Intervention de Jean-Marie Duthilleul

Réunion du 9 juillet 2014 à 16h00
Mission d'information sur la candidature de la france à l'exposition universelle de 2025

Jean-Marie Duthilleul, architecte et ingénieur, agence Duthilleul :

J'ai aussi travaillé sur le Grand Paris, puisque j'ai fait partie de l'Atelier international du Grand Paris. L'action sur la ville est une action de longue durée, qui nécessite un effort collectif soutenu, et il est merveilleux d'avoir un projet qui lui donnera un élan pendant dix ans.

À l'ère du numérique, une exposition universelle doit offrir une expérience physique extrême, sinon autant rester chez soi à pianoter sur son ordinateur ou à consulter sa tablette ! Cette expérience physique pourrait être spatiale ; ce serait l'occasion de mettre en scène de nouvelles richesses, par exemple les paysages magnifiques de la grande boucle de la Seine à Gennevilliers ou les bords de Seine, ainsi que de faire converger les nationalités du monde entier. Quand conçoit une exposition universelle, il faut penser, très concrètement, aux trois dimensions et aux cinq sens.

Sur au moins trois sujets, le projet d'exposition universelle en 2025 touche à la problématique du renouvellement urbain.

Premièrement, même si l'on décide de réutiliser le patrimoine existant, il faudra réfléchir à la libération d'emprises. Dans la perspective de l'exposition de 1989, qui était prévue sur deux sites reliés par la Seine, nous avions libéré les emprises qui ont servi, d'un côté, à la construction du quartier Seine Rive Gauche et de la Bibliothèque de France, de l'autre, à la réalisation du quartier de Javel, sur l'emplacement des anciennes usines Citroën ; bien que l'exposition n'ait pas eu lieu, ces sites se sont développés. Avec le projet de Grand Paris Express, une libération d'emprises arriverait à point nommé. Le métro va révéler des entre-deux aujourd'hui méconnus, comme la presqu'île de Gennevilliers, qui seront peut-être demain les nouveaux paysages parisiens, susceptibles de renouveler l'imaginaire de la capitale. Ces emprises accueillent un patrimoine industriel aujourd'hui disponible, qui pourrait être investi par le monde entier.

Deuxièmement, il faudra veiller à l'accessibilité de ces emprises. L'armature du Grand Paris Express, d'Eole et des Tangentielles se met en place, mais un projet d'exposition universelle permettrait de faire émerger d'autres idées d'utilisation des infrastructures ou conduirait à privilégier un métro aérien, afin que l'on puisse découvrir et admirer ce paysage – car la ville est aussi un patrimoine d'images partagées. Elle susciterait des opérations concomitantes, qu'elles soient à visée purement logistique – il faudra bien accueillir 80 millions de personnes – ou qu'elles contribuent à modifier le regard porté sur le patrimoine. Par exemple, la gare de Saint-Lazare, empruntée quotidiennement par 500 000 personnes, pourrait accueillir des installations fabuleuses. On romprait ainsi avec le modèle des pavillons implantés sur un grand espace, au profit d'installations dans des lieux emblématiques.

Troisièmement, le socle de l'exposition pourrait être l'hospitalité. Il s'agirait, non pas de montrer au monde entier à quel point la France est riche et agréable, mais de faire de la France une terre d'accueil et de mise en valeur des particularités de chacun. Le modèle traditionnel des expositions universelles est caduc. Si l'on prévoit que les nations invitées s'installeront dans des lieux précis, il faudra veiller à ce que l'on passe directement d'un pays à l'autre, sans avoir à transiter par un espace public neutre. Cet effort de juxtaposition spatiale, avec un système de seuils entre les pays, pourrait donner des résultats extraordinaires.

Enfin, vous avez raison : l'exposition universelle ne doit pas être un événement en plus, mais une étape dans le développement de la métropole. Les territoires périphériques de Paris sont mûrs pour accueillir un tel projet, qui provoquera aussi bien le mélange des fonctions que leur irrigation. Vous avez toujours parlé de « mobilité », sans jamais employer le mot « transport » : cela me ravit, car le transport est ce qui sépare le mouvement du reste de la ville. Si Paris doit accueillir une exposition universelle, c'est pour devenir le Grand Paris, à savoir un lieu de mise en relations – la ville par excellence. En fixant comme objectif de mettre en relation les pays du monde entier, nous nous donnons les moyens de transformer notre territoire en vraie ville.

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