Intervention de Philippe Duron

Réunion du 9 septembre 2014 à 14h00
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Duron :

Monsieur le président, mes chers collègues, c'est un honneur pour moi d'être pressenti une nouvelle fois par le Président de la République, confirmé par le Conseil d'administration de l'AFITF pour en garder la présidence pendant un deuxième mandat, mais aussi de faire la rentrée de la Commission du développement durable de l'Assemblée nationale.

L'AFITF fait en effet partie des établissements publics de l'État pour lesquels la nomination des dirigeants requiert l'approbation des assemblées parlementaires avant d'être décrétée par le Conseil des ministres. C'est un organisme que je connais assez bien, pour en avoir été administrateur dès sa création, en 2005. Je rappellerai donc les principes qui ont présidé à sa fondation avant de dresser un rapide bilan de l'action que j'ai pu mener à la tête de cet établissement depuis deux ans, et d'examiner les perspectives qui s'ouvrent à nous.

L'Agence de financement des infrastructures de transport de France est née de la conviction qu'il importe d'appuyer les investissements d'infrastructures, souvent très lourds, sur des financements stables. De fait, en créant une agence assise sur une recette robuste et croissante, les dividendes des sociétés d'économie mixte concessionnaires d'autoroute (SEMCA), le CIADT de décembre 2003, qui listait les infrastructures nécessaires à l'horizon 2020, a donné de la crédibilité à ce qui aurait pu n'être qu'un catalogue.

Ce lien, au sein d'une agence, entre les dépenses d'intervention qui nécessitent de la continuité, et des recettes affectées, est fondamental. La pratique des recettes affectées aux infrastructures, cantonnée dans une agence ad hoc, se retrouve dans plusieurs pays voisins, notamment en Allemagne (avec la VIFG) ou en Espagne. Cependant, chacun connaît les vicissitudes de l'AFITF. La cession des parts de l'État dans le SEMCA, par le gouvernement de M. Dominique de Villepin, à des entreprises privées a supprimé cette recette affectée. Certes, l'État a apporté à l'AFITF une dotation de 4 milliards d'euros en contrepartie, mais cette somme a été dépensée en trois ans, nécessitant ensuite une subvention d'équilibre. Le principe de l'écotaxe poids lourds aurait dû refonder l'Agence sur des bases plus saines.

Je rappellerai également que l'AFITF constitue aussi, de par sa composition paritaire inscrite dans ses statuts, une structure originale d'échanges entre administrations, élus et personnalités qualifiées. Ceux de nos collègues qui sont administrateurs de cette agence peuvent témoigner que les conseils d'administration sont l'occasion de débats souvent riches, non seulement sur les projets de conventions examinés, mais aussi sur les orientations de la politique des transports en matière d'infrastructures. Les enjeux d'aménagement du territoire, qui sont très présents, et les projets examinés, prennent une consistance plus concrète de par leur présentation à des élus locaux soucieux d'accessibilité et de compétitivité pour les territoires. Je pense notamment aux projets de transports collectifs urbains auxquels les élus sont naturellement attentifs, mais également aux grands projets structurants à l'échelle du territoire national.

Dans le même temps, la conscience, partagée par tous, de la rareté des ressources, fait que se pose avec acuité, notamment lors de l'examen des budgets, la question de l'affectation des crédits entre les lignes budgétaires, affectation qui reflète autant de choix stratégiques. Cette même rareté de la ressource rend encore plus souhaitable, au niveau de chaque projet, d'en évaluer l'impact socioéconomique et environnemental, comme c'est déjà le cas pour les transports collectifs urbains.

Ainsi l'AFITF constitue-t-elle une enceinte utile de débats sur les choix stratégiques d'infrastructures de transport et leur mise en oeuvre concrète dans les projets qu'elle finance. À cet égard, la mission que m'a confiée en 2012 le ministre chargé des transports, de la pêche et de la mer, M. Frédéric Cuvillier, peu après ma nomination à la tête de l'Agence, d'animer la commission « Mobilité 21 », chargée de prioriser les projets listés par le schéma national des infrastructures de transport (SNIT), m'a conduit à porter une attention particulière à la difficile confrontation entre ce qui est souhaitable et ce qui est finançable.

