Premièrement, il faut que l'on ait une vraie politique de facilitation de l'installation de cadres internationaux en France. Venir à Paris, c'est sympathique, mais cela ne suffit pas. Il faut y trouver les bonnes conditions, du dynamisme, et pas de contraintes administratives. Nous avons besoin de mener une réflexion sur l'attractivité de la France pour les cadres et les entrepreneurs internationaux. La France a des atouts, mais elle doit les valoriser.
Deuxièmement, la France a une image internationale assez fluctuante. Alors que j'étais à l'étranger il y a quelques années, j'ai vu à la télévision des images de manifestations qui avaient lieu alors en France, et j'ai cru que le pays était en guerre, alors que je venais de le quitter ! Nous devons vraiment travailler sur notre image. Nous avons aussi besoin d'un cadre social apaisé, ce qui suppose que nous soyons dans la « co-construction collective ». Or ce n'est pas dans notre culture. Il faudra nous y mettre. Ce n'est pas une proposition très concrète, mais tout le monde doit en prendre conscience. Sinon, la seule attractivité de la France tiendra aux beautés de ses paysages. Mais je ne pense pas que notre destin soit de devenir le « Disneyland du monde ».
Troisièmement, il faut développer la formation liée à l'entrepreneuriat et aux langues.
Dans le premier cas, c'est une question culturelle : il faut avoir le goût du risque. Notre monde évolue très vite. La feuille de route de la plupart des entreprises porte sur trois ou cinq ans. Dans une société comme OVH, elle se limite à trois semaines ou à trois mois. Même si nous avons des idées, nous ne savons pas ce qui va se passer au-delà, ni ce que vont faire nos compétiteurs. Aujourd'hui, la principale force d'une entreprise réside dans sa capacité d'adaptation rapide. La peur de l'inconnu est un frein. Il faut donc développer cette capacité d'adaptation à tous les niveaux, sans attendre le module de formation à l'entreprenariat en dernière année d'école d'ingénieurs, de commerce ou en master 2 à l'université. Cela n'aurait pas de sens.
Dans le deuxième cas, les langues font partie des conditions d'adaptation. Si on n'est pas capable de parler avec ses interlocuteurs quels qu'ils soient, cela crée une distance et on a davantage peur du changement. Il vaut mieux être dans le mouvement et à l'origine du changement plutôt que de le subir.
Pour moi, ce sont trois éléments de fond. Mais on peut parler également parler de façon plus concrète. C'est ainsi que dans le cadre du plan cloud, nous avons défini dix axes de propositions.
J'ai entendu ce matin qu'il fallait trouver 18 milliards d'euros d'économies budgétaires. Dans le cadre de ce plan, nous avons indiqué comment faire pour être plus efficaces et économiser 3,5 milliards d'euros par an. Nous attendons maintenant que l'État s'implique dans la déclinaison de chacune des mesures opérationnelles. Elles ne sont pas toutes très compliquées à mettre en place, mais il faut faire vite. Le temps que l'on perd maintenant ne se rattrapera pas.
S'agissant de la fiscalité, une collectivité territoriale qui investit récupère la TVA. Si elle utilise un service dans le cloud, elle ne le récupère pas. C'est un frein au développement de l'industrie française du cloud, parce qu'il y a une distorsion de concurrence à l'intérieur même de la sphère publique.
S'agissant du traitement des données personnelles, si le secteur public préfère que ses données soient traitées sur le territoire national et passe des commandes pour moderniser son infrastructure et apporter davantage de services aux citoyens, non seulement il économise 3,5 milliards d'euros, mais il met le marché en mouvement Une entreprise réagit rationnellement. S'il y a un marché à prendre, elle vient. Une grande entreprise internationale, peut-être même un compétiteur d'OVH, viendra s'installer en France pour capter ce marché. Eh bien, tant mieux. Cela signifie que cette entreprise, parce qu'elle sera installée en France, aura un établissement stable et donc une base fiscale taxable, ce qui n'était pas le cas auparavant. Ainsi, en mettant en mouvement le marché dans le sens direct des intérêts de l'État – économiser de l'argent et offrir davantage de services aux citoyens – on participe à la résolution des problèmes de distorsion de concurrence qui existent dans notre industrie. Tout le monde y gagne.
Au mois de janvier, nous avons remis des propositions concrètes à M. Montebourg. Nous attendons leur traduction. En tant qu'acteurs de l'industrie, nous sommes prêts à faire notre part du travail. Nous mettons en musique l'ensemble de l'écosystème industriel dans le domaine du cloud computing. Il n'empêche que les administrations centrales, les collectivités territoriales et l'ensemble du secteur public de santé et hospitalier ont aussi un rôle à jouer.
De nombreuses mesures concrètes, opérationnelles, peuvent favoriser l'installation d'activités économiques en France, valoriser le territoire économique, renforcer les acteurs français sur ce territoire, leur donner la capacité d'être plus forts chez eux, donc de mieux exporter et de créer davantage de valeur ajoutée dans notre pays. Il faut rentrer dans un cercle vertueux et créer une dynamique sur laquelle on doit pouvoir jouer collectivement.