Intervention de Jacques Ferrier

Réunion du 9 juillet 2014 à 16h00
Mission d'information sur la candidature de la france à l'exposition universelle de 2025

Jacques Ferrier, architecte, agence Jacques Ferrier Architectures :

Peut-on encore faire des expositions universelles ici et maintenant à l'ère du numérique ? La question s'était déjà posée à Shanghai. Tous ceux qui sont allés là-bas, et notamment le géographe Michel Lussault, ont constaté l'importance d'être ensemble : plus de 70 millions de visiteurs au total, et 10 millions pour le seul pavillon français, qui fut le plus visité. L'envie de partager un espace public, fut-il aussi artificiel qu'une exposition universelle, est toujours très forte. Il est certain que le BIE doit évoluer sur l'unité de lieu, mais la question de la scénographie du plaisir festif de la foule reste entière. Tous les pays du monde sont appelés à se croiser, mais encore faut-il qu'ils le puissent !

Il a toujours existé, depuis 1851 jusqu'à Shanghai, différents types de pavillons ; on peut ainsi distinguer le pavillon sculpture, le pavillon stand et le bâtiment prototype. C'est dans cette dernière tradition que j'avais voulu m'inscrire avec le pavillon France de Shanghai : un bâtiment qui, de par ses systèmes constructifs, son rapport au développement durable et l'utilisation de sa terrasse, ne se contente pas d'être une partie d'une exposition, mais donne des pistes pour imaginer un avenir pour la ville. Dans le cadre de votre projet, tous les pays seront obligés de se poser cette question : ils ne pourront pas être uniquement dans le démonstratif.

La France est l'un des rares pays à disposer de tels atouts en matière de culture. Pour le pavillon France de Shanghai, nous avions travaillé sur les cinq sens et décidé de présenter des toiles impressionnistes. Cela nous a demandé beaucoup d'efforts, car les musées ne prêtent qu'aux musées et pour une durée maximale de trois mois. Sans la ténacité de l'équipe et surtout de Guy Cogeval, président du musée d'Orsay, nous n'aurions pas réussi notre pari. Le China Daily incitait les gens à visiter notre pavillon car, disait-il, c'était une vitrine de la culture française. Une exposition universelle est l'occasion de faire bouger les lignes.

Depuis 1851, toutes les expositions universelles visaient à l'exaltation du progrès et à la célébration de la technique ; elles reposaient sur la certitude que demain serait mieux qu'aujourd'hui. L'exposition de Shanghai, malgré ses défauts, a ouvert de nouvelles perspectives. Son thème, la ville du XXIe siècle : « Better city, better life », est loin d'être épuisé. Votre projet met lui aussi l'accent sur la ville et son territoire. En la matière, la France dispose d'une certaine originalité, grâce aux ingénieurs des Ponts et à ses infrastructures de canaux, de voies ferrées et de routes uniques au monde : les villes se sont toujours développées en tirant le territoire. Ce qui est inquiétant aujourd'hui, c'est que les mégapoles mondiales semblent se développer « sous bulle », comme dans le roman Globalia de Jean-Christophe Rufin : on ne sait pas ce qu'il se passe dans l'arrière-pays ! La France a un modèle à proposer – cela pourrait même être le thème de l'exposition : Paris, le Grand Paris et les grandes villes en régions reliées par le TGV.

Ma mission actuelle me fait percevoir l'enjeu qu'il y a pour le Grand Paris à créer des « cartes postales » et des « symboles » : contrairement à Paris Centre, cet immense territoire a un imaginaire pauvre. Il faut donner une visibilité à cette ville archipel. Ce qui reliera les pavillons, c'est la mobilité ; or nous, nous travaillons précisément sur l'expérience de la mobilité, en prenant les sens au sérieux, et en l'envisageant comme une question d'architecture – d'où notre slogan de « gare sensuelle ». Si les gares étaient incluses dans le projet d'exposition universelle, on pourrait en accroître encore la qualité ; ce serait l'occasion de les inscrire dans un récit urbain et architectural qui rendrait les habitants fiers de leur métropole.

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