Intervention de Guy Amsellem

Réunion du 9 juillet 2014 à 16h00
Mission d'information sur la candidature de la france à l'exposition universelle de 2025

Guy Amsellem, président de la Cité de l'architecture et du patrimoine :

La Cité de l'architecture et du patrimoine est un établissement public à caractère industriel et commercial créé en 2004 et ouvert au public en 2007. Il résulte de la réunion de plusieurs entités : un musée, un centre d'architecture, une école, une bibliothèque spécialisée et un centre d'archives. Ses missions sont très diversifiées. Nous conservons et mettons en valeur des collections qui permettent de situer l'architecture dans une histoire longue ; nous concevons des expositions temporaires afin de diffuser la culture architecturale et patrimoniale ; nous organisons des manifestations visant à inscrire l'architecture dans le champ plus vaste des connaissances et de la création contemporaine, ainsi que des rendez-vous destinés au public professionnel, comme le prix de l'Équerre d'argent, le grand prix de l'association des architectes français à l'exportation ou les albums des jeunes architectes et paysagistes ; nous délivrons des formations post-diplôme pour les architectes qui souhaitent se spécialiser dans le patrimoine afin de devenir architectes en chef des monuments historiques ou architectes des bâtiments de France, ainsi que des formations post-concours des architectes et urbanistes de l'État ; nous mettons enfin à la disposition des étudiants et des chercheurs en architecture un ensemble de ressources, comprenant une bibliothèque, des ressources numériques et un centre d'archives.

L'histoire de la Cité de l'architecture et du patrimoine est indissolublement liée à celle des expositions universelles et internationales.

Le palais de Chaillot, qui abrite la Cité, est un enfant des expositions universelles. Son ancêtre, le palais du Trocadéro, avait été bâti par Davioud pour celle de 1878, dans le style éclectique caractéristique de l'époque Napoléon III ; il a été critiqué presque dès sa création, et des personnalités aussi diverses que Matisse, Picasso, Cocteau, Zadkine ou Maillol ont demandé sa destruction. Ils ont fini par être entendus : dans la perspective de l'exposition internationale de 1937, on a ouvert un concours d'idées pour savoir que faire de ce bâtiment. On s'attendait à ce qu'il soit détruit, mais il a finalement été rénové en profondeur par Carlu, qui, tout en conservant son ossature, a évidé la partie centrale pour aménager un point de vue sur la tour Eiffel et doublé les ailes par une nouvelle galerie côté Seine. Aujourd'hui, le palais abrite, outre la Cité de l'architecture et du patrimoine, le musée de la marine et le musée de l'homme – tous deux en rénovation – et, sous l'esplanade, le théâtre de Chaillot – qui va bientôt être rénové.

En 1882 a été implanté dans le palais du Trocadéro l'ancêtre du musée des monuments français, le musée de sculpture comparée, qui avait été conçu, conformément à la volonté de Viollet-le-Duc, dans une perspective comparatiste et didactique, afin de former le goût des architectes français. L'exposition internationale de 1937 fut l'occasion d'ajouter une nouvelle strate d'oeuvres, en ouvrant les collections, sous l'impulsion de Paul Deschamps, alors directeur du musée, à la peinture murale et au vitrail. La troisième strate, qui date de 2004, n'est en revanche pas directement liée à une exposition universelle.

En outre, trois caractéristiques du projet ExpoFrance 2025 rejoignent directement nos axes de réflexion programmatique.

Le premier est d'inscrire le thème de l'exposition dans une perspective résolument métropolitaine. Ce qui manque au projet du Grand Paris est peut-être un récit commun. Julien Gracq, évoquant le Nantes de ses années d'internat, disait : « Je vivais dans un territoire presque autant imaginé que connu ». C'est ce territoire imaginé qu'il nous faut construire, et un projet comme celui-ci pourrait y contribuer.

Le deuxième est le fait de croiser la question des territoires avec celle des mobilités et des identités. Il importe de repenser les mobilités à l'aune des identités nomades issues des grandes migrations et de faire de celles-ci un avantage comparatif, comme à Londres, plutôt qu'un enjeu de technologie sécuritaire. Il serait également intéressant de croiser la question des identités avec celle du patrimoine. Nous avons été partie prenante d'une réflexion organisée par l'Agence nationale de la recherche et par le Centre national de la recherche scientifique sous la forme d'un atelier de réflexion prospective sur la question du patrimoine culturel, qui vise à identifier les grands sujets susceptibles de faire l'objet d'appels d'offres dans les dix ou quinze prochaines années. Ce qui est ressorti de ces réflexions d'anthropologues, ethnologues, économistes, juristes, historiens, c'est que la question des mobilités va totalement reconfigurer le rapport au patrimoine. D'un côté, la globalisation a tendance à diluer le sentiment identitaire ; de l'autre, des populations mobiles ou nomades réinvestissent les monuments et les chargent d'autres histoires et d'autres mémoires. Votre projet tient compte de ce phénomène dans sa façon d'adresser aux pavillons étrangers une invitation à habiter nos monuments et à leur donner une autre signification.

La troisième caractéristique a trait à l'usage du patrimoine bâti. Viollet-le-Duc disait que la meilleure façon de conserver un édifice était de lui trouver une destination. Or votre projet pose la question cruciale, dans la perspective de la mutation de la ville contemporaine, de la réutilisation du patrimoine bâti – qu'il faut distinguer de sa rénovation, sa restauration ou sa réhabilitation, car la problématique est celle de l'usage, et non celle de l'enveloppe. Nous préparons pour la fin de l'année une exposition sur le sujet, intitulée « Un bâtiment, combien de vies ? » ; on n'y parlera pas uniquement du patrimoine monumental, mais aussi des édifices en béton et des friches industrielles, et l'on se posera la question de la réutilisation dans le contexte d'une mutation accélérée des villes. C'est un sujet particulièrement d'actualité, avec le projet de l'agence SANAA de transformation de la Samaritaine ou celui de Dominique Perrault sur la poste centrale du Louvre – pour ne citer que ces deux-là.

Pour toutes ces raisons, nous soutenons le projet ExpoFrance 2025. À titre personnel, j'aurais d'ailleurs eu l'occasion de le soutenir deux fois : une première en tant que directeur de l'École nationale supérieure d'architecture de Paris-La Villette, qui fait partie des institutions d'enseignement supérieur partenaires, et une deuxième au titre de mes nouvelles fonctions à la Cité de l'architecture et du patrimoine.

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