Intervention de Florence Delamoye

Réunion du 4 septembre 2014 à 9h00
Commission d'enquête chargée d'étudier les difficultés du monde associatif dans la période de crise actuelle, de proposeer des réponses concrètes et d'avenir pour que les associations puissent assurer leurs missions, maintenir et développer les emplois liés à leurs activités, rayonner dans la vie locale et citoyenne et conforter le

Florence Delamoye, déléguée générale d'Emmaüs France :

Le sens de notre engagement est pour nous d'une telle évidence que nous ne l'avons peut-être pas évoqué assez clairement. Nous sommes un rassemblement de personnes convaincues qu'un projet collectif peut être mené en adéquation avec l'intérêt commun. Les communautés Emmaüs, qui vivent de la collecte de dons et de la revente, sont un bon exemple d'un tel projet. Le compagnon en est un acteur majeur. Par son activité, il fait vivre la communauté, il la crée et lui permet de gagner une véritable reconnaissance. À bien y réfléchir, il est extraordinaire que nous parvenions à trouver les capacités de mener de tels projets collectifs à but non lucratif grâce à l'esprit associatif.

Les revenus générés sont destinés à faire vivre la communauté. Lorsque des recettes dépassent les besoins, les surplus alimentent la solidarité locale, régionale et internationale d'Emmaüs et servent par exemple à financer les prêts à taux zéro consentis par SOS Familles Emmaüs afin d'éviter le mal-endettement. Les acteurs qui s'investissent auprès d'Emmaüs sont donc des militants, et l'intérêt pécuniaire n'est pas la principale motivation de leur engagement. Cette caractéristique différencie le milieu associatif du secteur dit concurrentiel au sujet duquel vous avez voulu nous rassurer. J'avoue que mes craintes persistent, mais je suis prête à dialoguer sur cette question.

Le monde associatif joue un rôle de vigie. Il repère en amont les évolutions sociales. Si, dans un premier temps, nous sommes le plus souvent pris au dépourvu, dans un second temps, les associations tentent de répondre collectivement aux nouveaux besoins. Les familles monoparentales, les retraités pauvres, les jeunes en rupture familiale n'ayant jamais travaillé sont par exemple de plus en plus nombreux.

Il nous appartient de réagir en proposant des solutions innovantes. Nous l'avons fait en mettant en place le travail à l'heure qui permet à des personnes qui se trouvent dans la rue de travailler une, deux, trois ou quatre heures. Le travail conjoint entre les maraudeurs et des chantiers d'insertion a donné de véritables résultats. De la même façon, l'accueil de personnes sortant de prison dans la ferme de Moyembrie, en Picardie, constitue un succès reconnu par les magistrats locaux. Les personnes accueillies peuvent reprendre une activité économique réelle au sein d'une AMAP, prendre le temps de construire un projet personnel et professionnel, et retrouver la réalité et l'autonomie. Dans tout le pays, Emmaüs France accueille aussi de très nombreuses personnes parfois mineures exécutant des travaux d'intérêt général (TIG) décidés par un tribunal. À notre avis, mais c'est aussi celui des magistrats, cette alternative à l'incarcération est un outil formidable et constitue un moyen citoyen et efficace pour réinsérer un individu dans la société.

Concernant tous les publics que je viens d'évoquer, je note que les « besoins émergents » ne datent plus d'hier. Les années ont passé et aucune solution n'a pourtant encore été apportée à ces problèmes. L'expérimentation est nécessaire ; elle ne peut réussir sans confiance.

Emmaüs a disparu de la filière papier-carton, dans laquelle il jouait un rôle important il y a près de soixante ans. Nous savons donc parfaitement que rien n'est acquis, ce qui ne nous gêne pas. Nous considérons en revanche que la loi relative à l'économie sociale et solidaire peut faire courir des risques aux associations et aux coopératives. Les secteurs qu'elles investissent sont en général peu rentables : ce fut le cas des meubles ou du textile. Mais lorsque les filières en question commencent à rapporter de l'argent, les entrants affluent et nous ne nous sentons pas toujours assez protégés. Les verrous existent nous avez-vous dit. Certes, mais à nos yeux, ils sont insuffisants. Prenez les écarts de salaires : dans les entreprises du secteur de l'économie sociale et solidaire, ils pourront aller de un à sept, alors qu'entre le plus bas et le plus haut salaire versé par Emmaüs, il n'y a qu'un facteur 2,86 – et, chez nous, il n'est pas question que cela change !

L'économie circulaire est pour nous fondamentale. Au travers du marché de seconde main et du recyclage, nous nous positionnons donc aussi sur une problématique environnementale essentielle.

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