Intervention de Philippe Duron

Réunion du 9 septembre 2014 à 14h00
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Duron :

Soyons clairs : le président de l'AFITF n'est pas le ministre des transports ni le ministre du budget et n'est pas habilité à parler en leur nom. Je pourrais, éventuellement, vous parler de certains sujets en tant qu'ancien président de la commission « Mobilité 21 ». Mais je ne pourrais pas vous apporter des réponses qu'il n'est pas dans ma compétence d'évoquer. Vous savez que l'AFITF est une agence transparente, comme cela ressort de ses statuts. Elle est là pour mettre au point avec l'État les conventions de financement, elle n'est pas là pour faire des choix à la place de l'État.

Comme notre président, j'ai lu l'article dans lequel il était question d'une augmentation de 2 centimes de la TICPE. Il ne m'appartient ni de confirmer, ni d'infirmer cette assertion. Je pense que c'est au Gouvernement de le faire. Plusieurs hypothèses de travail ont été évoquées à Bercy. Celle-ci a le mérite d'avoir la consistance nécessaire pour régler les problèmes de l'AFITF. Une telle augmentation produirait en effet à peu près 800 millions d'euros. Mais autant que je le sache, les choix du Gouvernement n'ont pas encore été arrêtés. C'est une hypothèse de travail qu'un journaliste a mise en avant. Je ne peux pas vous en dire plus.

Mes chers collègues, vous avez tous eu à mon égard des propos très sympathiques. Mais je les trouve très excessifs, car je connais mes limites. Je vais cependant essayer de répondre sur les questions de fond que vous avez soulevées.

M. Rémi Pauvros s'est interrogé sur les conséquences des difficultés financières sur les projets et les travaux en cours. Il nous manquait en effet cette année à peu près 500 millions d'euros. En outre, le versement de la subvention de l'État se fait lentement. Mais nous avons obtenu très récemment 300 millions, ce qui permettra, dans les semaines qui viennent, d'achever des projets qui avaient été ralentis, voire suspendus. Ces projets, généralement sous maîtrise d'ouvrage de l'État, avaient connu des retards fâcheux, parfois contreproductifs parce qu'on ne livrait pas des ouvrages qui étaient achevés, parfois dangereux pour les entreprises qui, bien évidemment, comptent sur ces commandes de l'État.

M. Rémi Pauvros a également évoqué la question des TET. À l'automne 2013, nous avons signé une convention avec l'État et la SNCF pour le financement de la première tranche de remplacement des TET – des TET thermiques qui, pour des raisons environnementales, ne pouvaient pas continuer à être exploités. Cette convention portait sur plus de 500 millions. Dès cette année, nous avons inscrit 110 millions. Chaque année, nous envisageons d'inscrire une somme équivalente.

Cela dit, nous devons réfléchir à la suite. En effet, l'ancien Premier ministre Jean-Marc Ayrault avait annoncé que la totalité des matériels TET serait remplacée entre 2015 et 2025. Reste à savoir avec quel matériel. La question n'est pas encore tranchée, même si je sais que la SNCF y travaille. Dans certains cas, nous avons des besoins qui vont peut-être au-delà de ce que les nouveaux matériels régionaux que nous avons aujourd'hui – du style « Régiolis » – peuvent nous apporter. Il faudra y travailler dans les semaines et dans les mois qui viennent. Il en a été question avec le ministre des transports lors de notre débat sur la réforme ferroviaire. Nous verrons avec M. Alain Vidalies, son successeur, ce qu'il convient de faire.

Ensuite, nous n'avons pas pu inscrire de recettes dans le budget 2014 pour financer les contrats de plan État région, sur lesquels vous avez été nombreux à vous interroger. En revanche, si les solutions que le Gouvernement prévoit pour refinancer l'Agence en 2015 aboutissent, il est bien évident que les contrats de plan seront une des priorités de financement à partir de 2015. J'ai entendu comme vous le chiffre avancé par Mme Ségolène Royal. J'ai vu aussi un certain nombre de préfigurations. Des chiffres ont été avancés par les préfets. Il ne m'appartient pas, bien évidemment, de les évoquer devant vous. Mais sachez que le dossier avance bien et que nous devrions en connaître les différents éléments dans les semaines qui viennent.

M. Martial Saddier a évoqué les enjeux sociétaux et économiques des politiques de transport et d'environnement. Il a évoqué les possibilités de financement de l'AFITF – j'en ai dit quelques mots – et les conséquences que cela pouvait avoir sur le BTP. Le président de la Fédération nationale des travaux publics (FNTP) et les présidents des fédérations régionales des travaux publics (FRTP), dans nos différents territoires, insistent beaucoup sur les risques de baisse de cahiers des charges des entreprises. Il est effectivement important de pouvoir apporter les financements nécessaires. C'est ce que nous nous efforçons de faire actuellement en débloquant des situations difficiles.

Notre collègue a également parlé de l'avenir du financement. Le Premier ministre, mais également le ministre des transports, nous ont dit qu'il y aurait un financement en 2015. J'ai confiance dans ces engagements. En effet, ce n'est pas qu'un engagement budgétaire, c'est aussi un enjeu économique majeur, et cela correspond à la fois aux besoins de maintien de la croissance et de protection de l'emploi.

M. Martial Saddier s'est enfin inquiété du report d'un certain nombre de projets. Pour l'instant, l'AFITF n'a pas décalé beaucoup de projets. Elle a simplement eu du mal à financer les plus importants. Je pense notamment aux deux LGV, Tours-Bordeaux et Est-deuxième phase. Nous avons étalé les paiements, et il faudra récupérer, dans les années à venir, des moyens pour pouvoir nous mettre à jour vis-à-vis de RFF. Mais jusqu'à présent, ces projets continuent de courir. Ils vont même plus vite que ce que l'on avait envisagé au moment de leur signature.

Au sein de la commission « Mobilité 21 », nous nous étions demandé si nous pourrions mener à bien la totalité des programmes LGV que nous avions imaginés dans la première loi du Grenelle de l'environnement. Nous avions conclu qu'il était nécessaire de phaser ces projets dans le temps. Nous avions ainsi recommandé de réaliser la première tranche de la ligne Bordeaux-Toulouse, et de décider ensuite, au fur et à mesure des possibilités financières. Mais je crois qu'aujourd'hui l'idée n'est pas de remettre en cause les projets du passé. Il est de les phaser dans une séquence un peu longue, pour tenir compte des moyens de l'État français.

M. Stéphane Demilly a parlé lui aussi de l'écotaxe et, comme d'autres collègues, il m'a demandé mon point de vue sur le péage de transit. Eh bien, celui-ci est infiniment moins productif que l'écotaxe poids lourds. L'année prochaine, il ne nous rapportera pas un euro. Peut-être même nous coûtera-t-il quelques euros, car il nous faudra financer deux années de loyer en même temps. Donc, au début, le péage de transit sera une opération blanche pour l'AFITF. En revanche, nous avons mis en place un système de paiement par l'usager. Sans doute faudra-t-il que les prochains gouvernements et que le Parlement reviennent sur ce sujet dans quelques années pour donner un peu de consistance au dispositif.

Quant au projet de canal Seine-Nord, il n'est pas encore dans la maquette financière de l'Agence. Il en est de même de la liaison ferroviaire Lyon-Turin. Mais, derrière ces deux projets, se profile la question de l'intégration des systèmes de transport français dans un contexte européen. Celle-ci figurait dans la feuille de route fixée par le ministre Frédéric Cuvillier à la commission « Mobilité 21 ». Simplement, nous n'avions pas la visibilité financière pour le prendre en compte. Si nous lançons ces projets, et je n'ai pas à émettre un avis sur leur qualité ou leur intérêt, nous devrons bien évidemment prévoir les financements correspondants.

J'ai conduit, à la demande de notre ami Gilles Savary, une mission d'avenir transport en Suisse au cours du printemps dernier. J'ai été, comme tous les collègues qui m'accompagnaient, médusé par les exigences des Suisses. Aujourd'hui, ceux-ci votent les recettes avant de voter les dépenses ; ils ont en effet connu avant nous ces problèmes de distorsion entre recettes et dépenses. Ils bénéficient par ailleurs d'un soutien démocratique. Par exemple, sur une votation du mois de février dernier, ils ont obtenu 4,5 milliards d'euros pour la modernisation du ferroviaire – approuvée à 62 % par les électeurs. Ainsi, en expliquant bien aux gens de quoi il s'agit, on peut obtenir les financements nécessaires. Je ne doute pas que, sur des grands projets comme cela, la question puisse se poser.

Mme Catherine Beaubatie m'a interrogé sur nos priorités. Ce sont bien évidemment la maintenance et la modernisation des réseaux.

Les deux rapports de l'École polytechnique de Lausanne nous ont alertés sur l'état du réseau ferroviaire français. Celui du réseau routier, national comme départemental, mérite également d'être pris en considération. J'ai discuté la semaine dernière avec un directeur général des services d'un département de l'Ouest de la France et j'ai appris que dans son département, les crédits routiers étaient passés en trois ans de 60 à 20 millions d'euros. On peut mesurer le risque de dégradation auquel certains réseaux seront exposés à l'avenir si l'on n'y prend pas garde et si l'on ne trouve pas les recettes nécessaires.

Nous devrons être capables d'offrir des services de qualité sur un certain nombre de grandes lignes – POCL (Paris-Orléans-Clermont-Ferrand-Lyon), Paris-Limoges, Paris-Rouen-Le Havre ou Paris-Cherbourg. Cela suppose d'améliorer et de moderniser les infrastructures pour augmenter la capacité du trafic, notamment par des systèmes de signalisation modernes et efficaces.

Nous devons donc nous atteler à la remise à niveau de notre réseau. Hier, Mme Christine Lagarde, la présidente du FMI, a adressé une injonction à la République allemande : dépenser un demi-point de PIB supplémentaire pour ses infrastructures de transport, et notamment pour leur maintenance, malgré les efforts réalisés grâce à la taxe poids lourds. Comme vous pouvez le constater, la mise à niveau de toutes les grandes infrastructures est une problématique mondiale.

M. Gilles Savary a parlé des CPER ; je crois avoir déjà répondu.

M. Christophe Bouillon a évoqué le développement de l'axe Seine. Celui-ci passe d'abord par la modernisation de l'axe Serqueux-Gisors, pour pouvoir sortir le fret ferroviaire dans des conditions acceptables à partir du port du Havre. Il passe ensuite par la mise à grand gabarit d'un certain nombre d'éléments fluviaux et par l'accès à Port 2 000 – on parlait jadis d'une écluse, on parle maintenant d'une brèche, ce qui me semble tout à fait souhaitable. Sans oublier bien sûr la LNPN et le déverrouillage du Mantois, qui reste une priorité.

M. Yannick Favennec évoquait les CPER et les PDMI. Actuellement, nous finançons les PDMI : 283 millions en 2014 et 293 millions en 2015. Il faut savoir que nous n'avons achevé que l'année dernière le volet routier des contrats de Plan 2000-2007 ; il y a donc toujours un effet retard. Cela dit, il me semble essentiel d'avancer sur les PDMI.

Personnellement, et j'ai bien l'impression de ne pas être politiquement correct, je considère que l'on ne consacre pas assez d'argent au réseau routier : d'abord, parce que c'est un patrimoine gigantesque et que si on le laisse dépérir, cela nous coûtera infiniment plus cher demain ; ensuite, parce que c'est le moyen le plus économique et le plus efficace pour désenclaver un certain nombre de petits bassins d'emplois ; enfin, parce qu'il est nécessaire de prendre en compte les problématiques liées à la sécurité du réseau.

Mme Françoise Dubois a évoqué l'écotaxe ; je crois avoir répondu.

M. Guillaume Chevrollier et d'autres collègues sont intervenus à propos de certaines routes nationales importantes : la RN 12, dont nous nous sommes préoccupés au sein de la commission « Mobilité 21 », ou la RN 162, qui pose effectivement un problème. Je crois que nous avons besoin d'un peu plus de fonds pour aborder ces sujets, qui sont essentiels pour l'économie des territoires, notamment ruraux.

M. Jean-Louis Bricout a parlé du désenclavement de la Thiérache et de la RN 2. Face à ce problème, nous devons être réalistes et vigilants : réalistes parce qu'on ne peut pas faire des voies ferrées partout ; vigilants parce que si nous laissons se dégrader ce patrimoine, nous aurons beaucoup de mal, ensuite, à le remettre à niveau.

Mes chers collègues, je crois avoir répondu à l'ensemble de vos questions. Je reste à votre disposition pour vous apporter d'éventuelles précisions.

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