne la mesurerez jamais.

Je suis frappé par le côté inquisitorial de votre démarche, qui caractérise aussi celle de cette commission d'enquête. En témoigne votre interrogation sur de nouvelles obligations déclaratives à l'heure de la simplification. Dans un monde et une économie globalisées, il faut au contraire essayer d'être plus attractif.

De plus, on a tendance à considérer qu'un citoyen qui reste en France, y gagne de l'argent et y paie des impôts est bon citoyen alors que celui qui décide de partir à l'étranger est mauvais citoyen, ce qui correspond à une logique de culpabilisation.

Or, j'aimerais vous faire une liste non exhaustive des situations d'injustice fiscale dans lesquelles sont plongés nos compatriotes à l'étranger, dont beaucoup y sont sans l'avoir vraiment choisi, sur ordre de leur entreprise notamment. Ils sont pourtant assujettis à la CSG-CRDS sur les plus-values immobilières ou les revenus fonciers. Soit ils laissent leur logement vacant et ils doivent faire face au système de taxe sur les logements vacants instauré par la loi Duflot, soit ils louent afin souvent de payer les études parfois très chères de leurs enfants à l'étranger et ils se retrouvent avec 100 % d'augmentation de ce qu'ils ont à payer sur les revenus fonciers. Et s'ils décident de le vendre, ils ont 50 % d'augmentation sur la plus-value. Alors qu'une procédure européenne est dirigée contre la France – le secrétaire d'État chargé du budget a accepté de me permettre d'animer un groupe de travail à ce sujet pour trouver une solution, la condamnation de notre pays paraissant inévitable –, nous sommes dans un phénomène de quasi-traque à l'égard de personnes honnêtes qui n'essaient pas d'échapper à l'impôt ou de quitter définitivement la France. D'autant que les États-Unis et le Canada ne sont pas des paradis fiscaux : il suffit de comparer ce que paie un citoyen français vivant à New York en impôts et taxes par rapport à ce qu'il paierait à Paris pour s'en rendre compte.

Parmi les autres dispositifs dissuasifs, on peut citer aussi le « Scellier-Duflot », le fait que certaines charges ne sont plus déductibles, comme les pensions alimentaires. Sans parler de la fiscalité sur les retraites : j'observe aux États-Unis un phénomène qui se développe, celui de ceux que j'appelle les « prisonniers de la retraite », qui tout au long de leur carrière ont travaillé à l'étranger avec la volonté de revenir en France prendre leur retraite, mais qui, du fait de l'exit tax américaine ajoutée à tout ce que nous avons inventé, ne peuvent plus le faire, sinon ils n'ont plus les moyens de vivre décemment.

On pourrait également évoquer le dispositif sur les représentants fiscaux accrédités pour les déclarations de plus-values – que l'on pourrait faire évoluer comme l'ont fait d'autres pays européens –, la redevance audiovisuelle imposée à nos expatriés alors que la France, contrairement à la BBC, trouve le moyen d'empêcher l'accès depuis l'étranger aux programmes de France Télévision, mais aussi la dernière mesure inventée par le Gouvernement en matière de bourses, qui intègre les droits à la retraite acquis dans un système de retraite par capitalisation à l'étranger dans les revenus pour déterminer s'ils ont droit à celles-ci. Certains sont de ce fait dans l'incapacité de scolariser leurs enfants.

Avec tous ces dispositifs, c'est donc tous ceux qui veulent simplement réussir et porter l'image de la France dans le monde, ou qui partent sans l'avoir choisi, qui se trouvent pénalisés par une jungle fiscale inquisitoriale, fondée sur la contrainte plutôt que l'attractivité.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion