Le ministère de l'intérieur exerce la compétence régalienne vis-à-vis des associations. Les préfets reçoivent les déclarations de création, de modification et de dissolution des associations dites « simplement déclarées ». Ils ont également pour mission de délivrer les attestations de non-opposition aux libéralités – legs, donations, etc. – que certaines associations peuvent recevoir. Ces libéralités étaient auparavant soumises à un régime d'autorisation que la loi Warsmann de simplification et de clarification du droit et d'allégement des procédures est venue assouplir il y a quelques années.
La tutelle des établissements et fondations reconnus d'utilité publique est quant à elle « copartagée » par l'administration centrale du ministère et les préfectures. Le ministère a la charge de la procédure de reconnaissance d'utilité publique, qui fait l'objet d'un décret en Conseil d'État, et exerce ensuite sa tutelle sur les établissements, contrepartie des avantages et du label dont ceux-ci bénéficient. Les préfets exercent également cette tutelle, selon l'emplacement du siège social.
Le rôle du ministère de l'intérieur est donc assez différent de celui de la direction de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative (DJEPVA), dont vous venez d'entendre le représentant et qui s'occupe davantage de la dynamique associative, des subventions, des agréments, du bénévolat, etc.
Les chiffres que vous m'avez transmis avant cette audition sont conformes aux nôtres : il y a aujourd'hui en France 1,2 million d'associations. Le répertoire national des associations (RNA), tenu à jour par les préfectures et relevant l'existence de toutes les associations vivantes, nous permet d'avoir une vision précise des évolutions. Ce milieu est extrêmement dynamique : nous enregistrons environ 70 000 créations par an et environ 250 000 modifications, ce qui représente un travail assez important pour les préfectures.
Il existe par ailleurs 1 933 associations reconnues d'utilité publique (ARUP). Ce chiffre est relativement stable. Chaque année, nous accordons la reconnaissance d'utilité publique à quinze à vingt nouvelles entités et nous abrogeons, après avis du Conseil d'État, une dizaine de décrets de reconnaissance d'utilité publique – ce qui ne signifie pas, précisons-le, que les associations sont dissoutes ou disparaissent.
Ces abrogations ne sont pas la conséquence de contentieux ou de difficultés : très souvent, ce sont les associations qui renoncent d'elles-mêmes à la reconnaissance d'utilité publique parce qu'elles n'en ont pas l'usage. Cette reconnaissance est un label de sérieux sur lequel on peut appuyer une communication auprès du public ou de mécènes éventuels, et elle ouvre la « grande capacité juridique », qui donne la possibilité de recevoir des libéralités. Mais les associations qui utilisent peu le label et reçoivent peu de dons et de libéralités peuvent considérer que la tutelle est un peu lourde et préfèrent y renoncer.
Il existe aussi un mouvement de fusion, voire de transformation d'associations. Beaucoup d'entre elles, ont le sait, interviennent dans le domaine médico-social, où les Agences régionales de santé (ARS) encouragent fortement le regroupement des structures, préférant s'adresser à des entités relativement importantes plutôt qu'à une myriade de petites associations.
Parallèlement, on assiste à un mouvement de transformation d'associations en fondations. Certaines associations en effet, dans le domaine médico-social, de la jeunesse en plein air, des colonies de vacances, etc., détiennent parfois un patrimoine abritant leurs activités, tandis que le nombre de leurs membres décroît et que leur gouvernance se fait un peu vieillissante. Elles choisissent alors de se transformer en fondation pour mettre ce patrimoine à l'abri.
Rappelons que la clé de voûte – et la richesse – d'une association, ce sont ses adhérents, alors qu'une fondation consiste d'abord en un patrimoine. Or le patrimoine d'une fondation reconnue d'utilité publique, sa dotation, est inaliénable et inconsomptible. La valeur minimale de cette dotation – qui peut très bien être un bien immobilier – est de 1,5 million d'euros. La fondation ne peut pas en disposer, ce qui permet de s'assurer de la pérennité du bien au fil de l'évolution de la gouvernance.
Parmi les difficultés que rencontrent les associations, nous constatons dans les dossiers que nous instruisons une légère érosion des dons et des cotisations. Les associations sont également confrontées à une augmentation de la part de la commande publique par rapport aux subventions, l'évolution de la législation européenne imposant désormais à l'État et aux collectivités territoriales un système d'appels d'offres transparent qui, de fait, met les associations en concurrence avec le secteur privé. En outre, les budgets des conseils départementaux en matière d'aide sociale diminuent. Je siège, en tant que représentant du ministère de l'intérieur, aux conseils d'administration d'une trentaine de fondations à Paris – étant chargé de la tutelle, le ministère siège dans pratiquement toutes les fondations reconnues d'utilité publique –, où l'on regrette que ces budgets, de même que ceux des autres collectivités et des ARS, soient de plus en plus serrés. Les fondations et les associations se trouvent parfois contraintes de prendre sur leur substance pour financer ce que l'argent public ne finance plus.
