Intervention de Jean-Benoît Dujol

Réunion du 3 septembre 2014 à 17h00
Commission d'enquête chargée d'étudier les difficultés du monde associatif dans la période de crise actuelle, de proposeer des réponses concrètes et d'avenir pour que les associations puissent assurer leurs missions, maintenir et développer les emplois liés à leurs activités, rayonner dans la vie locale et citoyenne et conforter le

Jean-Benoît Dujol, directeur de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative, DJEPVA :

Aux termes des décrets régissant son fonctionnement, la DJEPVA est chargée de concevoir sur le plan interministériel les politiques publiques relatives au monde associatif. Elle possède à ce titre un champ d'expertise à la fois sectoriel – pour ce qui est des associations possédant l'agrément « jeunesse et éducation populaire » – et général. En lien avec le ministère de l'intérieur, nous avons beaucoup travaillé sur les différentes mesures de la loi sur l'ESS, dont la discussion parlementaire a considérablement enrichi le volet « vie associative ». Vous avez raison de souligner, monsieur le président, que le monde associatif est une composante essentielle de l'ESS – les mutuelles et les fondations, pour importantes qu'elles soient, occupant une place bien moindre tant par leur nombre que par leurs effectifs.

En ce qui concerne les financements et leurs fluctuations, je partage en grande partie l'analyse de Mme Tchernonog, chargée de recherche au CNRS, que vous avez auditionnée précédemment. Tout d'abord, les financements publics sont contraints : même si l'on constate une légère hausse de leur volume en valeur absolue – plus de 42 milliards d'euros en 2011 contre 39,8 milliards d'euros en 2005 –, leur part est passée de 51,4 % à 49,6 % durant la même période. Pour ce qui est de la part de l'État, on ne peut parler d'un désengagement, puisqu'il a continué à financer les associations à hauteur de 9 milliards d'euros environ entre 2005 et 2011 ; cependant, les évolutions institutionnelles que nous connaissons, marquées notamment par un mouvement de décentralisation, ont entraîné une modification de la répartition du financement entre les différents acteurs publics, les collectivités locales devenant progressivement des partenaires essentiels du monde associatif.

Parallèlement, le financement privé prend une importance croissante, ce qui a amené certains analystes à évoquer une « privatisation » du financement des associations. Si ce terme semble exagéré compte tenu du fait que la part du financement public se maintient aux environs de 50 %, il convient de noter que, les dons et les cotisations restant relativement stables, les associations sont amenées à augmenter le montant des prestations facturées à leurs usagers. Outre que cette pratique est susceptible de constituer un facteur de fragilité pour elles, elle suscite des interrogations en termes de préservation de la solidarité et de l'intérêt général, car on peut imaginer qu'elle les incite à sélectionner le public auquel elles s'adressent, ce qui va à l'encontre des objectifs de solidarité qu'elles sont censées poursuivre – cela dit, il ne s'agit pas là d'une tendance massive.

Plus significative est la question de l'évolution des financements publics. Les statistiques font en effet apparaître une montée en charge de la commande publique au détriment de la subvention. Les deux modes de financement sont aujourd'hui quasiment à parité, mais la répartition est très hétérogène en fonction des secteurs concernés : si la commande publique est majoritaire – de l'ordre des deux tiers – dans le secteur sanitaire et social, le rapport est inverse dans d'autres secteurs, tel celui des loisirs et de la culture. Or les incidences du mode de financement ne s'arrêtent pas au plan comptable : une association financée par la commande publique n'a pas le même type de relations avec son donneur d'ordre, ni les mêmes prérogatives en ce qui concerne la définition de son action, qu'une association financée au moyen de subventions. La différence essentielle entre les deux modes de financement réside bien dans l'initiative de la définition du service à rendre, qui revient à la collectivité ou à l'État quand une commande publique est passée, tandis que l'association conserve la maîtrise du projet qu'elle a décidé – guidée par l'intérêt général, dans le cadre du débat démocratique – de mener à bien.

Le choix du mode de financement n'est pas toujours dicté par des contraintes réglementaires. Soucieuses de sécurité juridique, les collectivités locales préfèrent recourir à la commande publique alors que ce n'est pas toujours nécessaire, comme la DJEPVA est souvent amenée à le leur rappeler. L'un des objets de la charte d'engagements réciproques signée en février dernier par le mouvement associatif et l'État était d'apporter des clarifications sur ce point, en redéfinissant les notions de commande publique et de marché, et en rappelant la possibilité de recourir, dans la majorité des cas, à une subvention pluriannuelle. La précédente charte, qui datait de 2001, année du centenaire de la loi sur les associations, était tombée dans une relative désuétude. L'une des principales innovations de la charte de 2014 est d'inclure les collectivités locales, qui se trouvent désormais placées au coeur du financement des associations.

L'emploi associatif, qui représente environ 10 % de l'emploi privé, subit avec retard les répercussions de la conjoncture économique. Cela s'explique notamment par la nature de son financement – le financement public s'est maintenu plus longtemps que la demande privée s'adressant aux entreprises à but lucratif – et par la mise en place de politiques contracycliques, sous la forme d'emplois aidés dont les associations sont les principales bénéficiaires. Cela dit, on assiste aujourd'hui à un repli, voire à un décrochage en matière d'emplois associatifs, qui montre les limites de ses facultés de résilience.

L'autre pilier de la ressource humaine du monde associatif est le bénévolat, qui joue un rôle majeur dans le fonctionnement des associations, non seulement en tant que ressource d'appoint, mais aussi comme facteur essentiel de vivacité démocratique et témoin de l'importance de la notion d'engagement. On compte 13 millions de bénévoles, ce qui représente près d'un actif sur deux : dans la période de crise économique et sociale que nous traversons, ce chiffre montre la grande capacité de mobilisation de nos compatriotes, d'autant que le nombre d'interventions bénévoles s'est accru de 12 % depuis 2010. Cette progression est due en grande partie aux classes d'âge les plus jeunes, ce qui est encourageant en termes de renouvellement des bénévoles – étant toutefois précisé que, si les jeunes bénévoles sont prompts à s'engager de manière ponctuelle, directement auprès des usagers, dans un projet associatif, ils rechignent souvent à prendre des responsabilités associatives de nature statutaire, c'est-à-dire à plus long terme.

L'étude des statistiques du service civique – un dispositif qui monte en charge de manière dynamique – confirme la présence d'une importante réserve de bénévoles en France, soutenue par un attachement certain à l'idée d'engagement. Dans ce domaine, le Président de la République et le Premier ministre ont fait part de leur volonté de voir passer le nombre de volontaires du dispositif de 35 000 à 100 000. Ayant créé et dirigé l'agence du service civique qui accueillait à l'origine 6 000 volontaires, je suis bien placé pour mesurer l'ampleur des progrès accomplis en la matière depuis 2010.

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