Comme vous le savez, les recommandations de cette commission ont été largement reprises par le gouvernement de M. Jean-Marc Ayrault, tant pour l'échelonnement des projets à tel ou tel horizon temporel, que pour le niveau de ressources de l'Agence qui, à terme, devrait se situer à hauteur de 2,5 milliards d'euros. Bien sûr, cela ne signifie pas qu'un tel niveau de ressources soit aujourd'hui acquis. Un rapide retour sur ces deux dernières années m'amène à rappeler qu'ont été financées des opérations aussi importantes, entre autres, que la poursuite des plans de modernisation des itinéraires (PDMI) dont il fut largement question il y a quelques années, les contrats de projets État-région (2007-2013), la régénération des réseaux existants, aussi bien routiers que ferroviaires et fluviaux, les travaux de lignes à grande vitesse (LGV) engagés, des projets d'autoroutes ferroviaires et de la mer, ou des projets de transports collectifs urbains. Ces financements ont confirmé l'orientation de l'Agence en faveur d'un développement multimodal avec, en cumul, à la fin de 2013, 58 % des paiements consacrés aux modes alternatifs à la route, et plus de 70 % des crédits d'engagement.

Le fait marquant de ces deux dernières années est bien sûr le retard pris, puis l'abandon de l'écotaxe qui devait se substituer à la subvention d'équilibre, dont le plan triennal a prévu la sortie en sifflet. L'ampleur des financements apportés au cours de ces deux dernières années ne doit cependant pas masquer le problème qui s'est posé au niveau des ressources. On doit souligner qu'en 2013, année où les ressources ont baissé de 19 % par rapport à 2012, un tel effort n'a été possible que par une très forte ponction sur le fonds de roulement de l'Agence. Quant au budget 2014, malgré l'effort qui a été fait par l'État, grâce notamment à une majoration de la subvention d'équilibre pour maintenir un niveau de crédits de paiement comparable à celui des années antérieures, c'est un budget de crise. Nous n'avons pas pu porter les crédits d'engagement au niveau où ils auraient été nécessaires, en particulier pour financer les contrats de plan État-région de nouvelle génération, ou encore le troisième appel à projets TCSP (transports collectifs en site propre), très attendu par les collectivités.

La suspension, puis l'abandon de l'écotaxe, remplacée par le péage de transit à partir de 2015, apportera une partie de solution, mais une partie seulement. En effet, son assiette est plus étroite que celle de l'écotaxe, et son rendement sera plus faible pour l'Agence. Quand on regarde les projections financières, on mesure que la recette escomptée fait qu'il manque à l'Agence à peu près 500 millions d'euros pour retrouver son niveau de financement au fil de l'eau, celui de ces dernières années, et peut-être même un peu plus si l'on veut réaliser le scénario 2 du projet « Mobilité 21 », que le Gouvernement semblait avoir adopté. Des ressources complémentaires devraient donc être aujourd'hui recherchées. C'était l'ambition de l'écotaxe.

Je dirai quelques mots sur des critiques émises par la Cour des comptes. Je rappellerai que l'AFITF agit sous le contrôle étroit, d'une part de l'administration qui exerce sur elle une tutelle rigoureuse, et d'autre part du Parlement qui est représenté en son conseil d'administration, qui procède à des auditions et qui a, ne l'oublions pas, autorisé en loi de finances les ressources qui lui sont affectées. Au surplus, nous nous sommes efforcés pendant ces dernières années de développer la transparence de l'AFITF en mettant en place un site internet, et en renouant avec la pratique d'un rapport annuel d'activité qui rend compte, entre autres, des fonds de concours apportés par l'Agence aux opérations dont l'État a la maîtrise d'ouvrage.

Cela n'empêche pas que des améliorations sont bien entendu possibles dans le fonctionnement de l'Agence. En outre, pourrait être conçu un élargissement de son conseil d'administration aux représentants des grandes collectivités locales qui ont des compétences en matière de cofinancement. Nous avions, il y a deux ans, envisagé un tel élargissement. Les projets de décret avaient été adressés au Gouvernement. Mais la réforme territoriale amène à prendre un peu de temps pour mieux connaître les compétences en matière de mobilité et de transports, et donc pour savoir qui doit siéger au sein de ce conseil d'administration.

En définitive, la fragilité financière de l'AFITF pour l'avenir ne saurait impliquer une remise en cause de son existence. Ce n'est pas parce que se pose la question de ses ressources que cet outil, qui a fait la preuve de son utilité, devrait être remis en cause. Il y va de la capacité de l'État à apporter sa part dans l'effort à long terme que doit faire la Nation pour financer la régénération des réseaux, l'amélioration des transports du quotidien, et notamment des TET (trains d'équilibre du territoire), et la création d'infrastructures nouvelles qui concourent à l'aménagement et à la compétitivité de nos territoires.

Si vous m'accordez votre confiance, je m'efforcerai, dans ce nouveau mandat, d'améliorer encore la transparence de cette agence, et de militer pour une représentation plus équilibrée des territoires au sein de celle-ci. J'agirai aussi pour que nous retrouvions un niveau de ressources suffisant pour maintenir et promouvoir des infrastructures fiables, modernes et équitablement réparties sur le territoire, en adéquation avec les projets européens.

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