Tout d'abord, je veux saluer ce projet de loi et les intentions qu'il affiche. Il s'agit, nous dit-on, de construire un nouveau modèle énergétique plus diversifié, plus équilibré, plus sûr et plus participatif, avec l'objectif d'assurer une croissance capable de lutter contre le réchauffement climatique, de combattre le chômage et de réduire la facture énergétique de notre pays. Cette ambition est soutenue par des mesures concrètes. Très bien.
Plutôt que d'énumérer nos points d'accord, je vais vous faire part de nos interrogations et de nos doutes. Sous le précédent quinquennat, nous avons connu le Grenelle de l'environnement qui, aux dires de celui qui occupait vos fonctions à l'époque, devait être une révolution copernicienne. Tout cela n'a pas été inutile et a notamment contribué à une prise de conscience mais la montagne a tout de même accouché d'une souris. Je ne voudrais pas, madame la ministre, que votre texte connaisse un sort similaire.
Depuis deux ans, le Président de la République présente ce projet de loi comme l'un des plus importants du quinquennat. C'est sans doute vrai puisqu'il a déjà épuisé trois ministres de l'écologie en vingt-quatre mois. Pour l'heure, je m'en tiens à quelques aspects qui m'interrogent. L'objectif est volontariste : créer 100 000 emplois en trois ans grâce à l'établissement d'une croissance qui lutte contre le réchauffement climatique, combat le chômage et réduit la fracture énergétique.
Où se trouvent donc ces réserves d'emplois ? Dans la filière des énergies renouvelables, répondez-vous. Celles-ci doivent prendre le relais du nucléaire dont la part dans le mix énergétique doit passer de 75 % à 50 % d'ici à 2025, conformément à l'engagement de François Hollande et à ses promesses aux écologistes.
Ces intentions sont illusoires comme le démontrent les premières expériences de développement des énergies renouvelables et l'exemple de l'Allemagne où la fermeture des centrales nucléaires et la fragilité et l'imprévisibilité des énergies renouvelables ont conduit à rouvrir des centrales à charbon. Le nucléaire représente 220 000 emplois. Qu'en faisons-nous, si l'activité décroît ?
Autre grand gisement d'emplois : le bâtiment où 500 000 rénovations lourdes sont prévues tous les ans d'ici à 2017. Ce plan est souhaitable mais très ambitieux car les objectifs fixés ne sont jamais atteints. Le débat parlementaire sera l'occasion d'évoquer le financement de ce vaste chantier.
Le texte législatif entend aussi préparer la reconversion verte de l'industrie automobile française grâce à la voiture électrique, ce qui complète les trente-quatre plans annoncés par Arnaud Montebourg et qui dessine la nouvelle France industrielle. Que vont devenir à présent ces intentions ? Tout cela est fort louable mais il ne sert à rien d'aligner les promesses si l'on ne voit pas comment les réaliser.
Une volonté politique forte sera nécessaire pour adapter notre appareil productif à la transition écologique et pour affronter des lobbies autrement plus puissants que celui auquel le Gouvernement a cédé concernant l'écotaxe. Cela ne passera pas par les 41 milliards d'euros offerts au patronat sans contrepartie notamment écologique – le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi et pacte de responsabilité – mais, selon l'Observatoire français des conjonctures économiques, par 16 milliards d'euros d'investissements annuels à consentir par l'État et les entreprises.
Enfin, citons les grands absents de ce projet de loi : les alternatives au « tout routier » que sont le fret ferroviaire et les voies d'eau, le développement des transports publics, l'agriculture, la fiscalité écologique.
Madame la ministre, nous sommes ouverts au débat mais nous pensons qu'une transition écologique réussie passe par un autre mode de développement économique que celui auquel le Gouvernement Valls 2 s'est résolument converti.