Intervention de Alexandre Labasse

Réunion du 9 juillet 2014 à 16h00
Mission d'information sur la candidature de la france à l'exposition universelle de 2025

Alexandre Labasse, architecte, directeur général du Pavillon de l'Arsenal :

Le Pavillon de l'Arsenal est le centre d'architecture et d'urbanisme de Paris et de la métropole parisienne. Il avait été ouvert en 1988, avec pour mission de présenter aux Parisiens et aux Franciliens le plan programme de l'est de Paris, à la suite de la candidature à l'exposition universelle de 1989.

Quand on examine les précédents de Séville, Shanghai ou Lisbonne, on voit bien qu'une exposition universelle est un catalyseur de renouvellement urbain, qui permet de reconquérir des friches, d'urbaniser de nouveaux territoires, d'investir des ports, bref d'inventer la ville du XXIe siècle. Néanmoins, il convient à mon avis d'éviter trois écueils.

Le premier est la tabula rasa. Les exemples que j'ai cités ont tous été conçus sur le modèle traditionnel de l'exposition universelle : à savoir, on choisit un site, on le vide et on reconstruit dessus – le problème étant de réinvestir les lieux ensuite. Je crois qu'une exposition en 2025 devra tenir compte de ce qui est là aujourd'hui et de ce qui sera là demain. C'est une interrogation nouvelle, et le projet que vous défendez peut y répondre.

Le deuxième écueil est le zoning. Vous avez raison de vouloir une exposition multi-sites et polycentrique, mais cela va l'encontre de ce qu'attend le BIE, voire de ce que souhaitent les visiteurs : quelqu'un qui viendra à Paris pour deux ou trois jours n'aura peut-être pas envie de parcourir l'intégralité de la métropole pour visiter cinq expositions. Il faudra donc une certaine densité dans les lieux où seront organisés les événements et veiller à la porosité de chacun avec la ville – ce qui va à l'encontre de la conception traditionnelle des expositions universelles, qui fonctionnent un peu comme les villages olympiques. Il faut impérativement éviter le phénomène de l'enclave.

Le troisième écueil a été résumé par Louis Sullivan, architecte américain mort en 1924, dans la formule : « Form follows function ». Ici, la forme ne doit surtout pas traduire la fonction ; il faut au contraire inventer des bâtiments mutables, fertiles, démontables – Rem Koolhaas dirait « génériques ». En 2025, un des problèmes majeurs de la construction et de l'architecture sera celui de la matière ; il y a de fortes chances que nous n'ayons plus beaucoup de sable à notre disposition. Il convient donc de se demander comment construire, déconstruire et réemployer – pas forcément « recycler », qui nécessite une énergie particulière, mais simplement mettre ailleurs. À l'exposition de 1900, les bâtiments les plus futiles, comme la tour Eiffel, ont finalement été les plus intéressants.

Il me semble que si un site devrait être retenu pour l'exposition universelle, c'est la Seine : d'abord, parce qu'elle raconte une histoire, ensuite, parce qu'elle fédère un nombre incalculable de projets. Je précise que je prends « Seine » dans un sens large : les sites parisiens – les berges, Paris Rive gauche, Bercy Charenton, la colline des musées –, mais aussi les canaux – souvenons-nous du projet extraordinaire de Patrick Berger pour la candidature de Paris aux Jeux olympiques de 2008 –, le bassin avec l'Oise et la Marne, les sites en aval avec la Défense, les îles, Cergy, voire Rouen et Le Havre, et les sites en amont, comme la confluence avec la Marne ou le site des Ardoines.

En outre, la mobilité sur l'eau est réduite – surtout depuis l'abandon de Voguéo : l'exposition universelle pourrait être l'occasion de donner à la Seine un rôle en la matière.

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