Intervention de Laurent Demeure

Réunion du 17 juillet 2014 à 10h00
Commission d'enquête sur l'exil des forces vives de france

Laurent Demeure, président de Coldwell Banker France :

Coldwell Banker est une entreprise américaine, aujourd'hui présente dans cinquante-deux pays. Nous réalisons plus d'une vente immobilière sur dix aux États-Unis, et deux à trois ventes sur dix au-dessus d'un million de dollars. Nous disposons donc d'un bon point d'observation.

Je précise toutefois que nous n'établissons pas de statistiques sur les raisons pour lesquelles nos clients mettent en vente leur bien. J'ai donc, pour vous répondre, interrogé nos consultants. Par ailleurs, nous ne savons pas combien de personnes qui souhaitent partir finissent réellement par s'exiler. Enfin, il existe, aux États-Unis seulement, des statistiques sur les ventes aux étrangers. Toutefois, ces statistiques ne tiennent pas compte de la location, qui est pourtant importante pour le sujet qui vous occupe.

Nous constatons, comme nos collègues, une hausse du nombre de Français qui souhaitent vendre leur résidence pour partir à l'étranger. Beaucoup de Français, nous le voyons aussi, se sont installés à l'étranger. Ce phénomène existe depuis dix ans peut-être, mais il s'est accéléré depuis la fin de l'année 2011. Dans un premier temps ont été mis en vente des biens valant 7, 10 ou 15 millions d'euros : cela marquait le départ des gens qui possédaient un patrimoine important. Dans un deuxième temps, au premier semestre 2013, on a vu plutôt le départ de ceux qui sont en train de se constituer un patrimoine, des actifs qui ont du talent – ils vendaient des biens entre 3 et 7 millions d'euros. Depuis le deuxième semestre 2013, nous voyons des mises en vente entre 1 et 3 millions d'euros : ce sont des patrons de très petites entreprises, des professions libérales…

Selon nos consultants, 20 % à 50 % de leurs clients vendent aujourd'hui en raison d'un projet de départ à l'étranger. Nos bureaux à l'étranger – notamment au Royaume-Uni et aux États-Unis – confirment voir plus d'acheteurs français. En France, le flux entrant ne compense pas le flux sortant : 80 % des clients français ou étrangers adressés par nos bureaux étrangers en 2012 et 2013 souhaitaient vendre leurs actifs français, en général pour des raisons fiscales – ISF, augmentation de l'imposition des plus-values.

Quant aux destinations préférées des Français qui s'expatrient, ce sont Londres, Bruxelles, Los Angeles, Miami, New York, Tel Aviv, Singapour... Ils choisissent ces villes pour leur dynamisme, à l'exception de Bruxelles où vont plutôt les investisseurs fonciers. Pour expliquer leur départ, ils évoquent la fiscalité du patrimoine, le droit du travail – mis en avant notamment par les chefs de très petites entreprises –, la perte d'attractivité de la France, mais aussi le coût de la vie. D'après la Banque mondiale, la France est au seizième rang mondial pour les revenus mais Paris est au deuxième rang mondial pour le coût de la vie. Le facteur fiscal est vraiment important : rappelons que la France est depuis dix ans en tête du Forbes Tax Misery Index – qui ne tient pas encore compte des dernières augmentations d'impôts !

Notre partenaire à Londres, Hamptons International, nous confirme que 5 % de leurs locations sont faites aujourd'hui à des Français ; au cours des dix dernières années, la population française y a augmenté de 75 %. Les Français comptent pour un tiers environ des 10 % de ventes faites à des non-résidents. Ils viennent chercher en Angleterre une fiscalité plus favorable – l'impôt sur les sociétés y est à 23 %, contre 33 % en France, et le régime fiscal des non résidents britanniques est très favorable, puisque les revenus non rapatriés au Royaume-Uni ne sont pas imposés. Les relations du travail sont aussi beaucoup plus simples, et non conflictuelles. Le régime de l'auto-entrepreneur est meilleur – la limite de chiffre d'affaires est à 79 000 livres, soit environ 100 000 euros, contre 32 500 euros en France. Londres, enfin, est une ville très attractive, très dynamique.

Quant aux États-Unis, notre site internet reçoit à peu près 2 000 visites par mois en provenance de France : la France est dixième, alors que sa population est la vingt et unième mondiale. Le volume des achats par les étrangers non-résidents aux États-Unis est de 33 milliards d'euros ; depuis 2010, les Français en représentent 2 % à 4 %. Les Français non-résidents ont donc acquis sur le territoire américain des biens pour 1,4 milliard d'euros. Pour les Français déjà résidents, le volume est à peu près similaire. Les Français, résidents ou non, ont réalisé environ 7 000 acquisitions l'an dernier. On estime aux États-Unis qu'une vente immobilière crée environ trois emplois : les Français auraient donc créé 21 000 emplois sur le sol américain l'année dernière.

Les acheteurs français se dirigent principalement vers la Floride, New York et la Californie. Sur les six premiers mois, notre site dédié spécialement à la Californie a enregistré 7 300 connexions issues de la France.

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