Enfin, il ressort des procès-verbaux des assemblées générales – notamment en ce qui concerne le nombre de présents – que l'investissement associatif est en diminution. Sans aller jusqu'à parler de vision « consumériste » des associations, il existe sans doute une difficulté à renouveler les bénévoles et les adhérents, et à trouver des administrateurs. Souvent, pour modifier les statuts d'une association reconnue d'utilité publique, il faut recourir à une assemblée générale extraordinaire parce que l'on n'a pas atteint le quorum d'un quart des adhérents qu'imposent les statuts types validés par le Conseil d'État. Il y a là un signe de perte de dynamisme.
Cela dit, nous ne devons pas opposer le secteur associatif au secteur privé ou à l'action des pouvoirs publics. Le monde associatif, par sa réactivité, son ancrage dans les territoires, sa connaissance des besoins des populations, leur est complémentaire dans de nombreux domaines. Il a toute sa place, et cela doit être reconnu dans le débat entre commande publique et subvention.
Dans ce paysage, quelle est l'action du ministère de l'intérieur ?
Tout d'abord, nous sommes à l'origine d'une disposition de la loi du 31 juillet 2014 relative à l'économie sociale et solidaire qui prévoit un élargissement du périmètre des associations pouvant recevoir des libéralités. Jusqu'à présent, seules les associations ayant pour but exclusif l'assistance, la bienfaisance, la recherche scientifique ou médicale, étaient concernées. Il n'était pas toujours facile pour les préfets de se prononcer : il suffisait que l'association ait une petite activité annexe pour ne pas bénéficier de cette qualification, au demeurant quelque peu désuète – on pense à la philanthropie des dispensaires et des orphelinats sous le Second Empire. La nécessité de soutenir des populations en difficulté, surtout en période de crise, n'a pas diminué, mais d'autres missions d'intérêt général, telles que le développement durable, la protection des animaux, la défense de la langue française, l'action humanitaire, etc., méritent d'être retenues. Le législateur a donc modifié l'article 6 de la loi de 1901 : dès lors que l'ensemble des activités d'une association est mentionné au b du 1 de l'article 200 du code général des impôts – condition qui, par ailleurs, donne lieu au rescrit fiscal –, cette association pourra recevoir des libéralités, ce qui élargira le financement des actions d'intérêt général. Sur notre proposition également, il a été décidé que ces associations ne seraient plus obligées de vendre les biens immobiliers reçus par legs ou par donation : elles pourront les conserver comme immeubles de rapport, de manière à diversifier leurs sources de financement.
Parallèlement à ce renforcement des avantages des associations déclarées d'intérêt général, nous avons proposé de renforcer les avantages des associations reconnues d'utilité publique en leur permettant l'achat d'immeubles de rapport. Ces mesures devraient apporter de l'air frais au monde associatif.
Sur le plan des procédures administratives, il est désormais possible sur tout le territoire national – à l'exception de l'Alsace-Moselle, où le droit local nécessite quelques ajustements – de déclarer, modifier ou dissoudre une association par une simple déclaration sur internet. La préfecture ne fait que valider les documents qui lui sont envoyés. Ceux-ci figurent ensuite au RNA et sont publiés au Journal officiel sans qu'il soit nécessaire de les saisir à nouveau. Le récépissé est envoyé dans le porte-documents de l'associé internaute.
La procédure dématérialisée dite de e-création a été généralisée au début de 2013. Aujourd'hui, 45 % des déclarations se font par internet, avec des inégalités selon les territoires, puisque le taux atteint 65 % à Paris. Les procédures de modification et de dissolution, généralisées en février 2014, sont un peu plus lentes à démarrer puisque nous n'avons pas encore atteint les 5 %. Après avoir identifié certaines raisons de ce moindre succès – référencement du site sur internet, notamment –, nous nous efforçons, avec nos partenaires, de communiquer plus largement pour rattraper ce retard.
Enfin, la loi relative à l'économie sociale et solidaire ouvre au Gouvernement la possibilité de prendre par ordonnance des mesures de simplification. Dans ce cadre, le ministère de l'intérieur réfléchit à l'allégement de certaines modalités de l'exercice de sa tutelle sur les associations reconnues d'utilité publique.