Intervention de Jean-Pierre Caillibot

Réunion du 4 septembre 2014 à 9h00
Commission d'enquête chargée d'étudier les difficultés du monde associatif dans la période de crise actuelle, de proposeer des réponses concrètes et d'avenir pour que les associations puissent assurer leurs missions, maintenir et développer les emplois liés à leurs activités, rayonner dans la vie locale et citoyenne et conforter le

Jean-Pierre Caillibot, délégué général adjoint des Petits Frères des pauvres :

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, merci de nous permettre de faire ici état de notre grande préoccupation.

Fondée en 1946, l'association Les Petits Frères des pauvres compte aujourd'hui 10 000 bénévoles, qui accompagnent 10 000 personnes de plus de cinquante ans en situation d'isolement, de précarité et de pauvreté. Elle dispose d'une trentaine de maisons d'accueil, d'hébergement et de vacances. Son budget s'élève à 50 millions d'euros, dont 80 % proviennent de dons et de legs.

J'aimerais vous soumettre trois propositions destinées à soutenir les organisations, à revitaliser l'engagement associatif des citoyens et à remédier à une évolution de la réglementation qui est trop rapide pour nos bénévoles.

Je soulignerai au préalable qu'une association se caractérise par une double dimension : d'une part, sa raison d'être et l'intérêt de ceux qu'elle accompagne ; d'autre part, son pouvoir de mobilisation de nos concitoyens autour du bénévolat. Or on s'intéresse souvent au premier aspect – notre action et nos publics – au détriment du second, c'est-à-dire du bénéfice sociétal propre à la dynamique que nous créons. Il faut le rendre plus visible.

Le projet associatif a sa spécificité. Souvent, on met à notre disposition des outils qui ne sont pas adaptés à notre secteur. Ainsi, l'obligation que l'on nous impose d'instaurer des dispositifs de contrôle ou d'évaluation des prestations issus du secteur entrepreneurial témoigne d'un décalage qui masque l'essentiel : le lien social que nous sommes en mesure de tisser. C'est à nous d'y travailler, mais les pouvoirs publics peuvent nous y aider. Voici comment.

Tout d'abord, il est exact que nous sommes confrontés aujourd'hui, par obligation légale, à des questions touchant au contrôle interne, aux systèmes d'information, à la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, aux risques psychosociaux, à la gestion du patrimoine, qui ne sont pas au coeur de nos projets initiaux. Voici donc ma première proposition : si la puissance publique pouvait intervenir, soit directement auprès des acteurs associatifs, soit auprès des fédérations censées nous soutenir, afin de nous venir en aide dans ces domaines, cela nous permettrait de consacrer les fonds dont nous disposons à notre action plutôt qu'à ces thématiques extrêmement technocratiques qui nous posent de graves problèmes. Car nous consacrons des sommes significatives à ces dispositifs, certes nécessaires – nous devons être visibles –, mais nous le faisons au détriment de notre action et des publics qu'elle vise.

La complexité parfois insupportable des aides européennes, des dossiers administratifs émanant non seulement de l'État, mais de chaque département – sans vouloir le moins du monde remettre en cause la décentralisation –, peut aller jusqu'à empêcher l'action de nos concitoyens comme de nos organisations. Le formulaire CERFA pourrait par exemple valoir pour l'ensemble des départements. Nous pourrions citer maints exemples de nos difficultés à obtenir des financements du fait de la diversité des politiques menées dans chaque département.

Notre deuxième proposition tend à revitaliser l'engagement associatif des citoyens. Je l'ai dit, en mobilisant des millions de citoyens, les associations contribuent très fortement au lien social. En rendant le secteur plus visible dans les médias, comme le suggère le Secours catholique, on incitera un plus grand nombre de nos concitoyens à le rejoindre. Il faut un engagement qui passe par une promotion grand public, laquelle pourrait, comme les campagnes de prévention, être soutenue par les pouvoirs publics. MONALISA, acronyme de Mobilisation nationale contre l'isolement des personnes âgées, nous montre l'exemple, celui de l'engagement citoyen de la société civile comme celui du soutien apporté par la puissance publique.

S'agissant de l'évolution trop rapide de la réglementation, nous avons formulé plusieurs propositions dans le cadre du projet de réforme de l'administration, car les choses sont extrêmement complexes pour tous les acteurs du monde associatif. Il faut évidemment développer la formation, mais les bénévoles qui accompagnent les personnes en grande précarité, comme ces personnes elles-mêmes, doivent pouvoir se repérer dans cette jungle. L'accès au droit est très compliqué, ce qui est inacceptable. Un exemple : la réforme des retraites a manifestement été mal intégrée par les organismes sociaux que sont la Caisse nationale d'allocations familiales et la Caisse nationale d'assurance vieillesse, de sorte qu'un nombre croissant de personnes qui ne touchent plus l'allocation d'adulte handicapé ou le revenu de solidarité active en raison de leur âge se retrouvent sans ressources pendant une durée parfois insupportable. Bref, un travail colossal de simplification administrative et de cohérence entre acteurs publics reste à accomplir.

Enfin, le modèle entrepreneurial des appels à projets n'est pas adapté à la créativité et à l'innovation. Il nous empêche de prendre des risques, ce que nous devrions au contraire pouvoir faire non pas seuls, mais avec nos partenaires, avec les différentes institutions que sont l'État et les collectivités territoriales.

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