En effet, nos confrères belges et suisses se régalent de nos malheurs et, s'ils nous font miroiter un partenariat « gagnant-gagnant », on sait ce que valent ces promesses. Ce qu'ils font est humain et j'en ferais autant à leur place. Nous en revenons au principe de Lavoisier : rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme. Ainsi ce que nous perdons ici, eux le gagnent. J'ai donc l'idée, pour l'instant latente, d'ouvrir un jour un cabinet secondaire en Belgique ou en Suisse qui pourrait même devenir, à terme, mon cabinet principal : si tous mes clients quittent la France, je serai bien contraint de les suivre pour essayer de continuer à gagner ma vie !
Le phénomène s'est-il accentué ? Paradoxalement, le Conseil constitutionnel a fait beaucoup pour la France ces derniers temps en invalidant le nouveau mode de calcul du plafonnement de l'ISF car force est de constater qu'avec un plafonnement de l'ISF à 75 %, la situation, sans être aussi favorable qu'avec le bouclier fiscal, l'est beaucoup plus qu'avant son instauration. En 2012, au moment du changement de majorité, certains de mes clients m'avaient annoncé leur volonté de partir. Ils ont ensuite très mal vécu la contribution exceptionnelle sur la fortune, cette « resucée » d'ISF, qu'ils ont dû payer le 15 novembre 2012. Or, la décision du Conseil constitutionnel les a fait rester. De même ils se sont montrés satisfaits de la sanction par le Conseil du projet du Gouvernement, qui voulait inclure dans les revenus à prendre en compte pour le calcul de l'ISF les revenus latents des fonds en euros des contrats d'assurance-vie et de capitalisation. Aussi, depuis 2012, n'ai-je pas observé de hausse sensible du nombre d'exils fiscaux dus à l'ISF parmi ma clientèle traditionnelle, composée pour l'essentiel de rentiers âgés.
Pour d'autres, il est maintenant trop tard, le Conseil d'État n'ayant sanctionné qu'à la marge la nouvelle exit tax, ainsi reconnue compatible avec les directives communautaires et avec les engagements internationaux de la France. Il ne reste qu'à en prendre acte et à souffrir en silence.
Enfin, la question du déplacement de la source de la taxation de la richesse concerne davantage les entreprises que les particuliers : il paraît difficile de taxer un particulier ailleurs que dans le lieu où il se trouve physiquement.