ATD Quart Monde a été créé par des personnes très pauvres pour détruire la misère. Notre mouvement est resté fidèle à cette idée : toutes nos actions sont construites par des personnes très pauvres pour des personnes très pauvres.
Nous sommes en accord avec ce qui a déjà été dit et partageons les inquiétudes qui ont été exprimées.
Nous sommes aux côtés de ces gens que vous croisez tous les jours, mais qui doivent parfois vous paraître bien étranges. On voudrait les aider, on ne sait pas comment faire. Le projet du père Joseph Wresinski, fondateur d'ATD Quart Monde, était bien de rejoindre les plus pauvres. Celui qui va au fin fond d'un département très rural pour rencontrer les plus pauvres et leur permettre de cheminer vers la citoyenneté a chez nous autant d'importance que le délégué général.
Nous parlons donc d'un endroit très précis, et cette parole est peut-être comme le zéro que l'on rajoute parfois après certains chiffres : nous espérons que nos mots donneront du poids à ceux de nos amis ici présents. Les plus pauvres, ce sont ceux qui ont raté tous les trains, ceux que Marx appelait le « sous-prolétariat »… Il faut les écouter, car ils savent des choses que personne d'autre ne sait. Ils savent, par exemple, qu'avec les minima sociaux on ne peut pas accéder au logement social.
Il a été question de service civique, et alors on pense souvent à des jeunes gens riches qui pourraient aider les pauvres. Mais là aussi, il faut écouter les personnes très pauvres, rejetées de tous, car elles veulent aussi pouvoir donner quelque chose à la société et construire un projet citoyen. Ce sont des personnes qui doivent briser l'enfermement, échapper à la honte. Elles ne sont pas reconnues et souvent ne se reconnaissent pas elles-mêmes. L'un de nos rôles doit être de combattre les idées reçues.
Lors de l'université populaire d'ATD Quart Monde, à Lyon, en 2012, l'un de nos militants avait découvert qu'il contribuait financièrement au fonctionnement de la République – il ne payait bien sûr pas l'impôt sur le revenu, mais il payait la TVA. Il en était très fier. Les plus pauvres ne connaissent pas la Constitution. Ils ne connaissent pas l'article 40… Mais ils placent beaucoup d'espoir dans la société et dans ses élus. Cet espoir, vous le prenez parfois en pleine tronche, dans vos permanences, parce que celui qui espère peut être maladroit, voire agressif – mais il ne faut pas s'y tromper : c'est de l'espoir. Je me souviens d'une femme qui, à cette même université populaire, s'était levée pour raconter sa vie, une histoire de vie vraiment difficile ; et elle a ajouté : « j'étais vraiment dans la m*** : j'ai écrit au Président de la République, et il m'a répondu ! »
L'action des associations est citoyenne. Aujourd'hui, j'y insiste, beaucoup de grandes administrations ne savent pas comment les dispositifs que vous avez votés sont mis en oeuvre. Les gens qui savent, à l'inverse, ne sont pas toujours organisés pour le dire – je le dis souvent aux présidents d'associations.
Je me retrouve entièrement dans ce qui a été dit, en particulier sur la nécessité de laisser les associations innover au lieu de les enfermer dans des appels à projets. Ceux-ci sont conçus par des gens très intelligents, mais qui ne sont pas au coeur de la réalité ! Les propos de mes collègues sont de l'or pour vous, décideurs : les associations doivent être entendues.