Intervention de Bernard Roman

Réunion du 10 septembre 2014 à 11h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBernard Roman, rapporteur :

Il y a quelques mois, la presse s'est fait l'écho de plusieurs mouvements financiers apparemment discutables concernant certains groupes parlementaires, à la fois au Sénat et à l'Assemblée nationale. Quel que soit leur degré d'exactitude, les faits rapportés par la presse posent la question de la transparence des finances des groupes parlementaires et, plus largement, de leur statut juridique.

La Constitution en dit peu sur le fonctionnement des groupes politiques, laissant, en son article 51-1, au Règlement de chaque assemblée le soin d'y pourvoir. Or, aujourd'hui, le statut que celui-ci confère à nos groupes politiques est très largement informel. Certes, le Règlement de l'Assemblée nationale précise les conditions de leur formation : un nombre minimal de membres, fixé à quinze députés, et le dépôt d'une déclaration politique auprès de la présidence de l'Assemblée. Depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, les groupes peuvent se déclarer d'opposition, ce qui leur confère certaines prérogatives spécifiques. Mais, en dehors de ces deux éléments, le Règlement est muet sur le statut juridique des groupes. Ceux-ci apparaissent dès lors comme des groupements informels, dépourvus de personnalité morale, et ainsi entièrement libres de déterminer leur organisation interne et leurs règles de fonctionnement.

Cette absence de cadre juridique précis ne poserait pas de difficultés particulières si les groupes occupaient une place modeste dans le fonctionnement du Parlement. Elle devient, en revanche, d'autant plus problématique qu'ils jouent un rôle croissant dans le travail parlementaire et, surtout, qu'ils emploient des collaborateurs et reçoivent des fonds publics. Je rappelle en effet que, chaque année, l'Assemblée nationale leur alloue, pour faciliter leur fonctionnement, une dotation financière dont le montant dépend de leurs effectifs.

La somme, d'environ 10 millions d'euros par an au total, se décompose en 60 000 à 70 000 euros pour chacun des quatre groupes les moins importants de l'Assemblée nationale, un peu plus de 4 millions d'euros pour le groupe majoritaire et un peu plus de 3 millions pour le groupe UMP, le premier groupe d'opposition. Cette répartition résulte d'une proportionnelle inversée, instaurée au cours de la précédente législature, et qui donne plus de « valeur » à un élu de l'opposition qu'à un député de la majorité – il me plaît de le rappeler.

Dans ces conditions, il est apparu normal que, comme tout bénéficiaire de deniers publics, les groupes parlementaires soient tenus de rendre compte de l'usage qu'ils en font. Tel est l'objet de la réforme dont nous débattons ce matin.

Cette proposition de résolution doit beaucoup à l'impulsion donnée à la fin du premier semestre par le Président de notre Assemblée, M. Claude Bartolone, qui a installé un groupe de travail réunissant les trois questeurs et tous les présidents de groupe. C'est l'ensemble de ces personnes qui ont signé le texte soumis à notre examen. Le fait est assez rare pour être signalé.

Cette réflexion commune sur le statut des groupes parlementaires a abouti le 23 juillet dernier à une décision du Bureau de notre Assemblée, selon laquelle les groupes devront désormais être « constitués sous forme d'association, présidée par le président du groupe et composée des membres du groupe et apparentés ». La proposition de résolution prévoit d'inscrire cette disposition dans le Règlement, en son article 20.

Cette modification réglementaire s'inscrit dans le cadre de l'article 51-1 de la Constitution qui, depuis 2008, dispose que « le règlement de chaque assemblée détermine les droits des groupes parlementaires constitués en son sein ». La résolution donnera aux groupes un statut juridique à la fois clair et souple.

Il sera clair, en effet, puisque l'on sortira de la situation actuelle où les groupes n'ont pas de forme juridique précise. Ainsi, ils seront conduits à formaliser davantage leurs modalités de gouvernance et de gestion au quotidien, ce qui contribuera à clarifier les responsabilités de chacun. La situation juridique des collaborateurs employés par les groupes s'en trouvera également sécurisée.

Il s'agit aussi d'un statut souple, car la forme associative est sans doute la plus favorable à la liberté d'organisation et de fonctionnement, dont les groupes doivent continuer de bénéficier. La modification du Règlement ne pose que deux limites à cette liberté, qui vont dans le sens de la simplicité : d'une part, le président de l'association sera nécessairement le président du groupe ; d'autre part, tous les députés membres du groupe, y compris les apparentés, appartiendront obligatoirement à l'association.

Je précise que cette modification réglementaire n'aura pas de conséquence sur certains groupes qui se sont d'ores et déjà constitués en association : le groupe socialiste depuis 1988, mais aussi les écologistes depuis le début de l'actuelle législature. Quant au groupe UMP, comme je l'indique dans mon rapport, il s'est engagé à se constituer dès le 1er octobre en association et à désigner un trésorier. On observe donc une concordance entre les différents groupes sur ce point.

Ce nouveau statut associatif permettra de soumettre les groupes à des obligations nouvelles, également décidées par le Bureau de notre Assemblée le 23 juillet dernier, mais qui n'ont pas vocation à être inscrites dans le Règlement.

Première obligation : le respect des finalités justifiant le versement des dotations financières par l'Assemblée nationale. Ces dotations, rappelle la décision du Bureau, « sont exclusivement destinées aux dépenses nécessaires » à l'activité des groupes, ainsi qu'à la rémunération de leurs collaborateurs.

Deuxième obligation : les groupes devront tenir des comptes. Plus précisément, ils devront, chaque année, établir un bilan et un compte de résultat qui devront être soumis à un commissaire aux comptes.

Troisième et dernière obligation : les comptes des groupes seront publiés sur le site de l'Assemblée nationale, avec les rapports des commissaires aux comptes. Il s'agit là d'une nouvelle mesure de transparence.

Je signale enfin que le Sénat s'est lui aussi doté récemment de nouvelles règles relatives aux finances des groupes parlementaires. Elles présentent au moins deux différences avec celles prévues à l'Assemblée nationale. Sur la forme, tout d'abord, les mesures décidées par le Bureau du Sénat ne donnent pas lieu à une modification de son Règlement, alors que nous avons souhaité formaliser le dispositif en l'inscrivant dans le nôtre, à la rubrique consacrée au fonctionnement de l'Assemblée. Sur le fond, ensuite, les comptes des groupes du Sénat demeurent confidentiels : ils seront transmis au Président du Sénat et aux questeurs, et consultables par les seuls présidents de groupe, alors que, je le répète, nous publierons les comptes chaque année sur le site de l'Assemblée.

Au total, mes chers collègues, c'est une réforme particulièrement consensuelle de notre Règlement que je vous invite à adopter ce matin. Elle renforcera la confiance que nos collègues comme nos concitoyens accordent aux groupes parlementaires, organes absolument indispensables au fonctionnement de notre démocratie.

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