Intervention de Philippe Boulet

Réunion du 17 juillet 2014 à 10h00
Commission d'enquête sur l'exil des forces vives de france

Philippe Boulet, directeur des agences du sud de la France de la société émile Garcin :

Je travaille avec M. Garcin depuis quatorze ans, et j'ai constaté un changement de mentalité : aujourd'hui, nous passons énormément de temps à rassurer nos clients. Souvent, les charges sociales, la charge fiscale deviennent trop lourdes même pour des fortunes colossales, et les propriétaires sont amenés à réduire la voilure : ils licencient, et souvent déménagent. C'est un phénomène que nous constatons tous les jours.

De plus, les lois nouvelles nous ont vraiment mis des bâtons dans les roues. La durée d'exonération des plus-values a été ramenée de trente à quinze ans, puis portée à vingt-deux ans – sauf pour la CSG… Tout est complexe, et cette complexité est un frein à toute transaction. Souvent, les gens qui achètent des propriétés licencient. Je pense à des Belges qui ont acheté, mais qui n'ont gardé qu'un gardien et un jardinier, au lieu de deux gardiens et deux jardiniers auparavant : ils aiment notre pays, comme nous, mais ils ont été frappés par le coût exorbitant des charges et des impôts. Car pour qu'un gardien touche 2 000 euros par mois, il faut payer 4 000 euros par mois ! Et le prix des travaux de rénovation n'a pas diminué, en partie parce que beaucoup d'entreprises ont dû fermer.

Les entrepreneurs et les gens qui créent ont l'impression de ne pas être entendus : la démotivation est profonde. J'ai ainsi vendu récemment une propriété à un monsieur qui venait de vendre une société de télécommunications : il voulait recréer une société en France, mais quand il a vu les coûts, il s'est expatrié… Ce n'est pas une exception. Nous avons ainsi récemment vendu un hôtel particulier magnifique dans le centre d'Avignon : l'ancien propriétaire laissait les rênes de l'entreprise qu'il a créée – une société très performante – à son fils, pour la partie française, tout en s'exilant en Belgique, avec une grande partie de ses cadres. Un notaire local me citait le cas d'une entreprise de Saint-Rémy-de-Provence rachetée il y a quelques années par des Danois qui, désormais, voyant la lourdeur des charges et la difficulté de licencier, envisagent de délocaliser.

Nous voyons tous les jours la lourdeur du système. Elle tient à la fiscalité, mais pas seulement : elle tient aussi à la communication sur la fiscalité. L'incertitude est trop forte : le bouclier fiscal mis en place par le gouvernement précédent aurait pu aider, mais les clients qui auraient été susceptibles de revenir se sont méfiés.

Cela ne concerne pas que les héritiers, mais aussi des gens qui, à la force du poignet, ont créé des entreprises et ont, tous les jours, l'impression d'être pénalisés. Un banquier de la Deutsche Bank me parlait récemment de clients français qui, après la dernière élection présidentielle, avaient sorti leurs avoirs de France, par crainte des changements fiscaux, mais aussi à cause de la difficulté de créer des entreprises. Il faut aussi parler des normes : tous les jours, les entreprises ont un contrôle différent ; alors, certes, il faut protéger les employés, mais les entrepreneurs s'arrachent les cheveux.

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