Conformément à la réglementation fiscale, les associations doivent se doter d'un commissariat aux comptes à partir de 153 000 euros de recettes d'origine publique. Jusqu'à présent, le commissariat aux comptes était réservé aux associations et fondations d'utilité publique. Dorénavant, toutes les associations d'intérêt général sont concernées. Le problème est de savoir ce que recouvrent les 153 000 euros.
D'ores et déjà, il y a les dons, qui donnent lieu à des reçus fiscaux. En effet, depuis le passage de M. Fabius à Bercy, toutes les associations d'intérêt général clairement identifiées par leurs statuts peuvent délivrer des reçus fiscaux. Cela concerne un grand nombre, voire la totalité de nos associations.
Je souhaite alerter la représentation nationale s'agissant d'un curieux document issu du ministère précédemment intitulé « de la ville, de la jeunesse et des sports », qui mentionne à plusieurs reprises l'avis de la commission juridique de la Compagnie nationale des commissaires aux comptes (CNCC). D'abord, comment un organisme de droit privé, qui n'a pas de pouvoir administratif, peut-il servir de référence à un document public ? J'aurais préféré que le commentaire vienne de Bercy. Ensuite, selon la Compagnie nationale des commissaires aux comptes, les aides à l'emploi associées à des contrats aidés – contrat d'accompagnement dans l'emploi, contrats initiative emploi – entrent également dans le calcul des subventions, c'est-à-dire des 153 000 euros. Est-ce ainsi que vous l'aviez prévu au cours de vos débats ou un décret d'application a-t-il été pris en ce sens ? Il me paraît important que les décisions, quand bien même elles ont les meilleures intentions du monde, soient suivies dans les moindres détails par la représentation nationale ! Dans ces conditions, les associations doivent prendre en compte le montant des aides à l'emploi précitées pour déterminer si elles dépassent ou non le seuil des 153 000 euros.
Or ce seuil pose déjà problème. Dans mon secteur, les associations culturelles sont chargées de récolter l'argent manquant des musées. Une souscription pour l'achat d'une oeuvre d'art ou l'organisation d'un dîner destiné à récolter des fonds fera sauter le plafond, mais dans le cadre d'un exercice où l'intervention du commissaire aux comptes n'est pas prévue. Par conséquent, il faudra que la CNCC détermine clairement si le commissariat aux comptes doit intervenir en cours d'exercice ou à la fin de l'exercice, une fois les totaux réalisés.
Se pose donc le problème de l'interprétation des mesures qui nous seraient théoriquement favorables au regard du seuil de 153 000 euros : les nouvelles responsabilités qui nous sont octroyées, d'une part, et l'assimilation à des subventions des aides à l'emploi, d'autre part, le rendent insuffisant.
En outre, dans sa chasse à toute entrave à la libre circulation des capitaux, Bruxelles pourrait requalifier ce que nous, Français, considérerions comme des subventions, alourdissant encore notre péché originel aux yeux des représentants britanniques à la Commission. Nous finirons par les rendre cardiaques !
Qui plus est, la Cour de justice de l'Union européenne a rendu une décision relative à la territorialité des dons, question qui a d'ailleurs fait l'objet d'un rapport du conseiller d'État Bachelier. Dans un article intitulé « Les dons bientôt soumis à l'impôt », le Quotidien de l'art écrivait avant-hier que « le régime fiscal français des donations en faveur d'associations et fondations est au centre du débat de la Commission européenne qui a décidé de saisir la Cour de justice de l'Union européenne. Le litige porte sur le fait que la France exempte de droits d'enregistrement les donations et les legs réalisés au profit d'organismes publics ou d'utilité publique ». La France risque donc d'être traduite devant la CJUE !
Si demain, sous prétexte d'unification européenne, nous devons payer les droits d'enregistrement sur les dons et legs que nous recevons, je peux vous dire, en tant qu'administrateur de la Société des amis de Versailles, que notre chantier de restauration du boudoir de Marie-Antoinette pour un montant de 800 000 euros ne pourra pas être réalisé. Il est, en effet, financé pour moitié par un don supplémentaire de nos amis et pour l'autre moitié par deux legs – un appartement sur la Côte d'Azur et un appartement en Suisse, d'une valeur de 400 000 euros.
Nous espérons que le Gouvernement prendra des mesures efficaces pour résoudre le problème, sachant que Gilles Bachelier devrait être amené à faire des propositions en la matière.